L’ancienne mairie

L'ancienne mairie était à l'origine une demeure, propriété de M. Amédée Tastet, en ce temps là maire de Blanquefort ; célibataire et d'un certain âge, il contracta un mariage et pensait garder sa propriété après aménagement. Il confia une étude d'agrandissement du bâtiment à un important cabinet d'architecte : M. G. Garros, rue Lecocq à Bordeaux. Ce dernier après étude présenta un projet d'élévation d'un étage avec 2 ailes, une sur chaque côté, face levant. Le haut était charpenté et entouré de balustres ou pierre demi-dure qui dissimulaient les toitures et concernaient un type de chartreuse.

Le projet ne fut pas mis à exécution, je ne sais si c'est par héritage ou achat que la propriété de Fleurennes lui fut préférée. Cette grande propriété de polyculture et d'élevage avec un important cheptel, des bois de chênes, tout le Berdaca délimité par des chemins, mais jouxtant la propriété. Les plantations de vins blanc et rouge l'intéressaient particulièrement, comprenant le plateau de Saturne nord, tout le plateau de Fleurennes côté midi en sol graveleux, les palus de Pitres avec ses cépages de petit verdeau, formant un ensemble important et un type de vin bourgeois assez coté, car ne l'oublions pas M. Tastet était courtier en vin, il possédait un bureau en association, quai des Chartrons, intitulée Tastet-Lawton ; ils avaient le monopole sur les grands crus du département. Ce bureau avait une grande réputation sur la place de Bordeaux, par leur travail sérieux, leurs connaissances approfondies, leurs grandes relations sur les pavés des Chartrons groupant le négoce du vin. C'est à cette époque que M. Tastet fit refaire et construire le château de Fleurennes, cette construction plutôt moderne sans caractère, mi briques apparentes sur cordon de pierre, fut sa demeure bien entretenue de son vivant ; à sa mort, la propriété fut occupée par Henri De Montbel qui lui succéda ainsi que dans le bureau de courtage, mais par sa conduite, il ne put entretenir la propriété et le château périclita d'année en année.

Revenons à nos moutons ; M. Tastet habitant Fleurennes céda à la commune son ancienne demeure qui devint la mairie ; on y retrouva l'étude et le plan d'agrandissement qui furent conservés très longtemps par les maires qui se sont succédés ; ils étaient classés dans les archives municipales mais disparurent récemment en déménageant ces dernières pour la transformation et le remodelage des bureaux. L'aspect extérieur du bâtiment ayant été de tout temps conservé, on y retrouve ses deux perrons en pierre dure, l'un sur face levant qui conduisait à une allée entourée de grands murs qui dissimulaient de chaque côté les dépendances, des chais qui furent absorbés par les 2 classes de garçons et les 2 classes de filles ; un logement côté gauche destiné aux servitudes en bordure de route fut longtemps conservé. La « grande Maria » gardait les tout petits et faisait manger les enfants qui portaient leur dîner, habitant loin des écoles et venant soit à pied, soit à bicyclette ; il n'y avait pas de cantine, les enfants mangeaient ce qu'ils portaient et qu'on faisait réchauffer ; elle était appointée par la mairie. En bout de cette petite allée, toujours face levant, on trouvait un très beau portail en fer carré avec volute forgée et étirée, un beau fronton de style très ouvragé analogue au portail ex-propriété du docteur Castéra, dont la demeure se rapprochait de la mairie, il fut démonté et vendu par la municipalité Alcide Lançon pour une petite somme et expédié en gare de Blanquefort, acheté sur photo par un juge pour sa propriété des environs de Paris. La nouvelle mairie était entièrement entourée par des murs en moellons dissimulant à la vue les charmes de son parc ; ses allées de tilleuls et son gazon ont fait et font encore l'admiration des passants et visiteurs. Un deuxième portail très simple en fer carré sans imposte, mais avec barre formant battement, terminé par des piques en fonte sur piles carrées donnait sur une entrée face midi conservée comme entrée actuelle ; ce portail sans grande valeur fut longtemps entreposé dans l'aile face levant. Blanquefort étant le chef-lieu de canton de dix communes, beaucoup de choses se passaient ici, il y avait la justice de paix, son greffier, la perception, l'enregistrement, les contributions directes et indirectes, on y passait le certificat d'études et le conseil de révision.

Raymond Valet, Feuillets d’une mémoire, G.A.H.BLE, Blanquefort, 1984, p.23-25.