1789-1806 reconstruction église Saint-Martin

Nous savons déjà que l'église de Blanquefort était à cette époque en très mauvais état. Elle s'était écroulée le 22 janvier 1789. Quelques travaux indispensables durent y être effectués durant les premiers mois de 1790 car, à la date du 8 août, la municipalité est appelée à juger un procès intenté par les « fabriqueurs ou plutôt un maçon nommé Richard aux fabriqueurs de ladite église », Richard y avait exécuté des travaux et, ayant porté sa note aux membres du Conseil de Fabrique, ceux-ci l'avait trouvée exagérée et se refusaient à payer. On dut nommer des experts pour « toiser lesdits ouvrages ». Les experts se transportèrent sur les lieux à la date du 15 août et estimèrent les travaux 2 346 livres 9 sols. Richard avait déjà touché à cette date 948 livres. D'autres travaux, comme démolition, déblaiement, reconstruction n'ayant pu être toisés, on les estima à l'amiable 400 livres.

Mais, comme avant le 6 avril 1789, on devait déjà à Richard la somme de 419 livres 6 sols, la Fabrique s'engageait envers lui et promettait « de payer le tout dès qu'elle se serait procuré la somme nécessaire à la construction de l'église ». M. Saincric ayant révisé les comptes, trouva qu'il y avait une erreur de 50 livres au préjudice de la Fabrique et décida « que cette somme demeurerait pour payer une partie des intérêts dus au sieur Richard ».

Le 26 juin 1791, la question de l'église revint sur le tapis et le Conseil général fut convoqué pour délibérer sur les moyens à prendre.

Dès le mois de mars 1789, les habitants de Blanquefort avaient présenté une requête au Conseil du Roi dans laquelle ils demandaient à être autorisés à faire un emprunt à rente viagère constituée sur les revenues de la Fabrique à la concurrence de la somme jugée nécessaire aux fins de faire reconstruire leur église.

En septembre de la même année, le Conseil du Roi expédiait les lettres patentes nécessaires.

« Considérant (poursuit la déclaration du 26) qu'à cette époque un nouvel ordre de chose a été établi dans le royaume, les habitants de Blanquefort n'ont pas dû se permettre et ne se sont point permis de poursuivre l'expédition des susdites patentes dont la fin, dans les circonstances, eut été d'ailleurs difficile à obtenir.
Considérant que l'auguste assemblée des représentants de la nation ayant été depuis toujours occupée des grands intérêts de l'Empire, il eut été indiscret de suspendre un seul instant ses travaux en la fixant sur un objet qui, quoique majeur en lui-même, ne l'est pas relativement à la masse de ceux qui investissent ladite assemblée.
Considérant que cependant il était un terme après lequel les administrateurs d'une paroisse paraissaient devenir responsables des événements qui surviendraient..., qu'en effet, depuis l'époque du mois de janvier 1789 jusqu'à ce jour, le service du culte s'est fait dans une très petite portion du temple qui, de toutes parts, en apparence, menace ruine prochaine, en sorte qu'une partie des habitants retenue par la crainte n'ose se réunir le jour fixé dans le lieu indiqué pour remplir les devoirs de sa religion et l'autre partie plus zélée s'y trouve exposée aux injures de l'air dans toutes les saisons et aux maladies les plus graves, qu'elle ne peut même pas profiter des instructions.
Considérant que les sommes provenant du rôle de supplément des ci-devant privilégiés pour les six derniers mois de 1789 devaient d'abord, par un premier décret, tourner en moins imposé, en faveur des taillables, dans les années subséquentes, et ensuite par un second décret, être versées dans la caisse du district pour être employées et appliquées à des objets divers.

A unanimement arrêté :

1° Que dans les circonstances où se trouvent les habitants de Blanquefort, le plus sûr et le plus prompt moyen de reconstruire leur église était d'aliéner les fonds attachés à la Fabrique dudit lieu, à la concurrence de ce qui sera jugé nécessaire pour ladite reconstruction ;
2° Que pour diminuer une partie de cette aliénation, la somme de 4 113 livres qui provient du rôle de supplément des ci-devant privilégiées... pourrait être employés de suite à continuer les ouvrages déjà commencés ;
3° Qu'en cas que ces moyens qui ont paru les moins onéreux ne soient pas accueillis, supplier l'Assemblée Nationale d'indiquer et ordonner celui qu'elle jugera, dans sa sagesse, le mieux convenir ;
4° Qu'en conséquence, il sera fait une adresse au nom du Conseil général de ladite commune aux augustes représentants de la Nation française concernant cet objet. »

Le curé Saincric avait quelque courage de parler de reconstruction d'église à une époque où une fraction s'apprêtait à les détruire. Mais il n'eut pas la joie de mener à bonne fin cette entreprise. Les travaux ne commencèrent qu'en 1806. À cette époque, le curé-maire de Blanquefort avait consommé sa rupture définitive avec l'Eglise.

