Les loisirs pendant la Seconde Guerre mondiale

La vie associative subit un grand changement durant l’occupation ; l’absence des hommes, les soucis de toutes sortes, les restrictions : couvre-feu, droit de réunions surveillé, compliquent bien des choses et par-dessus tout, l’ambiance n’est plus à la fête. Le théâtre, la musique, les bals, le sport, tout est modifié. La salle de cinéma du village est par moments réquisitionnée, le Grand Cercle, bastion du patronage qui y organise ses spectacles et du sport, sert de salle de cinéma pour les Allemands, le Petit Cercle lui aussi est en partie occupé, il reste bien sûr les loisirs de Bordeaux, mais les déplacements ne sont plus aussi faciles, les bals ont disparu, mais quelquefois reviendront de façon discrète… et pendant ce temps, les Allemands eux organiseront les loisirs de leurs troupes.

Le Sport :

Raymond Valet a raconté ses souvenirs de dirigeant sportif :« La Société sportive blanquefortaise prit corps en 1938. Son but fut le football et la préparation militaire. On ne possédait pas de terrain, on nous autorisait à jouer sur le terrain de l’école d’Agriculture. Nous avions la formation de trois équipes sans grande conviction : la difficulté était le manque d’argent, sans espoir de subvention. Puis la guerre, mobilisant l’essentiel de notre formation, obligea la Société à se mettre « en veilleuse ». En 1941, en tant que conseiller municipal, les directeurs des écoles filles et garçons me firent part de l’intérêt qu’il y aurait à avoir un terrain d’évolution pour les enfants des écoles. Je soumis au conseil la demande qui fut transmise à M. Grimal, directeur du Lycée qui nous indiqua de faire une demande à la direction régionale de l’Agriculture. Cette demande n’ayant pas eu d’avis favorable, M. Raymond Picquot, conseiller municipal, voulut s’en occuper. Cet homme très cultivé, ayant de par sa profession de nombreuses relations, en fit part à M. Maurice Papon qui était directeur de cabinet auprès du préfet de la Gironde, avec l’appui de l’Académie. Un plan détaillé du terrain avec demande motivée comme plateau d’évolution scolaire de Bordeaux fut transmis auprès de M. le ministre de l’Agriculture qui répondit favorablement. Une vente symbolique attribuait à la commune, par lettre authentique transmise à l’Académie et à la mairie de Blanquefort, la cessation de la partie haute du terrain, au lieu-dit « le Béchon », soit environ la moitié du plateau. Je ne me souviens plus de la contenance exacte, bien qu’elle fût chiffrée. Cette vente, dont on doit trouver trace sur le registre des délibérations du Conseil Municipal, ne fut jamais notariée, ni enregistrée. La commune prit possession du terrain et, à la demande des directeurs des écoles, on fit construire un local en briques formant deux pièces et un petit préau attenant, servant d’abri et de salle de déshabillage. Ce local fut payé avec l’argent que les maires touchaient pour payer le personnel au service des troupes d’occupation. Profitant de cette aubaine, nous étions en automne 1942, et groupant quelques bonnes volontés, nous reformions un bureau avec de nouveaux éléments, votre serviteur fut nommé Président, M. Gérard Bidou et Jean Pucheu, vice-Présidents, M. Robert Rabiller, Secrétaire, M. Labat, Trésorier, M. Santa-Listra, joueur-entraîneur. La mairie accepta que la Société utilise le terrain et le local sous réserve de le laisser propre et sans gêner le groupe scolaire. La Société repartit avec les possibilités du moment, puis on apprenait le départ des troupes d’occupation du château Cholet où il y avait été fait des douches dans des anciens locaux ; avec la bénédiction de la mairie, nous pûmes les démonter, chauffage compris, afin de les installer dans le local utilisé ; à nos frais, on fit poser un compteur d’eau en bordure de la route, puis une canalisation jusqu’au local, un compteur d’électricité avec installation intérieure ; on fit briquer le petit préau afin de faire deux salles de déshabillage ; deux rampes de douches permettaient à 12 personnes de passer à la première fournée, ce qui était un bienfait indispensable et un délassement. Toujours sans espoir de subvention, avec un public restreint, peu généreux, peu sportif, quand on passait présenter les billets sur la touche, on voyait des personnes quitter le terrain. Après plusieurs réunions de bureau, on décide de demander des devis pour clôturer le stade et établir des tribunes. Plusieurs devis locaux et extérieurs furent fournis, nous décidâmes de confier à la Charpenterie Bordelaise l’exécution de ces travaux, étant le moins cher disant. Le paiement était couvert par le Président et les deux vice-présidents, avec l’espoir que les bénéfices, en fin de saison, seraient répartis suivant les apports faits. Nous eûmes un peu plus de monde, mais le déficit s’aggravait ; les bons joueurs devenaient de plus en plus exigeants, nous fournissions vêtements et chaussures de sport. Notre pépinière de joueurs était alimentée par le camp de Tanaïs, par le lycée agricole, par le collège technique, où on nous signalait quelques bons éléments. Cela dura quelques années, mais les mécènes se fatiguent ; M. Bidou quitta son magasin et se retira de la Société, M. Pucheu quitta Blanquefort, M. Santa-Listra partit à Bruges, bref il n’était plus possible de faire face. Je ne saurais préciser en quelle année s’arrêtèrent notre activité et nos déboires. Mais une société ne peut subsister sans aide financière. Aujourd’hui comme hier, peu de bons joueurs font du sport désintéressé ; ils sont guettés par les sociétés voisines qui font de la surenchère ; c’est regrettable de détourner des joueurs qui, soudés, font l’ossature d’une bonne équipe avec ses défauts et ses qualités, un équipe c’est un tout ».

Raymond Valet, Feuillets d’une mémoire, G.A.H.BLE 1984, p 19 à 21.