Personnalités de la Commune

Voici présentées des personnes qui ont compté dans la vie de la commune du Taillan-Médoc.

Montaigne, un homme célèbre

Le Parlement de Bordeaux a été la pépinière de grands hommes, humanistes célèbres aux écrits prestigieux, tels Michel Eyquem de Montaigne et Étienne de La Boétie, ainsi que le lieu de leur rencontre.

Michel Eyquem : ses parents Pierre Eyquem et Antoinette de Louppes eurent sept enfants : quatre garçons et trois filles. Pierre Eyquem aimait les pierres et les immeubles. Il achète le château de Montaigne près de Lamothe-Montravel, en Dordogne où naîtra, le 28 février 1533, leur troisième enfant Michel, d'où son titre nobiliaire. Les frères cadets de Pierre Eyquem, donc les oncles de Michel, étaient chanoines de Saint-André. Raymond, le troisième oncle, était sieur de Bussaguet au Taillan et conseiller au Parlement de Bordeaux.

L'une des filles de Pierre, Jeanne, sœur de Michel, était l'épouse de Richard de Lestonnac et demeurait à Germignan, certainement à l'emplacement de l'actuelle ferme de Moncheuy. Leur fille, également nommée Jeanne, fonda la compagnie de Marie-Notre-Dame, rue du Palais Gallien à Bordeaux, qui se consacre encore aujourd'hui à l'éducation de la jeunesse. Elle fut béatifiée en1900 et canonisée à Rome le 15 mai 1949 par le Pape Pie XII. Mariée à 17 ans au baron de Monferrant-Landiras, elle dut assumer seule l'éducation de ses enfants.

Suite au décès de La Boétie, Montaigne écrit

« Qu'un ami est une douce chose... »

Ce que nous appelons ordinairement amis et amitiés, ce ne sont qu'accointances et familiarités nouées par quelque occasion ou commodité, par le moyen de laquelle nos âmes s'entretiennent. En l'amitié de quoi je parle, elles se mêlent et confondent l'une en l'autre, d'un mélange si universel qu'elles effacent et ne retrouvent plus la couture qui les a jointes. Si on me presse de dire pourquoi je l'aimais, je sens que cela ne se peut exprimer qu'en répondant: « Parce que c'était lui, parce que c'était moi ».

Il y a, au-delà de tout mon discours et de ce que j'en puis dire particulièrement, ne sais quelle force inexplicable et fatale, médiatrice de cette union. Nous nous cherchions avant que de nous être vus, et par des rapports que nous oyions l'un de l'autre, qui faisaient en notre affection plus d'effort que ne porte la raison des rapports ; je crois, par quelque ordonnance du ciel. Nous nous embrassions par nos noms ; et à notre première rencontre, qui fut par hasard en une grande fête et compagnie de ville, nous nous trouvâmes si pris, si connus, si obligés entre nous, que rien dès lors ne nous fut si proche que l'un à l'autre...

Qu'on ne me mette pas en ce rang ces autres amitiés communes : j'en ai autant de connaissance qu'un autre, et des plus parfaites en leur genre, mais je ne conseille pas qu'on confonde leurs règles : on s'y tromperait. Il faut marcher en ces autres amitiés la bride à la main, avec prudence et précaution ; la liaison n'est pas nouée en manière qu'on n'ait aucunement à s'en défier...

Les Essais, livre I, chapitre XXVIII, De l'amitié.

Andrée Raymond, Le Taillan-Médoc, hier, aujourd’hui, Point Info du Taillan, 2 000, p.154-155.

