Un accident de chasse au XVIIIe siècle 

 

Voici qu'en plein règne de Louis XIV, quelques individus s'étaient permis de chasser dans l'étendue des justices dépendant de la ville. Des Jurats renouvelèrent l'interdiction de chasser à peine de 500 livres d'amende. Ces défenses furent lues et affichées aux portes des églises paroissiales à l'issue de la grand-messe (4 novembre 1702).

Les infractions à cette ordonnance durent être nombreuses puisque le 6 avril 1712 les Jurats prohibèrent de nouveau la chasse au fusil, au lacet et au piège dans les paroisses de la juridiction de la ville à peine de 300 livres d'amende pour la première fois. Ils défendaient en outre d'apporter du gibier en ville de mars à août et aux cabaretiers ou revendeurs d'en acheter pendant ce temps. Les dernières dispositions laissent soupçonner l'existence du marché noir du gibier malgré les efforts des autorités pour le faire disparaître.

Parmi les pièges dont fait mention l'ordonnance de 1712, il en est un auquel se rapporte une anecdote de la vie de Montesquieu qui était racontée par notre arrière-grand-père, d'après les souvenirs de famille très probablement. C'est la glue. On enduisait de glue des bâtonnets qui étaient ensuite disposés dans des branches d'arbres ou des haies. Dans ce dernier cas, le chasseur, armé d'un bâton, frappait la haie en commençant à l'extrémité opposée à celle où se trouvaient les pièges puis en se dirigeant vers ceux-ci. Les oiseaux, affolés par les coups de bâton, fuyaient vers la partie qui était plus tranquille et finissaient par se poser sur les pièges où le chasseur n'avait plus qu'à les prendre à la main. On appelait cette chasse : la Bouëte et le chasseur : lou Bouëtayre.

Donc, Montesquieu étant à la Brède voulut éprouver la surveillance de ses gardes et pour cela, revêtu d'une vieille houppelande, il s'en alla chasser à la bouëte le long d'une haie. Un garde l'aperçut qui de loin, lui donna l'ordre de cesser sa chasse, mais le chasseur, courbé sur sa haie, n'en fit rien et continua à frapper les branches avec son bâton. Le garde exaspéré par cette désobéissance lui asséna alors un coup de canne sur le dos. Montesquieu constatant que son garde remplissait bien sa fonction se retourna et l'on devine la stupéfaction du garde lorsqu'il reconnut « moussu » ! (C'est ainsi que l'appelaient ses serviteurs). Le rapprochement des ordonnances successives sur la vie chère et la chasse montre que l'administration d'alors avait de la suite dans les idées et que, sans manquer d'autorité elle était néanmoins assez paternelle.

Notes du docteur Arnaud Alcide Castaing sur la paroisse de Saint-Médard-en-Jalles sous l’Ancien Régime et sur la commune de la Révolution au XXème siècle, dossier familial, 1946, 270 pages, p.36-37.