Le droit d’épaves 

Cela concerne les épaves trouvées sur le territoire de la haute justice : elles appartiennent de plein droit au seigneur. Dans leur commentaire de l'article 105 de la nouvelle coutume, les frères de Lamothe expliquent qu'il faut entendre par « épaves » les animaux domestiques et les « choses mobiliaires perdues, égarées, sans maître connu ».

Aux termes de la coutume, ces épaves doivent être remises au parc de justice, s'il s'agit d'animaux, au greffe si ce sont des choses mobilières, à peine d'une amende de 65 sous et de la restitution de l'épave en nature ou en valeur.

Une fois les épaves en sa main, le seigneur doit « les faire crier par quatre jours en plein marché, s'il y en a en sa terre, ou bien par quatre jours de cour ». Si au terme de cette procédure, nul ne s'est présenté pour revendiquer la propriété de l'épave, celle-ci sera adjugée au seigneur par le juge.

Court alors un nouveau délai de quarante jours, pendant lequel le propriétaire peut toujours revendiquer son bien, sous réserve de payer les dépens occasionnés par l'entretien de l'épave et les frais de justice. Au terme des quarante jours, la propriété est définitivement acquise au seigneur.

Certaines seigneuries côtières connaissent une forme de droit d'épaves analogue au droit de varech de la coutume de Normandie : le droit de côte et de naufrage, qui s'exerce sur ce que « l'eau jette sur ses bords par tourmente et fortune de mer, soit de son crû, soit qu'il vienne de bris et naufrage ».

Le sort des enfants trouvés, autre forme plus onéreuse du droit d'épaves : le seigneur doit nourrir et élever les enfants exposés qui ont été trouvés dans sa justice. Les jurisconsultes fondent cette obligation « sur ce que les épaves utiles appartenant de droit commun aux seigneurs hauts-justiciers, il est raisonnable qu'ils soient chargés de celles qui sont onéreuses ». Cette charge est si lourde, qu'en Auvergne, de nombreux seigneurs préfèrent abandonner leur justice au roi.

Sans être réduits à de telles extrémités, les seigneurs bordelais ne paraissent guère disposés à faire face à leurs obligations en la matière. Les archives de l'intendance donnent des témoignages saisissants sur les moyens qu'ils emploient pour esquiver cette dépense : dans une correspondance avec le directeur général Necker qui réclame des statistiques sur la situation des enfants trouvés dans la province, l'intendant Dupré de Saint-Maur, résumant les réponses des subdélégués, écrit en 1777 : «  le seul hôpital des enfants trouvés est celui de Bordeaux, où ils sont reçus sans information, au nombre de six cents par année en moyenne, toutes les autres villes dans un rayon de quinze à vingt lieues, et les territoires des hautes justices seigneuriales les envoyant clandestinement à Bordeaux, excepté ceux qu'on jette en chemin dans les fossés ».

Texte extrait par Catherine Bret-Lépine du livre de Gérard Aubin « la seigneurie en Bordelais d’après la pratique notariale (1715-1789), Ed Université de Rouen n° 149, p 180-181.