Montaigne

(Michel Eyquem de), écrivain français (château de Montaigne, aujourd'hui commune de Saint-Michel-de-Montaigne, Dordogne, 1533-id. 1592).
Sa famille s'était enrichie par le négoce, et la seigneurie de Montaigne (ou de la Montagne) n'avait été achetée que par son arrière-grand-père, Ramon Eyquem (1477). Son père fut le premier à vivre sur un train de gentilhomme ; sa mère, Antoinette de Louppes (ou Lôpez), descendait peut-être d'une famille juive qui avait fui les persécutions en Espagne. Montaigne reçoit une solide éducation : son précepteur allemand Horstanus ne s'adresse à lui qu'en latin.
À six ans, il entre au collège de Guyenne à Bordeaux, où enseignent de grands maîtres tel Buchanan, puis fréquente la faculté des arts de Bordeaux, où professe Muret. Après avoir étudié le droit, sans doute à Toulouse (1549), il devient conseiller à la cour des aides de Périgueux (1554), puis au parlement de Bordeaux (1557). C'est là qu'a lieu sa rencontre avec son « frère » d'élection, Étienne de La Boétie à qui il vouera une indéfectible amitié. Éprouvant peu d'enthousiasme pour ses fonctions, il fréquente la Cour : il accompagne François II à Bar-le-Duc et Charles IX au siège de Rouen tenu par les protestants (1562).
Son mariage avec Françoise de La Chassaigne, à laquelle il est loin de porter un grand amour, date de 1565.
La mort de son père (1568) lui laisse un titre et des terres, et il peut vendre sa charge à Florimond de Raemond (1570). Dès 1569, il a publié, selon un vœu de son père, une traduction de la Theologia naturalis de Raymond Sebon, qui prétendait fonder la loi chrétienne sur la raison. En 1571, paraît par ses soins une édition d'œuvres de La Boétie (dont la Ménagerie de Xénophon) ; il se rend la même année à Paris, reçoit le collier de l'ordre de Saint-Michel, puis se retire dans son domaine.
Installé dans sa « librairie », il commence à dicter les premiers Essais (1572). Son travail est interrompu quelque temps en 1574, à l'occasion de la quatrième guerre de Religion. En1580, parait la première édition des Essais, limitée alors aux deux premiers livres. Pour tenter de trouver des eaux salutaires à sa gravelle et également pour des raisons diplomatiques, il entreprend un long voyage à travers l'Europe, du 22 juin 1580 au 30 novembre 1581. Il prend les eaux à Plombières et à Bade, visite la Bavière et traverse l'Autriche avant de descendre vers l'Italie. Son séjour dans la péninsule se prolonge toute l’année 1581. Il s’enorgueillit de recevoir à Rome des lettres de bourgeoisie. Ses notes intimes, qui consignent par le menu ses coliques et ses maux de vessie aussi bien que ses promenades archéologiques, sont rassemblées dans son Journal de voyage, rédigé partiellement en italien et publié pour la première fois par Meusnier de Querlon en 1774.
Ayant appris à Lucques son élection à la mairie de Bordeaux, il remplit sa charge en magistrat consciencieux (1581-1583), est réélu pour une seconde période (1583-1585). Durant ces deux années de troubles civils, Montaigne ménage habilement l'intérêt de la ville dont il a la charge. Il reçoit Henri de Navarre en 1584, se rapproche aussi du duc de Matignon, gouverneur de Guyenne, dévoué à Henri III. C'est ainsi qu'il peut déjouer les intrigues de la Ligue (1585).
La même année, comme la peste sévit à Bordeaux, Montaigne s'en tient prudemment éloigné. Il achève enfin la deuxième édition des Essais, qui paraissent, accrus de nombreuses additions et d'un troisième livre (1588). Il se lie vers la même époque avec P. Charron, son futur compilateur, et Mlle de Gournay, sa « fille d'alliance ». Lors d'un voyage à Paris (1588), il est dévalisé, puis embastillé au cours des troubles qui suivent la journée des Barricades. Ses dernières années sont consacrées à préparer une nouvelle édition des Essais, qui sera publiée, avec des imperfections, par P. de Brach et Mlle de Gournay (1595).

Né dans le siècle de l'humanisme, mais appartenant à une époque de crise politique et intellectuelle, Montaigne n'a pas l'enthousiasme encyclopédique qui animait parfois Rabelais. Le catalogue des objets de savoir que l'on trouve par exemple dans l'Apologie de Raymond Sebon ne vise qu'à démontrer la faiblesse maladive de la raison humaine. Incapable de « se connaître soi-même », selon le vœu socratique, comment l'homme pourrait-il connaître « toute autre chose » ! D'où la question éternellement ouverte à laquelle se ramène la devise choisie par Montaigne : « Que sais-je ? ».

