La voirie d’autrefois

Extraits de conseils municipaux (archives de la Mairie de Blanquefort, d’après l’auteur, Gérard Dabadie, sans autres références)

- page 101 : en 1792, à propos des foires qui avaient lieu sur la place appelée « Leyre » où il y a un puits dans le coin, situé près de l’église, on cite « les nombreuses voies conduisant à cette commune facilitant le commerce ».

- page 132 : (vers 1850) le classement comme chemins vicinaux de plusieurs voies, en particulier celle qui communique de la Rivière à Peybois en passant par le Neurin, celle du port de Solesse, ainsi qu’une protestation du Conseil contre le projet de création de la route de Bordeaux à Labarde, celle-ci devant nuire au commerce blanquefortais.

- page 134 : la route du Médoc ne passait pas alors au même endroit qu’aujourd’hui, mais par la voie appelée actuellement boulevard Alcide Lançon. L’Administration supérieure décida de faire effectuer la rectification que nous connaissons. Le Conseil municipal de Blanquefort, consulté pour avis, n’approuva pas ce projet ; mais il dut se soumettre et les travaux eurent lieu en 1856, provoquant d’ailleurs un déplacement du mur de la propriété Cholet afin de ne pas toucher au lavoir Destournet.

Puisque nous en sommes dans le chapitre des voies de communication, signalons qu’en 1859 le maire de Blanquefort proposa l’établissement d’un chemin d’intérêt communal allant de la barrière Tivoli de Bordeaux à Ludon, traversant la jalle de Blanquefort au pont de Magnol et arrivant au chemin vicinal de Terrelade, après avoir coupé le village d’Andrian et le communal de la Landille. Cette route, nous la connaissons aujourd’hui. Sa création permit, dès 1864, à des voitures publiques de porter les voyageurs de Blanquefort (place de l’Eglise où la remise existe toujours) à Bordeaux (place de la Comédie) en passant par Bruges et Le Bouscat).

Un élément nouveau était intervenu dans les moyens de communication : les chemins de fer. En 1855, dans l’étude du projet d’installation de la ligne du Médoc, le Conseil estima que la voie ferrée devait passer par le bourg, « insistant beaucoup sur les inconvénients qui résulteraient pour le colmatage et la salubrité publique de l’établissement de la voie ferrée dans le marais…, que ceux-ci sont très peu solides et, pour ainsi dire, flottants… ».

Dix ans plus tard, le Conseil protesta énergiquement contre la prétention de la Compagnie de faire construire la gare loin du bourg, souhaitant plutôt son installation à Andrian. « Il est certain que si la gare se faisait au lieu indiqué par la Compagnie, son éloignement du bourg nécessiterait la création, à cet endroit, d’établissements nouveaux où s’arrêteraient les nombreux voyageurs que les trains de plaisir amèneront les jours de fête ».

Mais le Conseil dut se résigner et se contenta alors d’exiger trois passages à niveau : celui de Mataplan, celui établi sur le chemin vicinal n°3 et celui du chemin de Blanquefort à Parempuyre. Les travaux commencèrent en 1865, les ingénieurs s’installant à la future École d’Agriculture ».

- page 126 : les réparations des chemins vicinaux furent longtemps effectuées par les habitants. Voici, à titre d’exemple, les prestations en nature pour l’année 1835 : une journée de travail pour tout chef de famille ou d’établissement ; une pareille prestation pour chaque bête de trait ou de somme et pour chaque charrette. Ces dispositions pouvaient être rachetées d’après le tarif suivant : la journée manœuvre 1 F, de la bête de somme (cheval ou mulet) 2 F, de l’âne 1 F, la journée du tombereau attelé d’une paire de bœufs ou de vaches de labour 6 F, attelé d’un cheval ou d’un mulet 3 F, de deux 6 F, de trois 8 F.

- page 129 : Conseil de 1840 : la construction de ponts sur le chemin vicinal passant devant le cimetière, au chemin de Linas (lieu du Moulinet), au lieu dit le Canal, à Louens (Arruhaut), au chemin Destournet ; la reconstruction de celui de Brégnays et l’élargissement de celui de la Rivière.

Gérard Dabadie Blanquefort et sa région à travers les siècles, 1952.

