La gestion d’état civil

 

Le premier curé qui a signé sur les registres de la paroisse est Deimay (1622). Il s'intitule vicaire perpétuel de Ludon. Après lui, nous trouvons David, en 1630, et Amelin, en 1646. Une mention spéciale doit être faite du curé Gorribon (1654) qui a eu l'heureuse idée de relater, en fin d'année, les événements dont il a été témoin ou ceux parvenus à sa connaissance : « Ce que j'ai voulu rédiger par écrit, dit-il, pour servir de mémoire à l'avenir aux habitants et paroissiens du dit Ludon et curés qui viendront après moi ».

Puis vinrent les curés Deichant (1676), Fourtens (1692), Caldagne (1709), Philibert (1723), Brunet (1727), Daunis (1741), Le Chevalier (1777).

La vie du curé à la campagne était rude. Il est vrai que le clergé sortait du peuple, les cadets de famille se réservant les canonicats et les bénéfices qui n'obligeaient pas à la résidence. De plus, le curé était pauvre. La dîme, qui fut établie par Charlemagne en faveur du clergé, était rarement la dixième partie de la récolte ; elle en était, le plus souvent, la quinzième, la vingtième et même la quarantième. Enfin, un vice radical dans la perception de ces revenus ecclésiastiques venait encore diminuer ceux du curé. Les dîmes recueillies dans les paroisses étaient perçues d'ordinaire par des gros décimateurs qui ne résidaient pas et qui laissaient seulement au prêtre desservant leur église « la portion congrue ». Or, cette part était à peine suffisante pour vivre.

Le presbytère, jadis à la charge du clergé, était entretenu, depuis le XVe siècle, par les habitants. Celui de Ludon, qui se trouvait à la place de la mairie actuelle, était bien modeste. Le curé Gorribon s'en plaint à son archevêque, Mgr Henry de Béthune, et il profite de la tournée pastorale de ce prélat à Ludon, le quinzième du mois de may, l'an de grâce 1659, pour lui faire constater l'insuffisance de son logement : « Mgr l'Archevêque, dit-il, visita aussi la maison curialle et, vu les grandes incommodités que je souffrais, à défaut de grenier et d'écurie, il ordonna aussi, en présence de don Courrier de la Chartreuse, qui se prétend curé primitif du dit Ludon, qu'on me ferait au plus tôt bâtir l'un et l'autre et qu'il baillerait un vicaire pour servir la paroisse si mieux il n'aymait traiter avec moy pour ma pension et pour le vicaire ».

Les évêques avaient ainsi l'habitude de faire des visites périodiques dans chaque paroisse de leur diocèse pour donner le sacrement de confirmation, et les habitants pouvaient leur présenter leurs réclamations. L'église était à la fois le centre de la paroisse et de la communauté. On ne se réunissait pas seulement à l'église pour adorer Dieu ; les assemblées communales s'y tenaient. Les premières associations dans les campagnes se formèrent à l'abri du sanctuaire. Le curé les présidait. Le prône n'est pas seulement une instruction religieuse, c'est une instruction administrative et quelquefois judiciaire. Il n'y a, en effet, aucun moyen de publicité ; les journaux étaient inconnus et les affiches inutiles, la presque totalité des habitants ne sachant pas lire. Ainsi, le curé est l'intermédiaire officiel entre le peuple et le gouvernement royal, et pour faire connaître à tous les actes de l'autorité, i1 choisit l'heure de la messe paroissiale, puisque la fréquentation des offices était alors un devoir pour les habitants.

Paul Duchesne, La chronique de Ludon en Médoc, Rousseau frères, Bordeaux, 1960, p.60-61.