Honoré François Rey dit Raynal

 

Né en 1872 à Bourg dans l'Ain, Honoré Raynal habite Lyon dès l'âge de deux ans. C'est dans cette ville où il fait sa scolarité, qu'il étudie brillamment le chant et débute comme baryton à l'opéra dans le rôle de Valentin de Faust. Le directeur du Grand Théâtre de Bordeaux le remarque et l'engage. À Bordeaux, il chante, Le Barbier de Séville, Manon, Fortunio, La Tosca... Par la suite, il se produira sur diverses scènes, Liège, Lyon, Aix-les-Bains, Vichy en 1912, 1913 et 1914, Nice. Partout, alternèrent avec succès, création et reprises. Dans l'entre-deux guerres, Honoré Raynal fit de nombreuses saisons à l'opéra de Bordeaux. En 1940, au terme de sa carrière de chanteur, il vint professer au conservatoire de Bordeaux. Il eut parmi ses élèves des chanteurs qui feront par la suite une carrière internationale : Luis Mariano, André Dassary, Marcel Merkés, Paulette Merval.

Il résidait au Taillan, rue de la Liberté, dans l'immeuble actuellement occupé par un cabinet d'infirmières et une agence d'assurances. Sa pipe vissée au coin des lèvres, son large béret, sa cape noire et ses sabots, personnage pittoresque et sympathique, il parcourait ainsi les rues du village, connu et apprécié de tous. Il est décédé le 27 juillet 1962.

Un chaleureux hommage, lui a été rendu lors de ses obsèques, le 31 juillet, par un ami habitant de la commune.

Voici le texte de ce discours, conservé par M. Christian Fraisse, né au Domaine de Jau : « Les habitants du Taillan se doivent d'adresser un adieu à cet honnête homme, qui, depuis plus de vingt ans, a vécu près d'eux. M. Raynal est arrivé dans la commune pendant les mauvais jours de la dernière guerre, quittant Bordeaux avec sa femme, pour chercher un calme relatif dans la grande banlieue. Ils restèrent de longues semaines à attendre des nouvelles de leur fils, qui était mobilisé dans une unité combattante, et c'est ici qu'ils apprirent qu'il était vivant, mais prisonnier. Sa captivité fut leur grand souci durant les premières années de leur résidence au Taillan. M. Raynal avait loué un champ pour se livrer à la culture, sans cesse préoccupé comme tant d'autres par la préparation et l'envoi de colis au prisonnier. Nous avions, ma femme et moi, de pareils soucis au sujet de notre fils ; aussi, l'épreuve commune resserra-t-elle les liens d'amitié qui nous unissaient précédemment. Après la guerre et le retour de son fils, M. Raynal demeura Taillanais d'adoption. Très affligé par la mort de sa femme, avec laquelle il formait un ménage parfait, il vécut seul, et malgré la pénible infirmité que lui causait la perte progressive de la vue, il donna un bel exemple de courage et de résignation, s'efforçant en outre de rendre service, aidant par ses conseils et ses leçons les jeunes amateurs de musique.

Nos concitoyens n'ont pas oublié le dévouement avec lequel il prit en mains la direction des chants de leur église, transformant bientôt le groupe de chanteurs en une chorale qui connut des années de succès, organisant avec elle et avec le concours d'élèves bordelais, un concert spirituel dont gardent souvenir tous ceux qui eurent la joie d'y assister. C'était un véritable artiste, musicien, comédien, possédant aussi comme violon d'Ingres, un joli talent de peintre.

Cet excellent chanteur, cet acteur lyrique, a fait une brillante carrière au Théâtre des Célestins de Lyon, puis au Grand Théâtre de Bordeaux, où pendant de nombreuses saisons, il fut titulaire des premiers rôles de son emploi et créateur d'œuvres nouvelles, telles que « Fleurette » d'Aristide Martz, où il marqua d'un relief saisissant le personnage du Père Honoré. Il continuait aussi à donner à Bordeaux, de précieuses leçons de chant. Il décida de renoncer au théâtre alors qu'il était encore en pleine possession de son talent, ne laissant que des regrets à tous ses camarades.

Bordeaux couronna cette belle carrière en faisant de lui un des maîtres de son conservatoire. Il y fut professeur de chant d'opéra-comique et d'opérette. Depuis sa mise à la retraite et jusqu'à ces derniers mois, il a été toujours appelé à siéger dans les jurys des concours de fin d'année, ses compétences musicales le désignant pour ce choix.

La fin solitaire de ce vieillard de quatre vingt dix ans a navré les amis dévoués qui lui procurèrent les dernières joies de son existence et s'employèrent à lui adoucir les épreuves de son infirmité. Après avoir rendu hommage à l'artiste et au professeur, je veux surtout mettre en lumière les qualités de cœur de cet homme, sa modestie, la dignité de son existence, l'exemple qu'il a donné comme époux et comme père, dans une carrière difficile où la vie familiale est trop souvent menacée. En lui disant adieu au nom de ses amis, de ses collègues, de ses élèves et de ses concitoyens, je réserve une pensée à la mémoire de Mme Raynal, qui fut pour lui un soutien, et qu'il rejoint aujourd'hui dans la tombe. Je prie son fils et sa belle-fille d'agréer les sentiments de sympathie que nous éprouvons à leur égard, en prenant part à leur douleur ».

Andrée Raymond, Michel Cla et Christian Fraisse, Le Taillan-Médoc, hier, aujourd’hui, Point Info du Taillan, 2 000, p.166-167.

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                                                                             16 mai 1914 article dans le journal Comoedia