La vie dans le Médoc (1900-1940).

 

Passionné de culture et d'ethnologie, Patrick Lavaud vient de publier un ouvrage bilingue, en français et en occitan, racontant la vie dans le Médoc au début du siècle dernier (1900-1940). Les témoignages de « Lo Médoc de boca a aurelha » sont riches et donnent bien des éclairages sur le « caractère » de la presqu'île. (article Journal Sud-ouest du 11 mai 2012).

L'héritage d'un Médoc occitan

- « Sud Ouest ». Avez-vous votre définition du Médoc ?

Patrick Lavaud. C'est un pays qui a plusieurs facettes. Il y en a deux qui dominent. Le Médoc de la viticulture et celui de la forêt. Le territoire a une identité assez forte. On la retrouve dans cette langue occitane et les confidences faites par les anciens.

- Dans cette presqu'île, comment s'organisait la vie à l'époque ?

Il y avait de grandes foires qui réunissaient beaucoup de monde. L'occasion pour les habitants de faire du commerce mais aussi de pouvoir communiquer entre eux. On se déplaçait beaucoup à pied. Avec le gemmage, l'activité économique dans la forêt était bien plus riche qu'aujourd'hui. Le territoire arrivait à vivre dans une certaine autarcie. La pêche, la chasse, l'élevage, l'agriculture, toutes ces activités permettaient à la population de se suffire à elle-même. On trouvait de petites exploitations, mais très diversifiées.

Le Médoc de la rivière (viticulture) et de la forêt communiquaient assez bien. On avait des ouvriers agricoles qui pouvaient faire plusieurs métiers dans une même année. Dans la forêt, une partie de leur temps, beaucoup de travailleurs allaient aussi faire les vendanges, sans oublier la pêche. De petites embarcations pouvaient ramener de l'océan plus de 200 kg de poissons.

 

- Aujourd'hui, on identifie un nord plus pauvre que le sud du Médoc. À l'époque, ce même écart existait-il déjà ?

La situation actuelle est la conséquence d'un phénomène d'exode rural et d'une poussée démographique sur le Sud-Médoc, sans compter le développement de l'activité touristique sur la zone littorale. Aujourd'hui, la situation d'enclavement du Nord-Médoc ne favorise pas non plus son développement. À l'époque, le caractère rural et l'autosuffisance dans laquelle vivait une bonne partie de la population évitaient cette forme de misère que nous connaissons aujourd'hui.

 

- Le fleuve jouait-il un rôle dans les échanges avec Bordeaux ?

Le fleuve a été une voie de communication extrêmement importante pour le marché du vin. Dans les petits ports de l'estuaire, on chargeait la production des vignobles dans les gabarres. Les cargaisons rejoignaient le port de Bordeaux. Sur place, le vin prenait le large dans des bateaux qui partaient le plus souvent en direction de l'Angleterre. Il y avait aussi un échange entre les deux rives de l'estuaire. On traversait pour aller d'une foire à une autre, faire du commerce ou récupérer des marchandises.

 

- Quels enseignements retirez-vous de cette période ?

À travers les fêtes, les foires, il y avait de l'échange, une tradition orale forte qui favorisait le lien social. Si on ne parcourait pas de grandes distances, il y avait une réelle communication entre les gens. Ce que l'on retrouve dans la pratique de l'occitan.