Une collectionneuse d’étiquettes de vins

Michelle Castagnet conserve des dizaines de milliers d’étiquettes de vins, telles des morceaux de notre patrimoine : 80 000 châteaux à domicile.

L’avion, le golf, la bande dessinée et le cheval ont au moins cette chose en commun : chacun a servi de thème pour illustrer une étiquette de vin. Le cheval, chez Michelle Castagnet, se taille même la part du lion avec 15 000 versions différentes pour autant de châteaux. Un hommage, sans doute à son Gavroche, qu’elle posséda jadis dans le pré d’une de ces maisons d’un Médoc qu’elle a toujours habité. Dans sa petite maison de Parempuyre, Michelle, il y a vingt-cinq ans, rendit d’abord service à un de ses amis numismates : « Il m’avait demandé de chercher des étiquettes de vin afin de les échanger contre des pièces de monnaie, ce que j’ai fait, raconte-t-elle. Là, je l’ai prévenu que désormais, je garderai les étiquettes pour moi. » Le coup de foudre avait frappé, pour les couleurs, les motifs de l’étiquette mais avant tout, s’exclame Michelle : « Parce que c’est notre patrimoine ! »

La plus ancienne date de 1864, une de Mouton-Rotchschild, château pour lequel Michelle Castagnet a un faible : Picasso, Dali, Chagall, Miro, Poliakov, Andy Warhol, elle possède toutes ces étiquettes signées de grands peintres, voulues par le baron Philippe à qui, sur le millésime 1987, sa fille Philippine rendait hommage en trois mots : « À mon père ». De 1864, les 80 000 étiquettes de Michelle butent volontairement sur l’année 1980 : « À partir de cette date, précise-t-elle, l’œnographisme manque d’imagination et s’uniformise. »

Bientôt, Michelle Castagnet se rendra au château Barateau, acheté voici deux ans par des Chinois, afin de voir s’il reste l’exception qui confirme la règle : « Barateau, souligne-t-elle, a créé 130 étiquettes de vin différentes pour son château. J’aimerais savoir si les nouveaux propriétaires veulent continuer dans la même philosophie. »

Plusieurs fois par an, venus des Etats-Unis, d’Afrique du Sud, d’Espagne, de Suisse ou des Pays-Bas, les étilabelophiles se retrouvent un peu partout en France. Dans la région, c’est à Floirac, chaque week-end de Pentecôte, que ça se passe. Michelle y sera cette année encore et elle autocensurera quelques-unes de ses étiquettes, un peu trop salées : « La femme, bien sûr, a beaucoup inspiré et mes étiquettes coquines ont toujours du succès, mais certaines doivent rester à la maison. » À Floirac, elle retrouvera Philippe Parès, originaire des Pyrénées-Orientales et sommelier de l’Assemblée nationale : « Évidemment, son métier l’aide beaucoup, sourit Michelle. Sa collection est impressionnante. » Quant à l’avenir de ses dizaines de milliers de petits morceaux de patrimoine, Michelle hésite : « Soit je les vendrai toutes pour mes 70 ans, en février 2014, soit j’en ferai cadeau à la Cité des civilisations du vin. »

Article du journal Sud-ouest du 26 avril 2013, de Xavier Dorsemaine.