Les rues dans le sens de l’histoire 

La ville de Bordeaux vient de se doter d’une commission viographie où siègeront élus et responsables des services concernés, invités à communiquer au maire avant que les conclusions en soient présentées au Conseil municipal. Tout ça pour baptiser des rues

Une procédure assez souple : ce sont les communes qui ont la responsabilité de la dénomination des rues et places publiques. Les nouveaux noms doivent faire l’objet de délibérations au Conseil municipal et être soumis à l’approbation du préfet, surtout quand il s’agit d’hommage à une personnalité ou du rappel d’une date historique. Les communes ont également l’obligation de porter à la connaissance du public les noms des rues, le plus souvent par des plaques indicatrices fixées sur les immeubles dont la pose et l’entretien sont à leur charge. En revanche, les modalités selon lesquelles sont choisis les noms des rues (odonymes) avant la délibération du Conseil municipal sont assez libres : la commission viographie n’est nullement obligatoire par exemple. La consultation des habitants ne l’est pas non plus. Quant aux plaques de rues, qui n’ont ni taille, ni couleur obligatoires elles ne sont pas censées mentionner les éléments biographiques de la personnalité honorée même si la tendance va de plus en plus dans ce sens, cela reste une valeur ajoutée.

7 900 rues en France s’appellent tout simplement « rue de l’église ». Selon le service « l’Adresse » de la Poste, il s’agit du nom le plus représenté. Les personnalités arrivent loin derrière et les plus citées sont Pasteur, Victor Hugo, de Gaulle, Général Leclerc, Jaurès et Marie Curie.

Noms et nombre de voies les plus représentées en France : rue de l’église 7 965 ; place de l’église : 5 755 ; grande rue : 3 943 ; rue du moulin : 3 566 ; place de la mairie : 3 430 ; rue du château : 2 963 ; rue des écoles : 2 779 ; rue de la gare : 2 771 ; rue de la mairie : 2 672 ; rue principale : 2 452 ; rue du stade : 2 421 ; rue de la fontaine : 2 346 ; rue Pasteur : 2 020 ; rue des jardins : 1 755… (Archives de la Poste dans Wikipédia : Odonymie).

1821 rues, avenues, places et autres cours sont recensés à Bordeaux.

C’est au 12ème siècle que l’on a commencé à dénommer les rues à Bordeaux. Au Moyen-âge, les rues étaient surtout nommées selon leur topographie et ne prenaient le nom d’une personnalité que si celles-ci y résidaient. « Les noms étaient à titre d’indication et non de glorification », rappelle le grand historien bordelais Camille Jullian.

Article du journal Sud-ouest du 14 février 2011, page 16 et 17.

L'histoire court les rues 

Robert Coustet détaille, dans « Le Nouveau Viographe », l'origine du nom de chaque rue… de Bordeaux.

- Aujourd'hui, quelles sont les « tendances » en viographie ?

- Nous sommes un peu dans l'ère du consensus, de la fin des idéologies. On cherche des sportifs (Lapébie, les frères Moga), beaucoup d'artistes, d'écrivains, de chercheurs. Des végétaux aussi : rues des Mimosas, des Fleurs…

- Vous déplorez que des appellations cocasses aient disparu…

- Oui, la « rue des Andouilles » est devenue la rue Ulysse-Despaux à Saint-Michel. La rue Cornu est maintenant dédiée à l'avocat René Roy de Clotte. L'ex-rue des Truies a été rebaptisée rue Mauriac.

- Y a-t-il, en viographie, des particularités très bordelaises ?

- La rue Esprit-des-lois, je pense que c'est la seule rue de France dotée du nom d'une œuvre littéraire. L'autre originalité bien connue vient des doublons issus du rattachement de la commune de Caudéran avec Bordeaux. Plusieurs rues portent les mêmes noms, comme, par exemple, le cours Pasteur en centre-ville et l'avenue Pasteur à Caudéran.

Je regrette enfin qu'il n'y ait pas une rue dédiée au Prince Noir qui fit de Bordeaux une capitale, ou à de grandes figures qui rappellent les trois siècles de présence anglaise. C'est un grand moment de notre histoire, la toponymie n'en garde pas souvenir, exception faite de l'avenue Aliénor d'Aquitaine, assez récente.

Article du journal Sud-ouest du 1 novembre 2011, « Le Nouveau Viographe de Bordeaux, guide historique et monumental des rues de Bordeaux », Editions Mollat, 570 pages, 25 euros.