Jeanne BALESTIC, de Blanquefort (1812-1883)

 

Sous Louis 14, les Balestic sont regroupés entre Martignas et Saint Jean d’Illac.
Sous Louis 15, une branche part à Mérignac.
Sous Louis 16, une s’installe à Pian-Médoc, une autre à Saint-Médard-en-Jalles.
Sous Napoléon, il n’y a plus de Balestic à Martignas. Ils se retrouvent à Mérignac, Pian-Médoc, Blanquefort, Saint Médard-en-Jalles…

Jeanne Balestic est née à Blanquefort au village de Caychac, le 16 juillet 1812, fille de Jean Balestic et de Catherine Hosteins.

 

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Blanquefort, Caychac aujourd’hui

 

Elle se marie le 5 mai 1832, à 19 ans avec Louis Alves Pinto Dacosta, « demeurant ensemble, lieu des Sables à Blanquefort ».

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Blanquefort, rue des Sables aujourd’hui

 

Ils auront deux filles, Catherine en 1833, Jeanne en 1836.
Malheureusement, Louis Dacosta meurt le 19 septembre 1839, âgé de 27 ans, laissant seule Jeanne avec ses deux petites, Catherine (6 ans) et Jeanne (3 ans).
L’année suivante, le 27 juillet 1840, elle se remarie à Virelade, avec Joseph Brugères, un tonnelier originaire de Loudun, dans la Vienne. Le couple s’installe à Bordeaux, 8 rue Fonfrède. C’est là que naît la troisième fille de Jeanne, Rose Brugères le 9 août 1848.

 

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Bordeaux, 8 rue Fonfrède aujourd’hui

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Fin février 1852, Joseph Brugères quitte Bordeaux pour la Nouvelle-Orléans à bord du voilier le « Kilby », laissant sa femme et ses trois filles, pour réussir là-bas une nouvelle vie.
Ce qu’il ne sait pas encore, c’est que 8 mois plus tard, une petite Louise Brugères voit le jour, au domicile de Jeanne qui a changé d’adresse et qui habite maintenant au 14 rue Michel Montaigne (actuelle Pharmacie des Grands Hommes).

 

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Bordeaux, 14 rue Michel Montaigne aujourd’hui

 

Joseph Brugères l’a promis : dès que cela sera possible, la famille le rejoindra.

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Ambroise Louis Garneray, vues des ports de France

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New Orleans au 19e siècle

 

Pourquoi avoir choisi la destination de la Nouvelle-Orléans ? On ne peut qu’émettre des hypothèses…

En examinant les demandes de passeport au départ de Bordeaux vers la Nouvelle-Orléans , on constate une sur-représentation de blanquefortais :

En 1835 Pierre Isidore Amblard, 18 ans, et Pierre Prévot, tonnelier, 27 ans.
En 1836 François Béreau, 22 ans, « pour y exercer sa profession de serrurier ».
En 1848 Guillemette Beau qui va faire avec ses 2 enfants plusieurs allers-retours Blanquefort-Nouvelle-Orléans (1848, 1849, 1860).
En 1849 Jean Léon Seignouret et son frère Joseph vont aussi faire des allers-retours (1849, 1850, 1852, 1860).
On note également le départ de Joseph Forton d’Eysines en septembre 1841 et celui de Pierre Lagunegrand, de Parempuyre, en juillet 1842.

Il semble évident que tous ces départs sont connus et largement commentés au sein des familles de l’époque, avec un parfum d’aventures, d’espoir d’une vie meilleure, de possible fortune…

 

Ce samedi 22 avril 1854, le « Mary Merrill » accoste le quai de la Nouvelle-Orléans, en Louisiane. Au milieu des passagers, pressés de fouler le sol américain, Louise débarque avec ses deux filles les plus jeunes. Mais on devine un drame : le passeport de Jeanne Balestic indique qu’elle doit embarquer, non seulement avec les petites Rose et Louise, mais aussi avec son autre fille, Jeanne Dacosta. Or il n’y a que Rose et Louise qui débarquent avec leur mère : Jeanne Dacosta n’est pas là. On peut supposer beaucoup de scénarios, toujours est-il qu’elle ne figure ni sur les arrivants à la Nouvelle-Orléans, ni sur les registres de mariages ni sur ceux des décès de Blanquefort de ces années-là…

Joseph a eu le temps de s’installer, peut-être d’apprendre l’anglais, de commencer à travailler comme tonnelier.
Ayant déjà mis un peu d’argent de côté, il s’installe au 63 St Louis Street en tant que marchand d’alcool en gros. Ses affaires commencent à prospérer…

 