Grand Dictionnaire encyclopédique, Larousse, 1984.

Portrait de Montaigne. Peinture anonyme de la 2e moitié du XVIe siècle. Musée de Chantilly.

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Roger Romefort ou Gric de Prat 

Jean Roger Romefort est né au Taillan le 26 octobre 1886, dans une maison située avenue de Soulac, à la sortie du bourg en direction de Soulac. Il est issu d'une très ancienne famille taillanaise déjà mentionnée au XVIe siècle. Son père, Pierre Eugène, propriétaire terrien, est agriculteur et exerce des fonctions municipales. De ce fait, le jeune Roger sera impliqué tout jeune à la vie politique locale. Ne souhaitant pas travailler à l'exploitation familiale, il s'oriente vers le métier de médecin. En 1914, il sera mobilisé et participera avec d'autres enfants du Taillan à la défense de la Patrie. Après l'Armistice, il prendra la défense de ses compagnons de tranchées que l'on nomme « les poilus ».

C'est à la même époque qu'il commence à rédiger des œuvres écrites en langue gasconne, dont le parler lui est familier.

Éric Roulet, enseignant et animateur du groupe de musique occitane « Gric de Prat » a dressé le portrait de l'écrivain gascon Gric de Prat et situé son œuvre à côté de celle d'auteurs plus connus du public : « Durant la seconde partie du XIXe siècle, une petite fraction de la bourgeoisie française, découvre un certain intérêt pour les « patois » qu'il convient d'appeler plutôt « langues régionales ». En Bordelais, c'est le gascon, dialecte atlantique de la langue occitane, langue de haute culture à l'époque médiévale, qui est concerné. Cet attrait est pour le moins paradoxal, provenant d'une classe sociale, qui depuis trois siècles rejette ou néglige l'emploi de la langue originale du Bordelais... Il ne s'agit pas d'ailleurs de promouvoir l'usage du gascon, mais plutôt d'encourager un certain nombre de productions littéraires et de reconnaître une certaine valeur à la culture populaire orale.»

Dans notre région, cette culture populaire est à l'époque, symbolisée par l'œuvre de Méste Verdier (1779-1820). Méste Verdier est boulanger de son état, poète comique de vocation, ses pièces, déclamées en public, auront un énorme succès en Bordelais ; et durant plus d'un siècle, les imitateurs de Verdier vont se succéder avec une valeur littéraire plus qu'inégale...

Gric de Prat, de son véritable nom le docteur Romefort, sera probablement le dernier des poètes gascons tirant son inspiration de l'œuvre de Verdier. Mais l'œuvre de Gric de Prat est sans aucun doute d'une valeur infiniment supérieure à celle des nombreux imitateurs de Verdier ; Gric de Prat possède en effet une culture gasconne accomplie, et s'inspire également de l'œuvre de Jasmin.

Jacques Boé, Jasmin de son nom d'écrivain, est coiffeur à Agen, poète romantique, grand ami de Lamartine, il permettra aux lettres occitanes de la région de sortir du comique populaire et de se situer dans la mouvance romantique. Mais surtout, Gric de Prat connaît et fréquente Frédéric Mistral, et s'inscrit plus ou moins dans le mouvement félibre qui se définit lui-même comme une « conspiration poétique », fondé par quatre poètes provençaux dont Frédéric Mistral, c'est un groupement de défense et de promotion de la culture d'Oc : « Le Félibrige ». Le Félibrige inspirera la naissance des premiers groupes folkloriques, et organisera de très nombreuses fêtes poétiques et littéraires à vocation culturelle. Une de ces fêtes, la fête de la Terre et des Paysans, sera organisée à Soulac pendant plusieurs années, Gric de Prat y participera. Le nom même de cette fête illustre la conception quelque peu mythique de la civilisation d'Oc qu'entretient le Félibrige : glorification du peuple et des paysans..., vision rousseauiste du bon sauvage, à laquelle s'opposera justement Gric de Prat, montrant un paysan rusé, fier et roublard.

