Souvenirs de Florimond
En 1905, deux octogénaires de la Palu de Blanquefort, Cadet et Cadiche racontent les travaux auxquels ils ont participé entre 1852 et 1864. Ce recueil parait en 1926 sous le nom de « Souvenirs de Florimond » dialogue en patois. Nous en avons extrait les vers les plus significatifs concernant Parempuyre : quelques-uns en patois nous permettent de savourer la langue parlée naguère encore dans la commune. La traduction est l'œuvre de M. Paul Benaben.
Cadiche : Diss doun Cadet, aban de mouri,
Bos qu'assagen de nous soubéni 7...
A nous aout dus ensémble
Troubren à dide caoucarré, mé sémble
Cadet : O... sustous se pagues une bouteille
D'aquèt boun jus de la treille.
Cadiche : Désempuï mey de soixante ans,
Podes creyre... n'an bis tant et tant,
Dén quet marés de Blanquefort...
Cadet : O... Puï de pu fort en pu fort...
Cadiche : Escoute, per parla de tout
N'en bingren jamès à bout...
Parleran, sebos, de Florimond.
Noste récit s'rataou prou long.
y a doun soixante ans à pu près,
(Nostre jény poudéoue agé chez mès)
Un riche bourgès de Bourdéou
Achetait la propriètat de Jalle...
Cadet : O... Cos adare à Moussu Ranvier
Cadiche : Féniras per m’embrouilla.
Parle ou dèche me parla.
Am heït une éntreprise,
Tachen de la féni...
Se bos, pague une prise...
Lou Domaine de Jalle, t'en soubène bièn,
Comprenéoue, pu bas, toute la métadrie,
Désempuï lou Canard jusques aou Padouèn,
Dèn la palu : barrail Acard...
Cadet : Cadiche, caou mémoire qu'as !
Cadiche : Dis donc Cadet avant de mourir
Veux-tu que l'on essaie de se souvenir
Nous deux ensemble
Nous trouverons à dire quelque chose il me semble.
Cadet : Oui surtout si tu paies une bouteille
De ce bon jus de la treille
Cadiche : Depuis plus de 60 ans
Tu peux croire nous en avons vu tant et tant
Dans ce marais de Blanquefort
Cadet : Oh de plus en plus fort
Cadiche : Écoute pour parler de tout
Nous n'en viendrons jamais à bout
Parlons si tu veux de Florimond
Notre récit sera ainsi assez long
Il y a donc soixante ans à peu près,
(Notre Eugénie pouvant avoir 6 mois)
Un riche bourgeois de Bordeaux
Acheta la propriété de Jalle...
Cadiche : Tu finiras par m'embrouiller
Parle ou laisse-moi parler
Nous faisons une entreprise
Tâchons de la finir
Si tu veux paie une prise
Le Domaine de Jalle, tu t'en souviens bien
Comprenait plus bas toute la métairie
Depuis le Canard jusqu'au Padouèn
Dans la palus barrail Acard...
Cadet : Cadiche, quelle mémoire tu as !
Cadiche : Dans Parempuyre la palu de Valier
Et pour finir le barraiI Moulinier
Ensemble tant bien que mal
Il y avait près de 900 journaux (300 hectares)
Cadet : Oh il faut avouer, pas vrai Cadiche
Que notre grand Régisseur
Franchement a eu du bonheur
De tomber sur un homme riche
Cadiche : Il ne faut pas nous en plaindre Cadet
Nous travaillions à pleine peau
Lorsque nous étions à notre entreprise
Près de la moitié de l'année
Mais lorsque l'on était à la journée
On ne mouilIait pas souvent la chemise
Cadet : Je ne peux me rappeler
Quand ce canal creusé de frais
Fut ouvert pourquoi faire ?
Cadiche : Pour donner de l'eau au Marais !
Souviens t-en pour pêcher les sangsues
Il fallait de l'eau !... puis il fallait des bottes
Qui montaient jusqu'à l’entrecuisse
Jamais l'on n'a vu pareil tableau
De Parempuyre jusqu'à Bordeaux
Mais l'on peut dire en vérité
Dans les marais de Blanquefort
Jamais l'on n'a vu une prospérité
Comme elle étais alors... Cré non d'un sort
C'était un sale métier, mais combien il rapportait !
Cadet : (à part) Oui et surtout les sangsues dérobées
Cadiche : Mais après la fortune, il arriva par malheur
La dégringolade des éleveurs
Maintenant la sangsue se meurt
Nous voilà en 64 !... C'est pas le tout
Se dit-il. Il faut pourtant en venir à bout
En été, l'eau est toujours sale
Il faut élargir cette Jalle
Comme une immense dalle
Et que le mascaret
Entre comme chez lui !...
Allons vite ! à l'ouvrage !...
Faisons du Colmatage
Alors il bâtit le rappel
Des hommes de cinquante deux (1852)
A la pioche, à la pelle
Cadet : Oh... tu sais que pour l'aider
Le Gouvernement fit fermer
Le passe de Grattequinat
Qui nous fallut là traverser.
C'est alors que les moustiques
Manquèrent me dévorer
Malgré les acides phéniques...
Cadiche : Alors sagement tant bien que mal
Ils décidèrent de planter quelques artichauts
Alors !... quel travail ce fût
Tout se couvrait d'artichauts.
Ensuite pour les occuper
Il les mena à Valier pour défoncer
Plus de cent journaux de prés
Pour y semer du blé...
Combien il fallut, Cadet d'ouvriers
Après 2 ans de blé, ils plantèrent tout en vigne
Des rangs d'un kilomètre en ligne
Ils continuèrent à payer
Cadet : En quatre vingt un ils vendirent Valier
Cadiche : Nous n'avons pas parlé du barrail Matha
De la Bécassine, ni du Justin
Ni de Fumeau ni du Baladin
Mais si tu veux, nous allons nous arrêter
Nous en aurions jusqu'à demain
Cadet : Tu as raison... tout à une fin
Vidons ce verre de vin.
Texte extrait : Parempuyre, sa mémoire, ouvrage collectif édité par le Comité d’animation communale de Parempuyre, 1995, p.102-103.