Les petits Fonta (Zozo, France et René) 

 

Ils habitaient l'Ile Cazeau. Chaque matin, ils traversaient, seuls, le fleuve, malgré pluies, orages et mascaret. Parfois, ils arrivaient chez leurs amis chemises et habits ruisselants. Alors, leurs copains qui sortaient du lit chaud, se précipitaient. C'était à qui le premier allumerait un gros sarment, ferait des « rôties », une tranche de pain que supportait la pointe d'un couteau et que l'on mettait devant la flamme. Un autre attrapait le café et le lait, que l'on versait dans leurs bols. Après, contents, ils partaient en classe ensemble. Au printemps et à l'été, c'étaient les enfants du bourg, qui allaient à l'Ile. Zozo donnait rendez-vous à la marée de son choix. La Maman avait tellement confiance en lui qu'elle laissait partir ses petits sans appréhension. D'ailleurs, que d'attraits là-bas : prunes, cerises, pommes à profusion, des asperges vertes dans tous les coins, enfin dans la fameuse allée des magnolias on grimpait aux arbres pour ramener à la maison une énorme fleur blanche. Le quartier en dur était face à Bourg et à Bayon. Les petits Fonta habitaient face à Macau. Leur maison était en planches et le sol en terre battue. À l'intérieur, une cheminée, une grande table et deux lits, avec des rideaux qui descendaient du toit jusqu'en bas. L'Ile en changeant de mains a vu ses cultures bouleversées. Nos gaillards ont dû partir à Bordeaux. Zozo devient docker, France tient un bar et René, que l'instituteur appelait « beau profil grec », après 5 ans dans la Marine, avait obtenu un poste de garde sur le « Massilia ». Un jour, on l'a trouvé noyé. Le beau loup des mers et des rivières a-t-il eu un malaise ou a-t-il été poussé par un voleur nocturne ?

 

 

Texte extrait de : Macau et quelques uns de ses enfants. Macaou e caouque-zun dé sous gouillats. Mme H. M. Duviller, 1985.