Le Docteur Romefort, qui exerce à Bordeaux, passe une grande partie de ses loisirs au Taillan dont sa famille est originaire ; dans ses œuvres les plus intéressantes, il peint avec humour le petit peuple médocain qu'il côtoie au Taillan et dans son Médoc où il aime chasser, pêcher et bien manger. Il exprime toujours une grande tendresse et un certain humanisme à l'égard de ses personnages, ce qui n'est pas incompatible avec de fortes convictions politiques : il soutiendra la candidature de Mandel à la Mairie de Soulac.

Gric de Prat meurt la veille de la déclaration de la seconde guerre mondiale, des suites d'une maladie cardiaque contractée lors de la première guerre... il est, à notre connaissance, le dernier à s'inspirer directement de l'œuvre de Verdier, mais il n'est pas le dernier écrivain occitan du Médoc. Ainsi, dans les années cinquante, plusieurs d'entre eux fonderont l'Escale Jaufrey Rudel, association officiellement rattachée au Félibrige et si actuellement le Médoc semble muet, nous nous prenons à espérer que ce silence reste momentané ».

La maladie l'emporta à l'âge de 52 ans, le 30 septembre 1938. Il repose au cimetière du Taillan. Après sa mort, Gaston Guillaume, professeur de langues et de littérature du Sud-ouest à la faculté de Bordeaux a écrit cet éloge : « Le grillon du Médoc. Il est mort, hélas ! et le Médoc est en deuil : un de ses enfants les plus aimés vient de disparaître prématurément, et tout le monde a gardé le souvenir ému des obsèques de Gricde Prat, touchant pseudonyme du regretté docteur Romefort, si populaire. L'éclat lumineux du poète continuera à briller parmi nous. La réputation du félibre gascon bravera le temps ; la place de Gric de Prat est déjà faite dans les fastes de notre littérature occitane.»

La preuve vient d'en être démontrée par les Éditions Delmas, de Bordeaux, dont il convient de louer la très heureuse initiative : elles viennent de publier une édition complète des « Œuvres gasconnes de Gric de Prat », dans un très beau volume pour lequel M. Léon Bérard, de l'Académie française a écrit une préface magistrale. Léon Bérard a très justement expliqué le succès de cette œuvre, dont le secret tient au contact direct de l'écrivain avec la matière de son livre : psychologue parce que médecin (les médecins, hommage leur soit rendu !, sont souvent, dans notre siècle indifférent, les défenseurs de la flamme intellectuelle).

Gric de Prat devait à sa profession ses qualités exceptionnelles d'observateur et d'enquêteur social. Comme Molière, attentif dans la boutique du coiffeur de Pézenas, il a prêté l'oreille, dans les demeures comme aux champs, aux moindres propos de ses compatriotes du Taillan, de Blanquefort ou de Castelnau. Il suffit de relire « lous coupouns de Cadiche », « Au Perruquey » ou « la Gouyate dé Croustet ba se marida », pour se rendre compte combien il les connaissait tous par leurs qualités et par leurs défauts : rien ne pouvait échapper à la clairvoyance de ce Meste Verdier du Médoc, de ce qui fait l'originalité de la province, aux portes mêmes de Bordeaux.

À l'encontre de ces personnages chinois de potiche ou d'éventail, qui n'ont l'air de tenir à rien dans le paysage et de se mouvoir dans le vide, les hommes et les femmes peints par Gric de Prat sont essentiellement vivants et profondément enracinés dans le sol : ils respirent la vie même de la terre où ils sont nés. L'auteur s'apparente par ce souci de réalisme et de vérité aux plus grands artistes qui ont compris les rapports éternels, avec l'être humain, du sol et du climat. Les figures inoubliables de Cadiche et de Jeantilhot expriment avec un relief saisissant l'âme de notre banlieue bordelaise. Et avec quelle verve, Gric de Prat les fait mouvoir et parler, ces véridiques personnages ! Depuis Costeles de Prades qui, au XVIIIe siècle, mérita dans l'Agenais le surnom de Molière gascon, je vois peu d'artistes qui aient apporté dans leurs créations dramatiques une force comique comparable à celle de Gric de Prat. Cette belle sonorité de notre langue d'oc nous rappelle l'un des mérites essentiels de Gric de Prat, le félibre toujours fidèle à l'idéal mistralien et qui, toute sa vie, a défendu cette idée, en vrai chevalier de la tradition, que nos parlers dialectueux sont un héritage sacré de nos ancêtres et que leur substance profonde est liée à notre âme. Comme Jasmin, il a travaillé de tout son cœur à sauver de l'oubli la langue gasconne, justifiant la parole du grand historien Jullian, disant que « faire mourir une langue, c'est pécher contre la vie sociale ».

