Une vie soumise aux invasions et pillages 

Saint-Aubin n'était desservi que par des mauvais chemins. Cet isolement aurait pu protéger nos ancêtres. Mais les invasions furent tellement nombreuses ! Une multitude de gens se répandaient dans la nature, à pied ou à cheval, et le moindre sentier leur permettait d'aller partout. La proximité de Bordeaux qui attirait envahisseurs ou prédateurs semble bien avoir été défavorable à Saint-Aubin. Car la ville de Bordeaux est pillée et brûlée en 409 par les Vandales auxquels succèdent les Wisigoths. Ces derniers massacrent les populations et ravagent le pays avant de s'y établir pour une centaine d'années. Ils vont s'humaniser, commencer à construire et maintenir une certaine paix, avant d'être chassés par les Francs de Clovis en 507.

Au 5e ou 6e siècle, un terrible cataclysme (un tremblement de terre) ravagea le Médoc. La côte recula de plusieurs lieues. Une ville importante au large de Soulac fut recouverte par les eaux ainsi que la « Lebade », la voie romaine qui y menait. Cordouan fut séparé des terres, des villages, des forêts furent engloutis, des îles se formèrent, d'autres disparurent. Les survivants les moins touchés n'eurent qu'à reconstruire leurs maisons rudimentaires avec les matériaux qu'ils trouvaient sur place... Vers 570, venus d'Espagne, les Vascons, qui devaient donner leur nom à la Gascogne, s'établirent chez nous, remontant jusqu'à la Loire. Ils tinrent le pays jusqu'en 720 environ. Survinrent les Arabes. Ils ravagèrent la Gascogne, détruisant ce qu'ils pouvaient. Leur cavalerie rapide et très mobile leur permettait d'aller partout et de porter la dévastation dans les endroits les plus reculés. En partant se faire battre à Poitiers en 732 par Charles Martel, comme chacun sait, ils nous laissaient un cadeau d'importance, la lèpre. Notre région semble avoir été très touchée par ce fléau puisque, au Moyen-âge, il y avait une léproserie à Castelnau, et peut-être une autre à Saint-Aubin.

Mais leur séjour d'une dizaine d'années ne fut pas complètement négatif puisqu'ils construisirent le premier phare de Cordouan, pour guider les navires apportant le cuir en provenance de Cordoue (selon l'abbé Baurein). On leur attribue également la fondation de Macau et la construction du premier château de Blanquefort (fort de Bianca, la fille d'un prince Maure). Les Francs rétablissent leur autorité, mais les Ducs d'Aquitaine, les nouveaux maîtres, recherchent leur indépendance. Pépin-le-Bref y met bon ordre de 760 à 768 ; puis Charlemagne crée, en 778, le Royaume d'Aquitaine pour son fils Louis-le-Pieux. C'est probablement vers cette période que les villages de Saint-Médard et Saint-Aubin prennent leur identité.

On connaît quelques années d'une paix relative, puis arrivent les gens du Nord, précédés de leur renommée de sauvagerie.

A bord de leurs drakkars, ils remontent la Garonne ainsi que tous les cours d'eau navigables. Ils ont commencé leurs incursions en 844, mais c'est en 848 qu'ils mettent Bordeaux à feu et à sang. Abandonnant leurs vaisseaux pour un temps, ils se répandent dans la campagne, mais on peut espérer que, cette fois, l'éloignement de la rivière et l'isolement ont protégé les Saint-Aubinois de l'époque. Si tel fut le cas, ils ont du apprécier le dicton : Pour vivre heureux, vivons cachés. Mais, peut-être, les Nordiques ont-ils laissé dans la région, des descendants grands et blonds, côtoyant les rejetons petits et bruns qu'avaient laissés les Sarrasins. Des gènes multiples que nous portons en nous, peut-être implantés de gré ou de force !

Texte extrait : Chronique de Saint-Aubin-de-Médoc, René-Pierre Sierra, juin 1995, éditeur mairie de Saint-Aubin-de-Médoc, p 21-23.