Château Grattequina

Historique 

Le château de Grattequina a été construit en 1872, suivant les plans de l'architecte Louis Garros, pour Frédéric Gièse, négociant à Bordeaux. Des projets de plans, conservés dans les archives privées de M. Garros, montrent que les désirs du commanditaire n'ont pas été vers l'économie et la modestie, puisqu'aux premiers projets ont été préférés les plans d'une maison plus vaste et plus cossue. En 1869, l'architecte Garros proposait une construction de plan rectangulaire, avec un ordonnancement des pièces en symétrie par rapport à un axe médian passant au centre de la terrasse d'entrée, du vestibule, et du grand salon. La même rigueur géométrique existe au premier étage. D'autres plans non datés semblent représenter les options choisies pour l'agencement intérieur. (Nous n'avons pas pu visiter la demeure actuelle).

Le plan du rez-de-chaussée indique les contours du soubassement formant terrasse, ainsi que l'avancée du corps polygonal prolongeant le vestibule. Le plan, dans son ensemble, ressemble au précédent, avec cependant, le déplacement de la cage d'escalier qui, installée dans une partie latérale sur le plan de 1869, prend, sur le nouveau plan, une place d'importance au fond du grand vestibule d'entrée. Le plan du premier étage dénonce une complexité de l'aménagement, que le percement des baies ne peut pas trahir de l'extérieur. Des dessins accompagnent ces plans. Ils sont, à quelques détails près, la représentation de la maison effectivement réalisée.

Description

Situation et composition : au bord de la Garonne, à 200 mètres de la route qui longe le fleuve, le château domine les champs de blé. Un important soubassement, formant terrasse, porte le château, l'isole et le met en valeur. Près du château vers le sud, les dépendances sont d'anciens chais.

Matériaux et leur mise en œuvre : pierres de taille pour les murs et ardoises pour la toiture.

Le château

A- Parti général : l'accès à la terrasse se fait à l’ouest par un escalier tournant à deux volées droites : une première petite volée double à montées parallèles, et une deuxième volée double à montées convergentes. Un garde-corps à balustres règne au pourtour de la terrasse. Côté ouest, la terrasse fait une avancée semi-circulaire de part et d'autre, les volées de 1'escalier ont la même disposition qu’au côté est.

B- Elévations extérieures :

Façade antérieure : orientée vers l’ouest, cette façade se divise verticalement en cinq travées de baies, et horizontalement en trois niveaux. Au premier niveau, cinq portes-fenêtres surmontées d'un décor de table étroite avec une guirlande de fruits s'inscrivent dans un chambranle peu saillant. Les cinq fenêtres du deuxième niveau ont un garde-corps en fer forgé de section carrée. Une agrafe, sous la forme d'une feuille entourée de formes géométriques et de branches de feuilles, orne la partie supérieure des fenêtres. Le troisième niveau est séparé du précédent par une corniche saillante soutenue par des modillons disposés à courts intervalles. À ce niveau des combles, s'ouvrent cinq lucarnes. La travée centrale de la façade est marquée par une lucarne large, surmontée d’un fronton cintré comme élément d'amortissement. Les ailerons en volutes animent la partie inférieure de ces lucarnes.

Façade postérieure : cette façade vers la Garonne est essentiellement occupée par un pavillon polygonal demi-hors-œuvre. Au premier niveau, chacun des trois pans du pavillon est percé par une large porte-fenêtre. Les pilastres à bossage reçoivent un chapiteau avec un tailloir sculpté et un abaque qui supporte les colonnes et les piliers du balcon. Au deuxième niveau, deux piliers adossés et deux colonnes isolées portent une terrasse qui est en même temps couverture du balcon. Au troisième niveau, l'accès à la terrasse, bordée par un garde-corps à balustres, se fait par une large lucarne semblable à celle de la façade antérieure. Les travées de fenêtres, de part et d'autre du pavillon, sont conformes à la description de la façade principale.

Façades latérales : trois travées de baies sur trois niveaux. La travée centrale est séparée des autres par des chaines à refends.

Combles et couvertures : les combles, que quatorze lucarnes éclairent, sont abrités par un toit à brisis.

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L'île de Grattequina 

La situation particulière de ce château, situé sur une île qui n’en est plus une, s'explique par l'histoire même de cette île. Le duc Emanuel-Félicité Durfort de Duras concède le 31 mars 1783 à François-Armand de Saige l'île de Blanquefort appelée aussi île de Duras. (AD.33 Mtre. Darrieux jeune Bordeaux. 19 juin). La veuve de F.A. de Saige, M.J. Martine Verthamon remariée avec J.B. Coudol-Belle-Isle, vend cette île à un négociant des Chartrons en 1803. (AD.33 Mtre. Darrieux jeune, Bordeaux. 19 juin). Un acte daté du 27 novembre 1833 indique que l'île de Duras appartient au comte de Saint-Angel, et que la propriété consiste en : « maison de maître, bâtiments d'exploitation, moulin à vent, vignes, aubarèdes, oseraie ». (AD.33 Mtre. Brannens, Bordeaux).