Remercions vivement la maison d'éditions Delmas d'avoir voulu perpétuer cet effort et d'avoir ainsi donné, une fois de plus, la preuve de son dévouement à la cause régionaliste ; elle n'a rien négligé pour la présentation artistique de l'ouvrage ; nous voudrons tous, en Aquitaine, relire les œuvres de Gric de Prat et savourer son parfum de Gascogne que soulignent et rehaussent fort heureusement les spirituelles illustrations de J.J. Rousseau. Puis, en fermant le livre, nous adresserons à l'ombre légère du petit grillon, qui ne chantera plus sur la taupinière médocaine, un souvenir fidèle et l'expression de toute notre reconnaissance.

Gaston Guillaume, professeur de langues et de littérature du Sud-ouest à la faculté des lettres.

Le Taillan-Médoc, hier, aujourd’hui, Point Info du Taillan, 2 000, p.162-164.

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12 octobre 1925 article de La Petite Gironde

Gric de Prat

Gric de Prat ou Roger de Romefort de son nom véritable (1886-1938), était originaire du Taillan. Docteur-cardiologue à Bordeaux. Il a commencé à écrire en Gascon après la 1ère Guerre mondiale. Il fut ami avec l'Abbé Bergey, autre grand personnage médocain de l'époque.

 romefort

Citation  

Ayma la terre oun an néchat
Oun an poupat la leyt ou an grandit biscut
A l'abric d'un oustàu souen pràubet é soumbre
Mais richemen puplat dé soubenis é d'oumbres.   Gric dé Prat.
Aimer la terre où ils sont nés
Où ils ont tété le lait, où ils ont grandi, vécu
A l'abri d'une maison souvent pauvre et sombre
Mais richement peuplée de souvenirs et d'ombres
De pé nobles passiouns se séntirà frémi
E qué dén so qu'es biélh, se boudrà rajuni.   Gric dé Prat.
De plus nobles passions il se sentira frémir
Et que dans ce qui est vieux, il se voudra rajeunir.

Guy Dabadie, Blanquefort et sa région à travers les siècles, Imprimerie Samie, Bordeaux, 1952, p. 13.

 

La Boétie, un homme célèbre

Le Parlement de Bordeaux a été la pépinière de grands hommes, humanistes célèbres aux écrits prestigieux, tels Michel Eyquem de Montaigne et Étienne de La Boétie, ainsi que le lieu de leur rencontre.

La Boétie est né en 1530 à Sarlat. Il a épousé en 1554 Marguerite d'Arsac, veuve de Jean d'Arsac, qui avait déjà deux enfants. Étienne de la Boétie habite Bordeaux, au n°2 de la rue Gouvéa (actuellement rue Pierre de Coubertin) et il se rend souvent dans les propriétés de sa femme en Médoc, au château d'Arsac et au château Castéra à Saint-Germain d'Esteuil. Pierre de Carle, frère de Marguerite, sera Président du Parlement de Bordeaux et grand humaniste. Ce mariage est une chance pour la Boétie qui a vanté l'érudition sensible et passionnée de son épouse.

La Boétie a connu Montaigne par le père et les oncles de ce dernier pendant les guerres de religion.