En l’an VIII, M. Pepe, marchand, devint maire et son influence fut heureuse pour la mise en chantier de gros travaux dont nous allons parler. Nous avons vu que l'église paroissiale s'était effondrée en janvier 1789 dans ses quatre cinquièmes et que quelques travaux y avaient eu lieu en 1790. L'année suivante, Saincric, encore curé, avait demandé aux autorités supérieures l'autorisation de procéder à la reconstruction du temple. La question revint à l'ordre du jour de la séance du 25 germinal an XI.

Ce jour-là, le Conseil : « Considérant que, dans cette commune qui est le chef-lieu d'un arrondissement, d'une justice de paix, il n'existe point, en effet, de presbytère, attendu l'aliénation qui en a été faite, que l'édifice destiné au culte, écroulé dans presque sa totalité en 1789, ne présente pas dans le restant une enceinte suffisante au nombre des habitants, que d'ailleurs ce reste de bâtiment ne tardera pas à s'écrouler lui-même ; qu'en conséquence, d'après le vœu unanime des habitants conforme à celui de la loi, il est aussi urgent qu'indispensable de relever l'édifice dont il s'agit et de procurer un logement stable au ministre du culte, mais qu'il faut assurer des fonds pour subvenir à ces dépenses. Considérant que les habitants possèdent une grande étendue de communaux dont on pourrait aliéner la partie appelée le Cabot, de la contenance de 16 hectares ou environ, évalué par approximation à la somme de 12 à 15 000 francs, somme jugée suffisante tant pour la reconstruction du temple dont les fondements sont tout refaits à neuf depuis 1790, que pour l'acquisition d'une maison presbytériale, sauf à vendre toute autre partie des dits communaux à la concurrence de la susdite somme dans le cas où celle de Cabot ci-dessus désignée éprouverait quelque difficulté à son aliénation et avec la faculté de partager en plusieurs lots la partie à aliéner des dits communaux dans le cas où il en résulterait un plus grand avantage à la communauté de procéder ainsi, que ce mode de subvention est le seul convenable aux habitants.
Est d'avis : que pour subvenir aux dépenses nécessaires à la reconstruction du bâtiment destiné au culte et à l'acquisition d'un presbytère dont les habitants de Blanquefort ont un besoin indispensable, ces derniers soient autorisés à vendre la partie de ces communaux et de la même contenance que celle du Cabot, avec faculté, si le cas y échoit, de diviser en deux ou plusieurs lots le terrain aliénable desdits communaux et le produit de la vente être employé aux objets ci-dessus sous la direction et surveillance de qui il appartiendra, ce qui sera statué et d'après les règlements le concernant. »

Une quête eut également lieu à cet effet, qui produisit 483 F. 30.

Le 11 thermidor était accordée au curé Bardinet une aide non négligeable.
« Art. 1. - Il sera accordé une somme de 2 000 francs à compter de l'an XII pour augmentation du traitement au curé et vicaire de la commune, distribuée savoir : 1 200 francs pour le curé et 800 francs pour le vicaire.
Art. II. - Il sera alloué une somme de 2 400 francs pour les frais d'ameublement de la maison curiale.
Art. III. - Il sera pareillement alloué une somme de 200 francs pour les frais d'achat et d'entretien de tous les objets nécessaires au service du culte.
Art. IV. - 300 francs par an pour la location du presbytère. »

Mais ne pouvant attendre la décision administrative en ce qui concerne le presbytère, le Conseil décida, le 9 ventôse an XII, d'acheter la maison de M. Castérat, pour la destiner à cet effet, contre la somme de 4 000 francs.

En même temps, un changement de cimetière était décidé par mesure de salubrité et aussi pour permettre un élargissement de l'église contre laquelle il était accolé. Enfin, le 9 frimaire an XIII, arriva, signée aux Tuileries, l’autorisation de Bonaparte de commencer les travaux de l'église. L'adjudication de 16 lots du Cabot eut lieu le 26 prairial an XIII.

Durant cette même année, M. Pepe, marchand, devint maire et son influence fut heureuse pour la mise en chantier de gros travaux dont nous allons parler. Nous avons vu que l'église paroissiale s'était effondrée en janvier 1789 dans ses quatre cinquièmes et que quelques travaux y avaient eu lieu en 1790. L'année suivante, Saincric, encore curé, avait demandé aux autorités supérieures l'autorisation de procéder à la reconstruction du temple. La question revint à l'ordre du jour de la séance du 25 germinal an XI.

