La fin de la Guerre de Cent Ans 

Charles VII, ayant envoyé des troupes en Guyenne, et après avoir pris La Réole, Monségur et Bazas, dépêcha Amanieu d'Orval avec 600 soldats sous les murs de Bordeaux. Les habitants de la ville furent persuadés qu'il s'agissait de pillards. Amanieu le leur laisse croire et, après avoir insulté et menacé la ville, se replie sur la Jalle de Blanquefort à deux lieues de Bordeaux, comme s'il voulait poursuivre sa chevauchée vers le Médoc, à l'exemple de Villandrando. Les Bordelais s'indignent : ils veulent mettre à la raison ces cavaliers téméraires et ôter à leurs pareils toute envie de les imiter. Ils réclament des armes en vue d'une sortie en masse, au cours de laquelle ils ne feront qu'une bouchée de cette poignée de soldats du roi de France. Le maire anglais de Bordeaux, Gadifer Shortoise, prend la tête de la troupe et, derrière quelques centaines de soldats anglais et gascons en garnison dans la ville, huit à dix mille bordelais armés au hasard, sans discipline, sans tactique, en véritable cohue font irruption le 1er novembre au matin hors des portes de Bordeaux.

« De là partirent dix mil hommes

En salades et en jacquettes,

Portant licous, cordes à pommes

                                           Pour pendre Français aux charrettes. » (Martial d'Auvergne)

Les avant-postes d'Amanieu d'Orval lui rendent compte de la menace. Il alerte aussitôt sa troupe et la conduit au delà des marais, dans un bois qui constitue une position forte, au nord de la Jalle. Là, il attend l'attaque. L'armée improvisée de Gadifer Shortoise se précipite en désordre à sa poursuite, franchit la Jalle et s'engage dans les marais où les fantassins s'enfoncent jusqu'aux genoux, les chevaux jusqu'au ventre. Le désordre de leur avance s'accroît ; tout est mêlé, soldats réguliers, artisans et boutiquiers armés à la diable. Quand les premiers Bordelais, enfin sortis des marais, parviennent sur un sol plus stable, d'Orval déclenche sa contre-attaque. Les archers écossais et les cavaliers d'ordonnance débouchent du bois, au trot de leurs chevaux cuirassés, la lance basse, et dévalent sur les Bordelais, mêlés, désunis, trempés, mal armés. D'Orval charge à leur tête. Les lourds hommes d'armes pénètrent dans cette masse informe, pointant et assommant. Ils ont tôt fait de tailler en pièces l'avant-garde bordelaise dont les survivants refluent dans les marais, entraînant cette foule sans encadrement dans une déroute éperdue à la tête de laquelle galope Gadifer Shortoise, qui est le premier rentré dans Bordeaux. Plus de deux mille hommes sont demeurés couchés sur le champ de bataille. Le lendemain, jour des Morts, les Bordelais les entassent sur des charriots et, dernière leur archevêque Pey-Berland, qui passa deux jours et deux nuits à pleurer, procèdent à leurs funérailles.

D'Orval, enivré de sa victoire, en rend compte au roi en lui demandant 300 lances de renfort pour s’emparer de Bordeaux en deuil des suites de cette mauvaise journée : la Male Jornade ». pour plus d'informations lire l'article sur "l'histoire de la Male Jornade". Le nom de Gaillard IV figure dans le traité du 12 juin 1451 lors de la soumission de la Guyenne au roi de France. Mais, pendant deux ans, il ne cessa d'intriguer en faveur de la cause anglaise. Lors du retour de Talbot, il reprit les armes ; mais son château de Blanquefort dut capituler à la suite d'un siège mené par les comtes de Clermont et de Foix, le sire d'Albret, Xaintrailles et probablement Dunois. Gaillard dut songer à sa personne et passa en Angleterre où il vécut d'une pension que lui versa le roi de ce pays qui, par ailleurs, lui accorda les titres de conseiller chambellan de gouverneur de Calais et celui, plus fictif, de seigneur de Lesparre. Il fut même chargé d'un nouveau débarquement sur les côtes françaises et échoua à Brest.

Guy Dabadie, Histoire du Médoc, imprimerie Samie, Bordeaux, 1954, p.83-85.