La Boétie et Montaigne, ces humanistes qui ont tant fait pour notre pays deviennent amis. Cette amitié n'avait rien de trouble comme certains se plaisent à le faire croire. La Boétie faisait souvent reproche à Montaigne de sa dissipation paillarde. Ils étaient des intellectuels sensibles à la souffrance créée par les guerres de religion qui minaient le pays. Ils sont restés de farouches combattants pour la paix en France. En 1563, La Boétie fait un voyage à Sarlat. À son retour, légèrement souffrant, il ne fait pas halte chez les Eyquem, au château de Montaigne où pourtant son ami travaillait, il lui tarde de retrouver son Médoc. En juin de cette même année, le décès du sieur de Bussaguet réunit les deux amis, qui ont assisté à la rédaction du testament de cet oncle. En août, après un dernier voyage en Périgord, il fait une partie de jeu de Paume, avec M. d'Escars, gouverneur de Guyenne, un dimanche après-midi à Bordeaux. Il prend froid à la suite de cette partie et se plaint le soir même de maux de ventre violents lors de son passage chez Jeanne de Lestonnac. Il ne peut en fait gagner sa propriété d'Arsac et doit s'aliter. Montaigne prendra chaque jour le chemin du Taillan durant la semaine suivante et La Boétie s'éteindra à Germignan, le 18 août 1563.

Hymne au Médoc

O Médoc.
Ce jourd'hui, du soleil la chaleur altérée
A jauni le long poil de la belle Cérès ;
Ores, il se retire ; et nous gagnons le frais,
Ma Marguerite et moi, de la douce soirée
Nous traçons dans les bois quelque voie égarée ;
Amour marche devant et nous marchons après ;
Si le vert ne nous plaît des épaisses forêts,
Nous descendons pour voir la couleur de la prée.
Nous vivons francs d'émoi, et n'avons point souci
Des rois, ni de la cour, ni des villes aussi.
O Médoc, mon pays solitaire et sauvage !
Il n'est point de pays plus plaisant à mes yeux !
Tu es au bout du monde et je t'en aime mieux :
Nous savons après tous les malheurs de notre âge.

Étienne de La Boétie. Œuvres complètes.

Andrée Raymond, Le Taillan-Médoc, hier, aujourd’hui, Point Info du Taillan, 2 000, p.155.

 

Mort de la Boétie

Signalons la mort à Germignan (Le Taillan), en 1563), du grand magistrat et écrivain, Étienne de la Boétie, le grand ami de Montaigne, qui séjourna souvent avec celui-ci au Castéra et dont Charles Silvestre a pu écrire : « L’amitié de Montaigne et la Boétie est ardeur ineffable et douceur infinie… Entr’eux, ils ont trouvé l’abri constant et sûr. Ils nous mènent sans heurts vers la plus haute cime. » [cet écrivain humaniste et poète français est né le 1er novembre 1530 à Sarlat et mort le 18 août 1563 à Germignan, dans la commune du Taillan-Médoc, près de Bordeaux].

La-Boetie

Guy Dabadie, Histoire du Médoc, Imprimerie Samie, Bordeaux, 1954, p. 138.

 

 

 

Louis Gustave Curé

 

Louis, Jean, Ambroise, Gustave Curé, est né le 9 juin 1799 à l'Ile-de-France (Ile Maurice) où son père avait fondé une importante maison de commerce. Après des études au lycée Louis-le-Grand à Paris, il vint à Bordeaux dans sa famille pour s'habituer au maniement des affaires. En 1818, il fit un séjour prolongé aux États-Unis et rentra en 1820 à l'Ile-de-France. Mais en 1829, l'éloignement de la France lui devenant insupportable, il dit adieu à l'Ile que ne protégeait plus le drapeau de la France et vint se fixer définitivement à Bordeaux.

Ses qualités lui valurent rapidement l'estime de ses concitoyens et en 1830 il fut lieutenant de la Garde nationale, capitaine en 1831 et chef de bataillon en 1847. Membre du conseil municipal de Bordeaux en l834, adjoint au maire en 1848, maire en 1849, il siégea pendant plus de trente ans. Son passage à la mairie de Bordeaux fut marqué par la réalisation de travaux d'assainissement et d'embellissement de la ville.

Conseiller d'arrondissement de 1832 à 1848, puis conseiller général de 1848 à 1851 et de 1861 à 1870, il fut député de la Gironde de 1857 à 1869.

Au Taillan, M. Curé habitait le château de Brun lorsqu'il venait à la campagne dans son domaine. Il mourut à Bordeaux le l8 mars 1876.

Une allée du Taillan porte son nom.

Jean-Pierre Cleyzac, Le Taillan-Médoc, hier, aujourd’hui, Point Info du Taillan, 2 000, p.160.