Ce jour-là, le Conseil : « Considérant que, dans cette commune qui est le chef-lieu d'un arrondissement, d'une justice de paix, il n'existe point, en effet, de presbytère, attendu l'aliénation qui en a été faite, que l'édifice destiné au culte, écroulé dans presque sa totalité en 1789, ne présente pas dans le restant une enceinte suffisante au nombre des habitants, que d'ailleurs ce reste de bâtiment ne tardera pas à s'écrouler lui-même ; qu'en conséquence, d'après le vœu unanime des habitants conforme à celui de la loi, il est aussi urgent qu'indispensable de relever l'édifice dont il s'agit et de procurer un logement stable au ministre du culte, mais qu'il faut assurer des fonds pour subvenir à ces dépenses. Considérant que les habitants possèdent une grande étendue de communaux dont on pourrait aliéner la partie appelée le Cabot, de la contenance de 16 hectares ou environ, évalué par approximation à la somme de 12 à 15 000 francs, somme jugée suffisante tant pour la reconstruction du temple dont les fondements sont tout refaits à neuf depuis 1790, que pour l'acquisition d'une maison presbytériale, sauf à vendre toute autre partie des dits communaux à la concurrence de la susdite somme dans le cas où celle de Cabot ci-dessus désignée éprouverait quelque difficulté à son aliénation et avec la faculté de partager en plusieurs lots la partie à aliéner des dits communaux dans le cas où il en résulterait un plus grand avantage à la communauté de procéder ainsi, que ce mode de subvention est le seul convenable aux habitants.

Est d'avis : que pour subvenir aux dépenses nécessaires à la reconstruction du bâtiment destiné au culte et à l'acquisition d'un presbytère dont les habitants de Blanquefort ont un besoin indispensable, ces derniers soient autorisés à vendre la partie de ces communaux et de la même contenance que celle du Cabot, avec faculté, si le cas y échoit, de diviser en deux ou plusieurs lots le terrain aliénable desdits communaux et le produit de la vente être employé aux objets ci-dessus sous la direction et surveillance de qui il appartiendra, ce qui sera statué et d'après les règlements le concernant. »

Guy Dabadie, Blanquefort et sa région à travers les siècles, Imprimerie Samie, Bordeaux, 1952, p. 96-99 et 115.117.

Construction de l’église Saint-Martin de Blanquefort 

La commune de Blanquefort (13 000 habitants), aux portes du Médoc, est l'une des 26 villes de l'agglomération bordelaise appartenant à la Communauté Urbaine de Bordeaux. Blanquefort est surtout connue pour la grande usine Ford France, implantée depuis 1973. Ce que l'on sait moins par contre, c'est que cette ville a été, à l'image de la région de Bordeaux dans son ensemble, le théâtre d'événements historiques importants intervenus au Moyen-âge.

Le Prince Noir, Édouard de Woodstock, fut envoyé en Gironde par son père Roi d'Angleterre et Duc d'Aquitaine avec la mission de protéger les fiefs anglo-saxons de la menace française. Il occupa le château de Blanquefort, construit de la fin du XIIIe siècle au XVe siècle, dont il ne reste aujourd'hui que des ruines parmi lesquelles on distingue le donjon et les tours rondes de l'enceinte. À cette même époque, le rôle de l'Eglise se renforce, notamment avec la construction de couvents, d'hôpitaux et de lieux de culte, dont l'église de Blanquefort.

La structure de l'édifice telle qu'on la voit aujourd'hui fut conçue sous la Révolution et réalisée au XIXe siècle, présentant à nos yeux une belle façade classique et une puissante flèche octogonale. Dans le département, l'église de Blanquefort est un modèle du genre en matière d'ornementation néo-classique, à ce titre elle constitue une réalisation remarquable. Depuis l'époque romane, une église existait à Blanquefort. L'édifice, maintes fois remanié au cours des siècles, s'écroula en partie le 22 janvier 1789. Un plan de reconstruction fut dressé par l'architecte Blanchard (1755-1822) et approuvé en Conseil d'État. Le projet conservait des éléments de l'ancienne église, notamment le chœur et le clocher au nord. En 1804, Blanchard est prié d'achever son église « depuis longtemps commencée » mais retardée par les événements révolutionnaires. Un décret impérial autorisa la commune à vendre des terrains aux enchères pour financer les travaux qui reprirent en 1806. L'architecte Corcelle, nommé en 1810 en tant qu'expert, prendra alors la succession de Blanchard. Très marqué par les principes néo-classiques qui utilisent tout un répertoire de formes antiques (grecques ou romaines), il poursuivra les travaux d'après ses propres idées. Il terminera l'église en 1816, la façade ouest n'étant achevée qu'en 1819.

Source : Agence de protection et de promotion du patrimoine architectural. 54 rue de la Rousselle 33000 Bordeaux.

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