La Garonne.

Cet immense fleuve borde la commune de Blanquefort, puis celle de Parempuyre, puis de Ludon et de Macau sur plusieurs kilomètres. La garonne soumise à de fortes marées, entrainant un marnage important (le marnage est le dénivelé entre les niveaux d’une marée haute et d’une marée basse successives), et donc à des courants puissants, bordées de rives boueuses et dangereuses, elle n’a jamais vraiment attirée les Blanquefortais. C’est à Bordeaux que s’est concentrée historiquement l’activité portuaire. Quelques tentatives ont cependant eu lieu à Blanquefort, y compris pendant l’occupation allemande pour des raisons stratégiques. Peut-être les évolutions récentes verront l’extension du port de Bordeaux pour le transport d’éoliennes fabriquées sur la zone industrielle de la commune, bâtie sur une partie des anciens marais.

Seconde guerre mondiale

La Garonne que les Blanquefortais fréquentent peu a été le lieu de drames pendant la Seconde Guerre mondiale, ainsi que le prouvent certains procès-verbaux de la gendarmerie :

  • PV 267 du 8 mars 1944 constatant la découverte d'un cadavre au port de Grattequina. Il s'agit de Losada Rafaël, 41 ans, habitant rue des Faussets à Bordeaux, mort par immersion, selon le certificat délivré par le docteur Castéra.

 

  • PV du 1er décembre 1945. Gendarme Dupin. Rapport sur un bateau coulé dans la Garonne. Les gendarmes Quet et Bernard, en visite de commune avec le side-car, dans la commune de Parempuyre, ont entendu, alors qu'ils se trouvaient au bourg une détonation provenant de la direction de la Garonne. S'étant rendus aussitôt au Port de Lagrange, ils ont appris qu'un bateau grec chargé de charbon qui montait sur Bordeaux, venait de sauter sur une mine magnétique, à environ 500 mètres en amont du port suscité. À leur arrivée sur les lieux, l'équipage avait été ramené à terre par les vedettes des chantiers de renflouement. Trois hommes sont manquants, l'officier en second, le maître d'équipage et un matelot. Trois autres ont blessés. Ceux-ci ont été transportés immédiatement à l'hôpital à Bordeaux. Ils étaient évacués à l'arrivée des gendarmes. L'équipage était au nombre de 20. D'après les témoins se trouvant sur la rive, au moment où le bateau a sauté, l'avant de celui-ci a été littéralement arraché jusqu'à hauteur de la chambre des machines et des morceaux de poutres ont été projetées dans les airs. Les trois hommes disparus se trouvaient sur le gaillard avant et ont été jetés à l'eau. Des recherches ont été entreprises immédiatement mais ont été interrompues par la nuit et sont restées vaines. Le bâtiment a coulé lentement et est échoué légèrement par côté de la passe n'obstruant pas celle-ci. La marée montant, le pont est entièrement submergé.L'équipage a pu sauver une partie de ses bagages. Le bateau appartenait au commandant qui était à bord depuis 1933, il possédait un équipement antimagnétique qui avait été révisé il y a une vingtaine de jours à Swansea (Angleterre). Un service de garde a été assuré par les chantiers de renflouement pour éviter le pillage à marée basse. Deux officiers du Port autonome de Bordeaux se trouvaient sur les lieux à l'arrivée des gendarmes.

 

  • Le 1° décembre 1945, vers 18 h, le bateau grec « Aichai », chargé de charbon, venant d'Angleterre, a sauté sur une mine magnétique à 500 m en amont du Port de Lagrange, commune de Parempuyre. Trois membres de l'équipage sont manquants.Ce sont : l'officier en second Stefanos Samonas, âgé de 34 ans environ, né à l'île Agnoussi (Grèce) taille moyenne, forte corpulence teint foncé vêtu d'un uniforme avec blouson,le maître d'équipage Lambrou Nicolas, âgé de 41, ans né à Limni, île Eubée (Grèce), fils de Demetre et de Anne, vêtu d'une combinaison de mécanicien bleu, grand mince, teint foncé, le matelot Marcantonos Ioannis, né en 1912 à Ithaca (ile de Grèce), fils de Nicolas et de Marigo, vêtu de bleu, de taille petite, un peu fort, teint mat.

 

  •  PV 1131 juin 1945 : accident du travail : Montard Alexia, veuve Saintout, 35 ans, 5 enfants : « Saintout Louis : au cours du printemps de l'année 1945, mon défunt mari travaillait au port de Lagrange au renflouement des bateaux pour le compte de L.O.R.O. Le 13 mars, il travaillait de nuit sur une épave. Le 13 mars vers 9 h, M. Ponta m'a prévenu que mon mari se trouvait à l'hôpital Saint-André de Bordeaux à la suite d'un accident grave survenu au cours de la nuit pendant son travail. M'étant informée, j'appris qu'il avait fait une chute de 10 mètres et était tombé dans une benne métallique. Mon mari est décédé le 25 juin à l'hôpital Saint-André. Je suis mère de 5 enfants, dont 3 en bas âge. Je suis sans ressource et je demande l'octroi d'une pension ».

 

  • PV du 16 janvier 1946 : Avis de découverte de cadavre. Le cadavre d'un homme inconnu a été retiré du fleuve la Garonne au lieu dit Port de Lagrange. Le cadavre parait avoir séjourné une vingtaine de jours dans l'eau.

Dans nos souvenirs d’enfants, nous n’allions jamais du côté de la Garonne. Sa réputation de fleuve dangereux faisait qu’il y avait un consensus général dans la population pour ne pas s’en approcher. Aujourd’hui encore, les accès éventuels sur sa rive gauche sont fermés à la population. Il faut aller au port de Lagrange à Parempuyre pour pouvoir s’approcher d’elle. Nous ne connaissions pas de pécheurs ou de gens qui allaient en bateau se promener. Un livre récent, « Gens de mer, gens de rivière en Gironde au 20e siècle », propos et documents recueillis par Patrice Clarac, éditions L’Harmattan, Oareil, 2003, 290 pages, présente des vies entières vouées au fleuve, souvent Bordeaux et l’estuaire, mais il n’aborde pas nos rives communales.

Sans doute retrouverons-nous lentement ce fleuve si proche et si majestueux.

Texte d’Henri Bret.