Le chateau de Cantemerle

La destinée des deux châteaux situés sur le territoire de Ludon a été bien différente. Alors qu'Agassac est toujours plein de vie et que Blanquefort lui-même dresse vers le ciel des ruines imposantes, Cantemerle n'existait déjà plus au XVIIe siècle.
D'après Léo Drouyn, cette forteresse est fort ancienne et aurait existé bien avant Agassac. Elle était formée d'une motte circulaire de 33 mètres de diamètre, enveloppée d'un fossé de 15 mètres de large. Sur cette motte s'élevait un château-fort à peu près carré, dont on retrouve quelques fondations.
Une source abondante (la Mouline) remplissait d'eau les fossés et a motivé probablement le choix de cet endroit comme appui défensif.
Cette seigneurie était importante. Elle possédait sur le territoire de Ludon les villages de Lafont, Paloumey, Bouscarut et La Lagune.
On ignore quand et pourquoi elle fut complètement rasée. Aucune ruine ne subsiste et les pierres qui la composaient ont dû être utilisées par les paysans pour construire leurs maisons. Deux vieux canons, qu'on voit encore dans le village de Lafont, sont peut-être les seuls vestiges de sa puissance disparue.

On trouve dès 1147 des seigneurs de Cantemerle. Cette seigneurie passa, au XVe siècle, dans la maison de Caupène ; au début du XVIe siècle, elle appartint à la maison de la Roque.
Enfin, le 20 août 1579, elle fut achetée par la famille de Villeneuve de Durfort, dont la résidence était au château de Saugves, situé à un kilomètre environ à l'ouest de l'ancienne forteresse.
La tradition veut que le nom de Cantemerle ait été donné à ce château à la suite des exploits d'un certain canon appelé « le Merle » qui surveillait la rivière et empêchait les pirates d'aborder. C'était la pièce la plus importante de l'artillerie du château et, lorsqu'elle tirait, la population avait coutume de dire : Chante-Merle.
On imagine difficilement aujourd'hui comment le vieux château de Cantemerle pouvait dominer la rivière. Il est certain cependant que sa rade offrait un mouillage abrité et une retraite sûre aux embarcations poursuivies par l'ennemi ou le mauvais temps.
Ce sont les Bénédictins de l'Abbaye de Sainte-Croix, dont dépendait Macau, qui entreprirent d'assez bonne heure le dessèchement méthodique des alluvions délaissées par la Garonne, et la domination sur ces terres de « palu » fut longtemps un sujet de conflit entre les seigneurs de Cantemerle et les abbés de Sainte-Croix.

Cantemerle et Agassac étaient reliés par une route qui se prolongeait au nord jusqu'au port de Macau, où les gens de Ludon embarquaient leurs marchandises. Sur cette route, à égale distance à peu près des deux châteaux, s'élevait l'église de Ludon et le bourg. Enfin, dans la palu, au lieu de Gillet, il existait un prieuré avec une petite chapelle et quelques maisons aux alentours, mais le mauvais état des chemins rendait les communications très difficiles avec ce village éloigné.

Paul Duchesne, La chronique de Ludon en Médoc, Rousseau frères, Bordeaux, 1960, p. 22,26.