 

Un récit sur les moyens de circulation autrefois

Abel Janicot, mon arrière-grand-père, connaissait bien son voisin Gérard Dabadie, devenu par ses recherches et écrits historien blanquefortais ; il lui avait montré, un soir, un texte qu’il avait préparé vers 1950 sur les transports et voies de communication à Blanquefort à travers les siècles.

« On ne circulait à l’origine qu’à pied ou à cheval. La première voie de communication importante que nous connaissons est l’ancienne voie romaine appelée la « Lébade » (levée ou « Camin de Solaco » qui, partant de la porte Médoc (entrée actuelle de la rue Sainte-Catherine) se dirigeait vers la belle porte de Noviomagus (face à Soulac) traversant Blanquefort, Parempuyre, Louens, Arsac, Castelnau, Moulis, Saint-Laurent, Cussac, Métullium (Saint-Germain), Queyrac, Vendays, Lilhan. Cette route était empruntée par les paysans venant apporter leurs denrées à la ville, notamment les meuniers avec la farine provenant des moulins installés sur les jalles. Aux fonctionnaires en voyage étaient réservés tous les privilèges. De distance en distance, ils trouvaient des relais de poste où des chevaux étaient toujours tenus à leur disposition ; au besoin, ils couchaient chez les habitants, au grand ennui de ceux-ci, car ils passaient pour exigeants et fort enclins à emporter ce qui leur avait plu. Les plus pauvres allaient à pied, les vêtements bien troussés, un bâton à la main, une besace au dos. Quand on avait les moyens, on se fournissait d’une mule, voire d’un cheval.

Certains cabriolets à deux roues, tirés par des chevaux gaulois, petits et trapus mais vifs et endurants, circulaient à une vitesse telle… qu’une loi en réglait l’allure. Mais manquant de ressorts, ils étaient peu confortables sur des routes aussi cahoteuses.

Celle dont nous parlons plus avant passait par Linas. Elle fut reconstruite en 1198 afin de permettre à Aliénor d’Aquitaine d’aller se rendre aux Anglais à Soulac. La fréquence des passages des pèlerins se rendant à Compostelle et débarquant soit à Soulac, soit à Macau, permit une nouvelle amélioration de son état grâce aux établissements hospitaliers d’Arcins, Ludon et le Vigean qui les recevaient.

Un itinéraire manuscrit pour les pèlerins de Senlis signale pour ce qui nous intéresse : « Le Bec d’Ambrois passage dangereux qui est un Pont et une isle entre-deux-mers qu’on voit à gauche lieue « Montferrand »… « Le pays de Médoc adextre dont on voit place et chasteau : Blanc et fort à dextre, chasteau fort ancien ». La poste existait déjà à la fin du XVI° siècle entre Bordeaux et Lesparre passant sur l’ancienne « Lebade », chaque voyageur devant payer 20 sous tournois par jour et par cheval « si l’on faisait la route au galop, ceux qui marchaient au trot ou au pas ne payaient que moitié prix ».

En 1714, un voyageur écriait : « C’est une grosse affaire de ne pas s’égarer. Les fougères, bruyères et d’autres plantes de ce genre couvrent tout et cachent la route si bien qu’on ne la distingue plus ; en plus, la végétation la rend peu praticable parce qu’elle fait trébucher les chevaux et leur taille les pieds. Les chemins secondaires sont dans un état lamentable. Les relations ne permettent pas un commerce normal, sinon aux colporteurs portant sur leur dos leur maigre démonstration. Mais après un arrêt du Conseil d’Etat du 13 octobre 1750, Tourny, Intendant de Guyenne, fit construite la chaussée traversant le marais de Blanquefort. « En effet, lorsque la Jalle débordait, le marais était couvert d’eau et les communications interrompues par voie de terre (Abbé Baurein) ».