 

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Roger Ducasse, un musicien

 

Jean Roger-Ducasse a vu le jour à Bordeaux, 83 rue Fondaudège, le 18 avril 1873. Il est le troisième enfant de Jules Ducasse et d'Amélie Degeon. Ducasse, petit-neveu de M. Pierre Verrières-Choisy, avait hérité à son décès en février 1867 de sa propriété du Taillan, le Grand Enclos, sis sur le chemin de Germignan à l'Allemagne, actuellement avenue de la Dame Blanche, et alors, plantée en vignes rouges et blanches. Si Roger n'est pas né au Taillan, il y passe cependant sa petite enfance. On retrouve sa trace à l'école des frères des Écoles Chrétiennes, de 1881 à 1884, car par la suite il continue sa scolarité à la pension Saint-Pierre, rue Saint-Sernin à Bordeaux.

Très tôt, attiré par la musique et le chant, il travaille le piano avec Mme Rinek-Bertini qui dirigeait un cours de haut niveau, rue Charles Monselet à Bordeaux. Pendant deux ans, il suit les cours du conservatoire municipal avant de se présenter au conservatoire national de Paris où il est admis le 14 décembre 1891. Dès lors, sa carrière est toute tracée et entièrement consacrée à la musique et au chant. Il entre dans la classe de composition de Gabriel Fauré et a pour condisciples des compositeurs illustres tels Ravel, Enesco, Florent Smitt, Nadia Boulanger...

Il sera second grand prix de Rome en 1902. Resté célibataire, il vivra entouré par ses deux sœurs, Marguerite et Yvonne, à Paris pour le travail, et l'été au Taillan où il peut s'adonner à la composition dans sa chère « maison des champs ».

Ses œuvres sont nombreuses : « Orphée » mimodrame lyrique en trois actes, « Cantegril » opéra comique, « Au jardin de Marguerite » un long poème symphonique, le merveilleux « Nocturne de Printemps », « La Sarabande », deux quatuors, des mélodies, de la musique religieuse dont trois motets écrits en 1911 et dédicacés à M. l'Abbé Brun, curé du Taillan.

Il termine sa vie au Taillan après avoir pris sa retraite du conservatoire en 1945, entouré de sa sœur Marguerite et sa nièce Maryvonne Réglade, fille aînée de son autre sœur Jeanne. Il décède le 17 juillet 1954. Il est inhumé dans le caveau de son père au cimetière de La Chartreuse à Bordeaux.

Anne-Marie Réglade, Le Taillan-Médoc, hier, aujourd’hui, Point Info du Taillan, 2 000, p.161.

 

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Extrait d'un article de La Petite Gironde du 6 octobre 1926

Honoré François Rey dit Raynal

 

Né en 1872 à Bourg dans l'Ain, Honoré Raynal habite Lyon dès l'âge de deux ans. C'est dans cette ville où il fait sa scolarité, qu'il étudie brillamment le chant et débute comme baryton à l'opéra dans le rôle de Valentin de Faust. Le directeur du Grand Théâtre de Bordeaux le remarque et l'engage. À Bordeaux, il chante, Le Barbier de Séville, Manon, Fortunio, La Tosca... Par la suite, il se produira sur diverses scènes, Liège, Lyon, Aix-les-Bains, Vichy en 1912, 1913 et 1914, Nice. Partout, alternèrent avec succès, création et reprises. Dans l'entre-deux guerres, Honoré Raynal fit de nombreuses saisons à l'opéra de Bordeaux. En 1940, au terme de sa carrière de chanteur, il vint professer au conservatoire de Bordeaux. Il eut parmi ses élèves des chanteurs qui feront par la suite une carrière internationale : Luis Mariano, André Dassary, Marcel Merkés, Paulette Merval.

Il résidait au Taillan, rue de la Liberté, dans l'immeuble actuellement occupé par un cabinet d'infirmières et une agence d'assurances. Sa pipe vissée au coin des lèvres, son large béret, sa cape noire et ses sabots, personnage pittoresque et sympathique, il parcourait ainsi les rues du village, connu et apprécié de tous. Il est décédé le 27 juillet 1962.

