Quarantaine à la palu de Blanquefort

La palu est une terre alluvionnaire en bordure de la Garonne, terre grasse et fertile, dont une partie est cultivée : un peu en vignes et beaucoup en prairies et l’autre est une zone de marais. Un réseau de fossés draine la partie la plus humide mais cela reste des terres inondables.

La palu offre des ressources naturelles exploitées par l’homme, roseaux, joncs utilisés pour l’habitat et comme litière, aubiers et aubarèdes utiles pour la vigne et la vannerie et la pêche y est pratiquée. On y fait également pourrir (rouir) le lin et le chanvre pour séparer la tige des fibres de la plante.

Carte-de-Cassini

Carte de Cassini

 

Epidémie de peste

En juin 1664, les Jurats de Bordeaux sont avertis par des citoyens que la peste sévit en Hollande et Zélande, ils ordonnent que tous les vaisseaux qui viennent d’Amsterdam et remontent la Garonne pour venir à Bordeaux, s'arrêtent à la Palu de Blanquefort pour une quarantaine. Pendant la quarantaine le maître de vaisseau sera tenu de « faire déplier et éventer dans les plaines de la palu les toiles, draperies et autres marchandises pour en chasser le venin qui y pourrait être ». Les propriétaires des chais avoisinants la palu sont sollicités pour louer leurs biens aux marchands qui y entreposeront les marchandises des vaisseaux. Les marchandises devront « être mises à l’air de temps en temps » et parfumées et désinfectées, et y resteront 4 mois après avoir été désinfectées.

Les personnes à bord des vaisseaux : marchands, matelots et autres passagers ne doivent avoir aucun contact avec les habitants sous peine d’une amende de 3 000 livres et la confiscation aussi bien du vaisseau que des marchandises transportées.

Menaut Belloc, visiteur de rivière, est chargé de tenir un registre dans lequel seront consignés la date d’arrivée du bateau, la qualité des marchandises et l’état de santé de toutes les personnes à bord.

Les bateaux en provenance d’autres ports qu’Amsterdam devront produire un certificat de leur lieu de départ assurant qu’aucune maladie contagieuse n’est à signaler.

La mesure de quarantaine s’étend le mois suivant aux vaisseaux en provenance du port de Hambourg. En août 1664 la peste ayant progressé en Hollande, les jurats ordonnent aux marchands et négociants bordelais de ne plus commander en Hollande des « draperies, laines, futaines, basins, étoffes de soye, cotons, toiles, camelots, bourres, lins, chanvre, cires, fils, fleurets, rubans et autres semblables marchandises ».

La peste se transmet principalement par piqûre de puce véhiculée par les rongeurs. Le transport des marchandises et plus particulièrement des textiles qui, en balles fournissent aux rats un lieu idéal pour la nidation, et de la friperie où les puces abondent, est un des vecteurs principal de la circulation de la peste.

Les bateaux ne transportant pas de marchandises prohibées ne sont pas tenus de faire la quarantaine, après un léger « désinfectement fait au corps du vaisseau et de l’équipage » et pourront aller au port de Bordeaux.

Un an plus tard, en août 1665, la peste fait des ravages en Angleterre et plus particulièrement à Londres, les mêmes demandes de mise en quarantaine devant la Jalle de Blanquefort sont ordonnées.
En décembre 1665, la mesure de mise en quarantaine est étendue aux bateaux venant de Calais où la peste est également présente. En janvier 1681 des cas de contagion sont signalés dans différentes paroisses du Médoc.

Plusieurs parfumeurs pendant cette période proposent leurs services pour désinfecter les marchandises dont Martin Grou, sieur de Saint-Martin, Jean Baillet parfumeur ordinaire de la ville de Bordeaux. Depuis le moyen-âge la croyance voulait que les bonnes odeurs éloignaient les miasmes pestilentiels d’où l’importance des parfumeurs. Le parfum était un mélange de substances aromatiques (genièvre, romarin, coriandre, laurier, …) et minérales (salpêtre, soufre, arsenic, …) destiné à des fumigations.

L’épidémie de peste, qui a débuté à l’automne 1663 s’est poursuivie jusqu’en 1684, elle a été la dernière épidémie de l’Europe occidentale.

Remarque : dans la langue française le terme « palu » est masculin, en Bordelais il est du genre féminin.

 

Sources : Inventaire sommaire des registres de la Jurade de Bordeaux, 1520 à 1783 – Archives municipales de Bordeaux.


Bibliographie :
Le fleuve de papier. Visites de rivières et cartographies de fleuve (XIIIe – XVIIIe siècles) de Virginie Serna,
La Palu de Bordeaux aux XVe et XVIe siècles de Sandrine Lavaud,
Autour d’une épidémie ancienne : la peste de 1666-1670 de Jacques Revel – 1970,
Blog le parfum et la peste, 6 avril 2020.

Martine Le Barazer, juin 2021.