En 1800, Brémontier, ingénieur en chef des Ponts-et-Chaussées, rendait compte de l’abandon total des routes depuis quelques années et le défaut d’entretien surtout. À Blanquefort, terrain naturel praticable, à l’exception d’un mauvais pas sur lequel il est indispensable d’établir une chaussée… La levée de Blanquefort exige quelques rechargements ». Mais cette route ne sera vraiment convenable vers Parempuyre qu’en 1853. La première voiture publique consistait en Médoc, avant la Révolution, en une chaise à quatre places, circulant entre Bordeaux et Lesparre et passant par Blanquefort, Castelnau et Saint-Laurent. Encore ne fonctionnait-elle qu’une fois par semaine, mettant quatre jours pour effectuer le trajet aller et retour. Elle fit place sous le Premier Empire à une voiture à quinze places faisant l’aller et le retour en un jour. La station-relais se situait dans l’actuelle rue Tastet-Girard… Aspect de ces archaïques attelages : grandes voitures de bois peint, généralement de couleur brune ou verte, tirées par deux chevaux en terrain plat et par trois dans les montées. Le troisième cheval attendait l’omnibus au bas de la côte et l’employé chargé de lui l’attelait avec ses camarades ».

Gérard lui avait aussi signalé lors d’une autre soirée qu’en « en 1792, à propos des foires qui avaient lieu sur la place appelée « Leyre » où il y a un puits dans le coin, situé près de l’église, des nombreuses voies conduisant à cette commune facilitant le commerce ».

Il situait « vers 1850 le classement comme chemins vicinaux, de plusieurs voies, en particulier celle qui communique de la Rivière à Peybois en passant par le Neurin, celle du port de Solesse, ainsi qu’une protestation du Conseil contre le projet de création de la route de Bordeaux à Labarde, celle-ci devant nuire au commerce blanquefortais.

La route du Médoc ne passait pas alors au même endroit qu’aujourd’hui, mais par la voie appelée actuellement boulevard Alcide Lançon. L’Administration supérieure décida de faire effectuer la rectification que nous connaissons. Le Conseil municipal de Blanquefort, consulté pour avis, n’approuva pas ce projet ; mais il dut se soumettre et les travaux eurent lieu en 1856, provoquant d’ailleurs un déplacement du mur de la propriété Cholet afin de ne pas toucher au lavoir Destournet.

Puisque nous en sommes dans le chapitre des voies de communication, signalons qu’en 1859 le maire de Blanquefort proposa l’établissement d’un chemin d’intérêt communal allant de la barrière Tivoli de Bordeaux à Ludon, traversant la Jalle de Blanquefort au pont de Magnol et arrivant au chemin vicinal de Terrelade, après avoir coupé le village d’Andrian et le communal de la Landille. Cette route, nous la connaissons aujourd’hui [avenue du 11 novembre]. Sa création permit, dès 1864, à des voitures publiques de porter les voyageurs de Blanquefort (place de l’Eglise où la remise existe toujours) à Bordeaux (place de la Comédie) en passant par Bruges et Le Bouscat) ».

Un élément nouveau était intervenu dans les moyens de communication : les chemins de fer. En 1855, dans l’étude du projet d’installation de la ligne du Médoc, le Conseil municipal estima que la voie ferrée devait passer par le bourg, « insistant beaucoup sur les inconvénients qui résulteraient pour le colmatage et la salubrité publique de l’établissement de la voie ferrée dans le marais…, que ceux-ci sont très peu solides et, pour ainsi dire, flottants… »

Dix ans plus tard, le Conseil protesta énergiquement contre la prétention de la Compagnie de faire construire la gare loin du bourg, souhaitant plutôt son installation à Andrian. « Il est certain que si la gare se faisait au lieu indiqué par la Compagnie, son éloignement du bourg nécessiterait la création, à cet endroit, d’établissements nouveaux où s’arrêteraient les nombreux voyageurs que les trains de plaisir amèneront les jours de fête ».

Mais le Conseil dut se résigner et se contenta alors d’exiger trois passages à niveau : celui de Mataplan, celui établi sur le chemin vicinal n°3 et celui du chemin de Blanquefort à Parempuyre. Les travaux commencèrent en 1865, les ingénieurs s’installant à la future École d’Agriculture ».

« Les réparations des chemins vicinaux furent longtemps effectuées par les habitants. Voici, à titre d’exemple, les prestations en nature pour l’année 1835 : une journée de travail pour tout chef de famille ou d’établissement ; une pareille prestation pour chaque bête de trait ou de somme et pour chaque charrette. Ces dispositions pouvaient être rachetées d’après le tarif suivant : la journée manœuvre 1 F, de la bête de somme (cheval ou mulet) 2 F, de l’âne 1 F, la journée du tombereau attelé d’une paire de bœufs ou de vaches de labour 6 F, attelé d’un cheval ou d’un mulet 3 F, de deux 6 F, de trois 8 F ».

