Le tableau de sainte Quitterie et ses énigmes 

 

De leurs propres aveux, les membres de l’association historique locale, La Mémoire de Bruges, ont l’impression de jouer les Sherlock Holmes. Depuis deux ans, ils s’évertuent à résoudre les énigmes d’un mystérieux tableau représentant sainte Quitterie. Et ils adorent ça. Il faut dire que l’histoire est passionnante. Cette toile imposante qui mesure deux mètres de haut pour 1,20 mètre de large, a été retrouvée incidemment, dans le grenier de la sacristie de l’église Saint-Pierre en 2014. Elle avait été « sauvée » par Christiane Esquirol, l’ancienne sacristine, lors de travaux effectués dans l’édifice en 1975. Des indices concordants. C’est lors d’une visite portant sur les vitraux de l’église que cette peinture à l’huile dont le cadre en bois est orné de dorures et d’un mascaron, a attiré l’œil averti d’une spécialiste du patrimoine artistique. Et que l’enquête a pu commencer. Jean Rossi, un ingénieur à la retraite qui a travaillé pour les Monuments historiques, a pris les choses en main, avec la présidente de la Mémoire de Bruges, Monique Castet et un noyau dur d’enquêteurs locaux. Sainte Quitterie a été vite identifiée comme étant le personnage central de l’oeuvre.

Deux indices importants ont orienté nos historiens amateurs sur sa piste : le chien qui figure près d’elle et la clé qu’elle tient à la main. « En fait, sainte Quitterie a été très populaire. Elle était réputée pour faire des miracles, pour guérir de la rage en imposant une clé sur la tête du malade », raconte Jean Rossi. « Elle a été décapitée au 5e siècle à Aire-sur-Adour, mais elle a fait longtemps l’objet d’une grande dévotion.»

« Au 17e siècle, les Brugeais venaient se recueillir devant ce tableau, pour implorer la sainte », poursuit Monique Castets. « Il faut savoir qu’il y avait des loups dans le marais et que la rage faisait des ravages. » Selon les premiers éléments de l’enquête, ce tableau date « d’avant 1659 ». Pour l’affirmer, Jean Rossi s’appuie  sur un témoin de bonne moralité : celui de l’évêque Henri de Béthune qui a visité l’église de Bruges en mai 1659, et évoque dans un écrit très précis le culte porté ici à sainte Quitterie. « La Sainte a fait l’objet d’une dévotion de la part de la population locale, des petites gens, jusqu’au début du XXème siècle. Il existait d’ailleurs une Confrérie sainte Quitterie à Bruges qui est certainement le commanditaire de ce tableau, qui pourrait avoir de la valeur et dont on ne connaît pas l’auteur, même si nous avons des pistes », confie Jean Rossi, intarissable sur le sujet. « Ses membres organisaient des processions en son honneur et pratiquaient un rituel particulier, un peu en marge de la liturgie classique ». Une souscription est lancée , les investigations ont avancé. Le travail de la Mémoire de Bruges a permis d’inscrire ce tableau à l’inventaire des Monuments historiques en septembre 2016. Et cette œuvre longtemps cachée intéresse les professionnels de la Direction régionale des affaires culturelles (Drac). Lors du dernier Conseil municipal, la Ville qui est propriétaire du tableau a autorisé l’association à disposer de l’œuvre en vue de la restaurer. Le coût est estimé à 32 000 euros. La Drac verse près de 10 000 euros, des mécènes se sont déjà fait connaître. Et un appel aux dons est lancé afin que sainte Quitterie retrouve sa place dans l’église.
Article et photo du journal Sud-ouest du 16 novembre 2016, Christine Morice.

 

La Mémoire de Bruges lance un appel pour restaurer le tableau retrouvé dans les dépendances de l’église et inscrit à l’inventaire de Monuments historiques. Autour du tableau représentant Sainte Quitterie, Jean Rossi, Monique Castet, Marie-Jo et André Brossier, membres de la Mémoire de Bruges. (photo ci-dessous)

 

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