Le nom de Grattequina apparaît sur le cadastre de 1806, puis dans un acte de 1837 énonçant les clauses du testament du comte de Saint-Angel qui, parmi ses biens, possède l'île avec : « une maison de maître et des terres d’une contenance de 22 hectares et 40 ares ». (AD.33 Mtre. Grangeneuve, Bordeaux, voir Q5 d6 p.22). Dans les années 1860, les ingénieurs des ponts et chaussées décident, « dans l’intérêt de la navigation, de réduire dans cette partie, la largeur du lit du fleuve ». (AD.33 Série S, alluvions. Liasse 2). On construisit alors une digue qui allait favoriser le dépôt des vases dans le bras de rivière de 200 mètres qui séparait l'île de la commune de Blanquefort. Vers les années 1867, l'envasement a, de fait, comblé l'espace entre l'île et les rives de la commune ; les terres furent vendues. Les propriétaires riverains : E. Cruse, C. Godard, G. Tastet, A. Stéhélin, G. Lacazes acceptèrent cette vente, sauf Frédéric Gièse qui était propriétaire de l’île, et qui prétendit que les dépôts de vases lui étaient acquis par droit d'accession. Le procès dura, mais le château avait perdu sa position privilégiée. Les vignes atteintes par le phylloxéra ont été arrachées et remplacées par du blé et des primeurs.

Note de synthèse : le château de Grattequina n’est pas le « château de Guise » dont font mention certains documents qui tendraient ainsi à faire intervenir la très noble famille issue de la maison de Lorraine. Frédéric « Gièse » était plus modestement, mais sans doute honorablement, négociant en bois tropicaux, et le constructeur, par l'intermédiaire de l'architecte Louis Garros, de cette demeure autrefois ilienne. À quelques centaines de mètres, le château de Parempuyre est aussi l'œuvre de Louis Garros qui construisit beaucoup de châteaux dans la région, la plupart plus imposants que celui de Grattequina. La terrasse et le pavillon demi-hors-œuvre sur la façade vers le fleuve pourraient évoquer les demi-rotondes de la fin du XVIIIe siècle, comme au château Tauzia à Gradignan. Dans la même idée : la façade sur le parc du château de la Dame Blanche au Taillan. Beaucoup plus prestigieux : l'avant-corps semi-circulaire du château de Rastignac dont le principe est repris à la fin du XIXe siècle au château de Marbuzet à Saint-Estèphe. Seule, cependant, cette façade ouest de Grattequina permet un rapprochement avec ces édifices dont l'élégance n'admet pas de pousser plus avant la comparaison avec l'architecture du château de Blanquefort.

Source : Châteaux et maisons de campagne de Blanquefort, mémoire de maitrise de Bertrand Charneau, Université de Bordeaux III, 1984.

De nos jours le château de Grattequina, propriété de M. Hue, est un hôtel de luxe 4 étoiles avec des salles de réceptions et de séminaires. Il offre une belle vue sur la Garonne.

 

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Grattequina-sud-ouest-aujourdhui
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Le château Grattequina (Florimond)   

Château, ancien moulin, chapelle… cet ensemble porte les traces d’une vie active au début du siècle… Ce lieu-dit est formé à partir de l’île de Blanquefort, dite aussi île de Duras. Le nom de Grattequina est mentionné sur le cadastre de 1806 et écrit Gratte Qui N’a sur le plan de 1843. Rattachée à la côte en 1860 pour donner à la Garonne un chenal de navigation unique, elle a connu diverses périodes de prospérité, témoins le château, le moulin, le port de Trabuchet et la chapelle Saint-Jean dont il reste les murs. On comptait environ 500 habitants au début du XXe siècle. Le château fut bâti en 1872 par l’architecte Louis Garros pour Frédéric Gièse, négociant à Bordeaux. Le château de Grattequina s'appelait également « château du Duc de Guise ». Il semble que ce soit une déformation du nom du propriétaire, M. Gièse… Situé en bordure du fleuve, il fut ensuite occupé par la famille de la Giraudée ; il produisait un vin de palus de qualité médiocre. Les vignes, victimes du phylloxéra, ont été remplacées par du blé et des primeurs. Florimond est un ensemble de bâtiments d’une exploitation agricole au nord du marais, avec un regroupement de hameau qui était en fait le lieu d'habitation des ouvriers agricoles qui travaillaient pour le château. Ce lieu-dit figure sur la carte de Belleyme. Le nom de Florimond vient d’un des prénoms du propriétaire d’alors…

Florimond et Grattequina ne sont pas à dissocier, Grattequina, c'est un lieu-dit où se trouve bâti le château et la vieille chapelle en ruine. Florimond est aussi un lieu-dit situé à quelques centaines de mètres plus loin avec un regroupement de hameau qui était en fait le lieu d'habitation des ouvriers agricoles qui travaillaient pour le château, la plupart de ces habitations étaient d'ailleurs propriété du château et du Port Autonome de Bordeaux pour celles situées le plus proche de la Garonne.

Le marais asséché du XVIII et XIXe siècles donne de nouvelles terres pour la culture et l'élevage et des fermes isolées s'installent où sont cultivées, céréales, foin et légumes. Des bovins, des chevaux et à une époque des sangsues y sont également élevées. La sangsue médicinale est élevée dans les marais de Blanquefort à partir de 1844 avec une demande de 10 à 30 millions par an cette production constitue un débouché intéressant pour la commune et l'élevage se poursuit jusqu'à la seconde guerre mondiale. À l'époque, les sangsues sont expédiées dans de petites boites en bois et conservées chez les pharmaciens ou les médecins dans des bocaux spéciaux. Il fut lui aussi occupé par les troupes allemandes.

Aujourd’hui, le château est un hôtel 4 étoiles avec salles de réception et de séminaires. Il offre une belle vue depuis la Garonne.

Bibliographie du château Grattequina :- Archives municipales,
- Blanquefort, rues et lieux-dits, Publications du G.A.H.BLE, 1996, p.56,
- Catherine Bret-Lépine et Henri Bret, Années sombres à Blanquefort et dans ses environs 1939-1945, Publications du G.A.H.BLE, 2009, p.222.