Le sériculteur.

Il élève les vers à soie. Il ne faut pas le confondre avec le soyeux qui transforme les fils de soie obtenus en de somptueux tissus. La sériculture reste une profession agricole, tandis que le second métier est déjà industriel depuis le 19ème siècle.

Au 19ème siècle, on élevait les vers à soie sur des feuilles de papier perforées de centaines de petits trous ronds. En 1891, le Casino de Paris achète les chutes (les petits ronds) pour les lancer lors d'un bal masqué : les confettis sont nés !

Un peu d'histoire...

La sériculture a commencé il y a 4 700 ans en Chine et reste longtemps un monopole de ce pays, car le commerce de la soie est si lucratif qu'on a rendu confidentielles les techniques d'élevage du ver à soie. Être surpris à dérober des cocons ou des œufs est même puni de mort. Ce n'est donc qu'au 6ème siècle que parviennent à Constantinople les premières chenilles et les graines de mûrier (en fraude bien sûr !).

En France, Louis XI fait venir en 1466 des sériculteurs et des soyeux grecs et italiens à Tours, alors résidence de la cour (cliente de ce produit de luxe qu'est la soie). Un siècle plus tard, Tours est la capitale française de la soie : l'élevage et le tissage font vivre 45 % des habitants ! Puis, à la suite d'un hiver tourangeau trop rigoureux pour les chenilles, François 1er développe la soierie à Lyon. Si Louis XIV appuie les deux villes, Napoléon III ne relance que l'activité lyonnaise après que les maladies du ver à soie aient décimé les élevages dans les années 1850. À la demande de l'empereur, Pasteur rédige même un traité sur les règles d'hygiène à respecter pour maintenir l'élevage en bonne santé. Néanmoins, la filière de la soie continue à décliner avec l'apparition des fibres synthétiques et la concurrence accrue de l'Asie. La France produit actuellement à peine 5 % de sa quantité de cocons de 1789.

Les techniques d'élevage : élever quelques vers à soie est simple, en élever un très grand nombre beaucoup moins car ils sont fragiles et très sensibles aux épidémies. La première étape est l'incubation des œufs du papillon (bombyx). Ils mettent une quinzaine de jours à éclore. Il faut maintenir autour d'eux un air pur légèrement humide et une température d'environ 23° degrés (autrefois, on plaçait les œufs dans des sachets déposés près d'un four ou accrochés sous les vêtements des femmes). L'éclosion dure trois à quatre jours. Pour évacuer les résidus et déplacer les vers à soie éclos, on place au-dessus des œufs un voile de tulle, sur lequel on a posé des feuilles de mûrier découpées en lanières. Avec ses 3 mm à la naissance, la larve n'a aucune difficulté à passer à travers la toile.

Ce système reste utilisé pour la suite de l'élevage. Pour enlever les déjections et les feuilles souillées sans toucher les vers (trop fragiles), on utilise des papiers percés de trous, des filets à mailles de taille croissante ou des grilles plastiques. Les larves passent à travers pour chercher plus haut les feuilles fraîches. L'éleveur peut alors retirer avec précaution la vieille litière devenue vide. En 42 jours, cette minuscule chenille poilue particulièrement vorace multiplie son poids par 9 000 ! Elle passe ainsi, en quatre mues, de 3 mm à environ 9 cm de long. Au bout de ces 42 jours, l'appétit de la chenille diminue. De blanc, son corps devient jaune ambré. Elle cherche à s'isoler. Le sériculteur dispose au-dessus de l'élevage des branches de bruyère (ou bien des tiges plastiques) sur lesquelles les chenilles montent se fixer et commencent la formation du cocon. Il faut trois jours pour que le cocon soit terminé, composé d'un long fil de soie blanc jaune brillant de plusieurs centaines de mètres de long, trois jours de plus pour que la chenille se transforme en chrysalide et deux semaines au total pour que le papillon soit formé et prêt à sortir, mais, s'il sort, il brise le cocon, donc le fil. Aussi, l'éleveur ébouillante-t-il les cocons dix jours après leur formation pour tuer les papillons. Il n'en conserve que quelques-uns pour la reproduction et pour que le cycle recommence (un bombyx pond environ 400 œufs). Quant aux autres cocons, ils passent entre les mains habiles de la dévideuse, qui attrape le bout du fil de soie de deux ou trois cocons, les fait passer par les trous de crochets et les enroule sur un dévidoir qu'elle met en mouvement avec ses pieds.

Les mots du métier :

Bombyx du mûrier : nom scientifique du ver à soie, donné parce qu'il ne se nourrit que de feuilles de mûrier. Le papillon issu de la chrysalide est un papillon de nuit blanc gris, aux plumeuses et à la durée de vie très courte.

Chrysalide : ver à soie renfermé dans son cocon, qui a la forme d'une espèce de fève.

Cocon : la chenille met près de trois jours à faire son cocon et à se transformer en chrysalide. Il faut près de 11 kg de cocons frais pour obtenir 1 kg de soie filée.

Décoconnage : étape qui consiste, huit à dix jours après la fabrication du cocon par la chenille, à séparer les cocons des tiges de bruyère ou des hérissons plastiques d'aujourd'hui. Les cocons enlevés de leur support sont triés. Ensuite, on retire la bourre ou « blaze », qui a servi à la fixation du cocon.

Dévidage : opération qui consiste à dévider les fils de soie du cocon à l'aide d'un dévidoir.

Ébouillantage : avant de les dévider, on ébouillante les cocons pour tuer les chrysalides qui sont à l'intérieur et éviter qu'elles ne percent les cocons.

Encabanage : lorsque les chenilles sont dites mûres, on les place sur des claies où ont été disposées des feuilles de mûrier. Elles s'y installent pour former leur cocon.

Fumigation : action qui permet de purifier l'air de la pièce où sont placés les vers à soie. La vapeur est mélangée de sel, de poudre de manganèse, d'eau et d'acide sulfurique.

Glandes séricigènes : glandes du ver secrétant un liquide qui durcit au contact de l'air et forme le cocon de la chenille, donc le fil de soie.

Grasserie : maladie pouvant toucher le ver à soie.

Grège : soie brute obtenue après le dévidage des cocons.

Hygromètre de Saussure : il contrôle l'humidité de la pièce où sont stockés les cocons grâce à un cheveu lessivé que l'humidité allonge et que la sécheresse raccourcit. D'autres utilisent des hygromètres faits de boyaux ou tout simplement des assiettes de sel. L'humidité ne doit pas dépasser 65 degrés.

Magnan : nom donné au ver à soie dans le Midi de la France.

Magnanerie : lieu où l'on élève les vers à soie.

Mûrier : les vers à soie se nourrissent exclusivement de feuilles de mûriers.

Extraits du livre : les métiers d’antan, Archives et culture, Paris, 2013, 160 pages.

Une filature de soie a existé à Blanquefort, lire : la filature de soie de Blanquefort

Trace de ce passé également à Eysines lire : le murier blanc d'Eysines