Un chaleureux hommage, lui a été rendu lors de ses obsèques, le 31 juillet, par un ami habitant de la commune.

Voici le texte de ce discours, conservé par M. Christian Fraisse, né au Domaine de Jau : « Les habitants du Taillan se doivent d'adresser un adieu à cet honnête homme, qui, depuis plus de vingt ans, a vécu près d'eux. M. Raynal est arrivé dans la commune pendant les mauvais jours de la dernière guerre, quittant Bordeaux avec sa femme, pour chercher un calme relatif dans la grande banlieue. Ils restèrent de longues semaines à attendre des nouvelles de leur fils, qui était mobilisé dans une unité combattante, et c'est ici qu'ils apprirent qu'il était vivant, mais prisonnier. Sa captivité fut leur grand souci durant les premières années de leur résidence au Taillan. M. Raynal avait loué un champ pour se livrer à la culture, sans cesse préoccupé comme tant d'autres par la préparation et l'envoi de colis au prisonnier. Nous avions, ma femme et moi, de pareils soucis au sujet de notre fils ; aussi, l'épreuve commune resserra-t-elle les liens d'amitié qui nous unissaient précédemment. Après la guerre et le retour de son fils, M. Raynal demeura Taillanais d'adoption. Très affligé par la mort de sa femme, avec laquelle il formait un ménage parfait, il vécut seul, et malgré la pénible infirmité que lui causait la perte progressive de la vue, il donna un bel exemple de courage et de résignation, s'efforçant en outre de rendre service, aidant par ses conseils et ses leçons les jeunes amateurs de musique.

Nos concitoyens n'ont pas oublié le dévouement avec lequel il prit en mains la direction des chants de leur église, transformant bientôt le groupe de chanteurs en une chorale qui connut des années de succès, organisant avec elle et avec le concours d'élèves bordelais, un concert spirituel dont gardent souvenir tous ceux qui eurent la joie d'y assister. C'était un véritable artiste, musicien, comédien, possédant aussi comme violon d'Ingres, un joli talent de peintre.

Cet excellent chanteur, cet acteur lyrique, a fait une brillante carrière au Théâtre des Célestins de Lyon, puis au Grand Théâtre de Bordeaux, où pendant de nombreuses saisons, il fut titulaire des premiers rôles de son emploi et créateur d'œuvres nouvelles, telles que « Fleurette » d'Aristide Martz, où il marqua d'un relief saisissant le personnage du Père Honoré. Il continuait aussi à donner à Bordeaux, de précieuses leçons de chant. Il décida de renoncer au théâtre alors qu'il était encore en pleine possession de son talent, ne laissant que des regrets à tous ses camarades.

Bordeaux couronna cette belle carrière en faisant de lui un des maîtres de son conservatoire. Il y fut professeur de chant d'opéra-comique et d'opérette. Depuis sa mise à la retraite et jusqu'à ces derniers mois, il a été toujours appelé à siéger dans les jurys des concours de fin d'année, ses compétences musicales le désignant pour ce choix.

La fin solitaire de ce vieillard de quatre vingt dix ans a navré les amis dévoués qui lui procurèrent les dernières joies de son existence et s'employèrent à lui adoucir les épreuves de son infirmité. Après avoir rendu hommage à l'artiste et au professeur, je veux surtout mettre en lumière les qualités de cœur de cet homme, sa modestie, la dignité de son existence, l'exemple qu'il a donné comme époux et comme père, dans une carrière difficile où la vie familiale est trop souvent menacée. En lui disant adieu au nom de ses amis, de ses collègues, de ses élèves et de ses concitoyens, je réserve une pensée à la mémoire de Mme Raynal, qui fut pour lui un soutien, et qu'il rejoint aujourd'hui dans la tombe. Je prie son fils et sa belle-fille d'agréer les sentiments de sympathie que nous éprouvons à leur égard, en prenant part à leur douleur ».

Andrée Raymond, Michel Cla et Christian Fraisse, Le Taillan-Médoc, hier, aujourd’hui, Point Info du Taillan, 2 000, p.166-167.

1914-05-16-Comoedia-Lyon-Thetre-des-celestions-2                                                                             

                                                                             16 mai 1914 article dans le journal Comoedia