Pendant ce temps, la fille ainée de Jeanne, Catherine Dacosta, restée en France, est probablement recueillie à Parempuyre par sa grand-mère maternelle, Catherine Hosteins, veuve de Jean Balestic. Elle y rencontre Jean Diet, fils d’un boucher de Ludon-Médoc. Le 2 avril 1855 vient au monde le petit Jacques, qui sera reconnu lors de leur mariage, le 14 novembre de la même année.
C’est encore une époque où l’on exige le consentement des parents pour les mineurs (majorité à 21 ans pour les filles, 25 ans pour les garçons). Jean Diet a 20 ans, ses parents donnent leur accord. Jeanne en a 22, elle est majeure. Néanmoins on lui demande l’acte de décès de son père, qu’elle fournit. Mais on lui demande aussi d’indiquer le dernier domicile de sa mère, Jeanne Balestic.
Réponse recueillie par Arnaud Destanque, adjoint au maire de Parempuyre : « Elle nous a affirmé par serment n’en avoir aucune connaissance, et après avoir fait la même interpellation aux témoins présents, ceux-ci ont affirmé par serment connaître la future mais ignorer le dernier domicile de sa mère. »

Trois mois plus tard, Catherine accouchait de jumelles (Jeanne et Catherine !!). Malheureusement, les deux petites décédaient le lendemain de leur naissance, le 24 février 1856.
Le malheur s’acharne parfois… Un an plus tard parvient la terrible nouvelle : « Jean Diet, fusilier au 10e de ligne, est décédé à Paris le 14 août 1857, à l’hôpital militaire du Val de Grâce. »

 

Mais en parcourant le registre des passeports délivrés à Bordeaux en 1858, apparait une note d’espoir :
« Signalement : Dacosta Catherine avec son fils Jean Diet âgé de 3 ans, native de Blanquefort, Gironde, demeurant à Parempuyre, Gironde, allant à la Nouvelle-Orléans sur le « South America », âgée de 25 ans, taille d’un mètre 50, cheveux noirs, front découvert, yeux châtain, nez bien fait, menton rond, visage ovale, teint blanc. Bordeaux, le 22 octobre 1858 ».

On ne saura pas si Jeanne Balestic, à la Nouvelle-Orléans, aura pu réunir autour d’elle ses 4 filles…
La vie poursuit son cours… le 6 novembre 1860 Abraham Lincoln est élu. son parti prône l’abolition de l’esclavage. Les états du sud, dont la Louisiane, font sécession. Durant l’année 1861, et jusqu’en mai 1862, les nordistes subissent échecs sur échecs.
Lincoln organise alors un blocus maritime qui va étouffer le Sud et, déjà, le 1er mai, La Nouvelle-Orléans, est reprise aux sudistes, pratiquement sans résistance.

Joseph Brugères a alors 48 ans, Jeanne Balestic 50 ans, Rose 14 ans, et Louise 10 ans. On peut y rajouter Catherine Dacosta 27 ans, Jean Diet, 5 ans, et peut-être Louise Dacosta qui serait âgée de 24 ans.
Joseph et Jeanne pensent que cette victoire nordiste est une vraie opportunité : les biens de certains sudistes sont confisqués, ce qui leur permet, en mai 1865, d’acquérir aux enchères le 59 Customhouse Street, appartenant à un certain John Slidell. Ils investissent dans cette affaire une grande partie de leur nouvelle fortune, agrandissant et améliorant leur commerce d’alcool en gros.

 

Grandeur et décadence… au faîte de leur réussite, en juillet 1871, l’ancien propriétaire de la Customhouse Street, John Slidell, meurt.
Ses héritiers demandent à récupérer l’entreprise, possibilité offerte par une loi de 1862 stipulant que les propriétés acquises auprès de l’état américain dans les conditions évoquées, n’étaient que viagères, n’affectant pas le titre d’héritiers aux enfants du spolié.
En fait, l’Etat était doublement gagnant, il avait encaissé le prix de la vente, et quelques années plus tard, s’attirait la reconnaissance des descendants des anciens rebelles.

 

Engageant probablement de gros frais de procédure, Joseph et Jeanne poursuivent leur protestation jusqu’à la Cour Suprême des Etats-Unis, qui confirme, en 1874, la décision des tribunaux de Louisiane, arguant qu’ils auraient dû s’enquérir, lors de l’achat, de l’étendue du titre de propriété des Etats-Unis.
Joseph et Jeanne sont ruinés… à peine leur reste-t-il de quoi redémarrer un petit commerce de vente au détail d’alcool sur « Toulouse Street », dans le « Vieux Carré Français » de la Nouvelle-Orléans.

Jeanne Balestic décède le 2 mars 1883, suivie de Joseph, le 1er mars 1885.

 

Rose et Louise feront appel auprès de la Cour des Réclamations des Etats-Unis en 1907.
Définitivement déboutées en 1908, il leur est toutefois indiqué qu’à titre de « cadeau », elles pourraient éventuellement demander au Congrès de leur rembourser le paiement initial de 1865, soit 5050 dollars (dollars de l’époque, actuellement 65 000 euros environ). Elles en demandaient 53 700 dollars (690 000 euros environ)…

On ne sait pas si elles ont demandé et obtenu ce « cadeau ».

 

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New Orleans, 1857

 

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Texte de Jean-Paul Balestic, descendant.

Tous les renseignements concernant la procédure de la famille Brugères aux Etats-Unis ont été donnés par Carol Mills qui a écrit un livre intitulé : A Genealogist’s Guide to the French and American Claims Commission 1880-1884.