Gérard Dabadie disait encore : « L’inauguration du chemin de fer concernant le premier tronçon allant de Bordeaux à Macau eut lieu à l’automne de 1868 et le Cardinal Donnet prononça dans son discours : « Partez, chars de feu, allez porter le progrès et la civilisation dans les contrées les plus reculées ». Et les trains, tirés pourtant par des locomotives aux noms évocateurs : « Château-Margaux, Lafitte, Pergauson », s’en allaient tout doux, tout doucement, avec un respect plutôt relatif des horaires (R. Saubeste).

Mais pour la desserte immédiate de la banlieue bordelaise, il nous faut parler des premières organisations de transports de voyageurs. Il fallut attendre le 17 décembre 1893 pour voir en service le premier tramway à fil électrique et aérien en direction du Vigean grâce à la Compagnie Thomson-Houston. Le prolongement jusqu’à Blanquefort eut lieu le 10 avril 1898. Les premières motrices comportaient à l’avant et à l’arrière une plate-forme offrant 7 places aux voyageurs ouvertes à tous les vents. Le voyage sur la plate-forme ne manquait pas de charmes pour les jeunes à la belle saison ; inutile d’insister sur le danger qu’il présentait en hiver à la sortie d’un bureau, d’un magasin, d’un atelier surchauffé ».

Au conseil municipal de 1840, il est décidé : « la construction de ponts sur le chemin vicinal passant devant le cimetière, au chemin de Linas (lieu du Moulinet), au lieu dit le Canal, à Louens (Arruhaut), au chemin Destournet ; la reconstruction de celui de Brégnays et l’élargissement de celui de la Rivière ».

D’autres notables blanquefortais lui faisaient remarquer l’influence des propriétés sur le tissu urbain et routier. « Le tracé routier a évolué en fonction de l’implantation des châteaux… C’est au XIXe siècle que le tracé routier s’est complexifié pour permettre la circulation de ces domaines vers le centre-ville et Bordeaux. Au XIXe siècle, les châtelains avaient quasi tout pouvoir sur le tracé des routes car c’est eux qui faisaient vivre la commune et la modernisaient. C’est un des châtelains de Blanquefort, Édouard Avril, ingénieur des chemins de fer du Midi, propriétaire du Béchon qui fit tracer la voie de chemin de fer qui va de Bordeaux au Verdon, en desservant tout le Médoc. Ce ne fut pas dans un but désintéressé qu’il la fit tracer, c’était pour le transport du vin de Blanquefort à Bordeaux, (ce qui fut avantageux pour tous les producteurs de vin). Un autre aménagement fut le tracé de la route qui mène à la gare : elle ne se fit pas sans peine car le propriétaire de Fongravey, M. de Bethman, refusait de voir sa propriété amputée d’une partie, il fit repousser cette route vers la limite de sa propriété, ne perdant que peu de terrain. Ce fut un soulagement pour les exploitants viticoles car il fallait pour accéder à la gare à l’origine passer par le chemin de la Landille avec un crochet sur la départementale ou bien contourner Fongravey, côté nord… Un autre exemple du pouvoir des châtelains, ce fut la transformation que réalisa Mme Piganeau, propriétaire de Dulamon, sur le tracé de la départementale. À une époque où la circulation n’était de très loin ni importante, ni bruyante, Mme Piganeau fit déplacer la route départementale, passant à son gré trop près du château. Propriétaire des deux côtés de la route, ayant sur place à Bordeaux de très nombreuses relations à la préfecture, aux Ponts-et-chaussées, on argumenta que la côte serait plus facile à monter. Le projet fut adopté, les frais furent tous à sa charge. La ligne droite du Vigean fut brisée et est telle qu’on la retrouve aujourd’hui. Ces propriétaires avaient cette influence parce qu’ils faisaient vivre une grande partie de la population… »

Textes tirés du livre de Gérard Dabadie, « Blanquefort et sa région à travers les siècles », 1952 et présentés par Henri Bret.