La générosité des habitants et leurs engagements sociaux 

Générosité 

Il n'existait ni retraite, ni protection sociale. On comptait beaucoup sur le soutien familial, sur la charité publique organisée en hôpitaux et en hospices, sur les structures que l'Église avait mises en place. À Saint-Aubin, après la Révolution, on constate la préoccupation constante de soulager les misères locales. Lorsqu'en 1836, Marie Meytey lègue cinquante francs pour les pauvres, on partage cette somme entre sept indigents.

Vers 1850, on crée un comité de secours composé de quelques conseillers et du curé. On compte alors huit indigents auxquels on délivre des bons de pain et de lait. À certains, on fait livrer quelques stères de bois pour l'hiver et, si l'indigent, trop malade ou trop vieux, ne peut plus être soigné par sa famille, on l'évacue soit à l'hôpital Saint-André, soit au dépôt de mendicité, mais la commune prend en charge les frais de séjour.

On adopte cette solution le plus rarement et le plus tard possible car, dans le peuple, on est persuadé qu'elle équivaut à une condamnation à mort à brève échéance. Ne parle-t-on pas de ce « bouillon d'onze heures » qu'on administrerait au malade devenu gênant à onze heures pour qu'il soit mort à midi ? Affabulation populaire ? Vérité ? Certains y croient encore très fort.

Plus tard, la commune paya les frais du médecin qu'on pouvait choisir dans un rayon de sept kilomètres et subventionna largement la société de Secours mutuels lors de sa création en 1924. Elle fut la première commune après Bordeaux à remettre un livret de caisse d'épargne aux nouveau-nés en 1910. Il est vrai que, à raison de quatre naissances par an et d’un franc par carnet, cette décision ne risquait guère de ruiner la collectivité.

Le conseil répondait toujours aux appels venant du dehors, surtout pour le principe, car le montant des secours accordés, était toujours très modeste. En 1855, on vote une motion de sympathie et d'admiration en faveur de « nos héroïques soldats et marins de l'armée d'Orient » avec un crédit de 60 F pour le secours aux familles de militaires morts devant l'ennemi. On vote 50 F pour la Guadeloupe en 1866, d'autres crédits pour un monument à Carnot, des secours pour la Martinique lors de l'éruption de la Montagne Pelée.

On veut bien accorder un petit quelque chose pour lutter contre la mortalité infantile, tout en précisant bien qu'il n'y a que très peu de naissances chez nous (donc qu'il n'y a que très peu de décès, donc que le geste est largement altruiste, donc que notre générosité et notre désintéressement méritent remerciements et admiration). Le commentaire entre parenthèses n'entraîne que la responsabilité de l'auteur.

Après avoir approuvé une initiative des écoliers qui envoyaient le produit de leur collecte aux petits Alsaciens en 1918, ils votèrent un peu plus tard cinquante francs pour les petits affamés de Russie. Pendant la Grande Guerre, Mme Chauvet-Legoff offre son château de Caillavet (à l'ouest de la route de Lacanau) pour y créer un hôpital militaire auxiliaire pour 22 soldats convalescents. La commune versera 500 F à l'arrivée du premier convoi, et autant un mois plus tard, mais, sollicité l'année suivante, le conseil refuse bien poliment.

Ce n'est qu'en 1916 qu'on pensera à accorder cinq francs par mois aux mobilisés qui risquent leur vie jour et nuit dans les pires conditions et dont les familles vivent une situation très pénible de privations et d'inquiétudes. Sans condamner personne, on note cependant que le budget présente cette année-là un excédent confortable.

En 1921, nos édiles décident que chaque famille recevant le corps d'un de ses membres tué au front aura droit à une concession gratuite au cimetière. De plus, les frais d'obsèques seront pris en charge par la commune.

Ah, les braves gens, quelle générosité envers ceux qui ont donné leur vie pour eux ! Restent aux veuves et aux orphelins les pleurs et la misère. Au cours de la même séance, on vote une aide pour reconstruire l'Aisne dévastée (200 F par an pendant 30 ans) On en reste coi d'admiration... jusqu'en 1932 où l'on supprime cette allocation en prétextant la crise.

Mais cette année-là encore, si l'on examine le budget, on s'aperçoit qu'il est largement bénéficiaire.

Texte extrait : Chronique de Saint-Aubin-de-Médoc, René-Pierre Sierra, juin 1995, éditeur mairie de Saint-Aubin-de-Médoc, p. 177-180.

Engagement citoyen 

Ils étaient patriotes, excellents français cocardiers, surtout quand on ne faisait pas appel à leur bourse, tellement patriotes qu'ils n'hésitaient pas, à chaque changement de régime, à prêter serment de fidélité le plus solennel aux gouvernements en place. Ils devaient envisager la chose avec une certaine sérénité. D'ailleurs, ne dit-on pas « prêter serment » ?

Chaque année, on désigne les jurés à la cour d'Assises. Un seul accepta. Tous les autres refusèrent sous prétexte de n'avoir pas assez d'instruction pour suivre les débats et surtout « ils ne pourraient abandonner leur terre pour plusieurs jours sans que les intérêts de leur famille en souffrissent un préjudice relativement très considérable, préjudice que rendrait très lourd l'exiguïté de leurs revenus ».

En septembre 1830, on assiste à une belle flambée de patriotisme. Le maire remet le drapeau tricolore à la garde nationale. Tout le monde se rend en cortège à l'église. Le nouveau drapeau est béni par M. Berteau, supérieur des Trappistes, pendant que l'assistance crie : « Vive le Roi, vive la Charte Constitutionnelle, vive la liberté des Français ! » Les vitraux en tremblèrent, paraît-il.

En 1848, le citoyen maire et les citoyens adjoints et conseillers convoquent les 87 citoyens appelés à faire partie de la Garde nationale. On élit les citoyens officiers et sous-officiers.

Quelques années plus tard, les mêmes s'appelleront Monsieur et jureront fidélité à Louis-Napoléon, président de la République, puis à Napoléon III, Empereur des Français.

Quand, en 1880, le Préfet proposa de fêter le 14 Juillet, le conseil approuva en ces termes, non sans avoir donné un petit coup de pied à son ennemi intime, le service des Eaux-et-Forêts : « considérant que le peuple Français doit son affranchissement aux conquêtes de la Révolution dont le 14 Juillet est l'anniversaire et qu'il ne saurait, sans ingratitude pour la mémoire de ses pères, ne pas s'associer à la célébration, considérant que les habitants de Saint-Aubin ont retiré leur part des libertés conquises, le conseil, malgré la pénurie des finances de la commune, due notamment à la résistance de la part de l'administration forestière, vote une somme de 50 F pour frais d'illumination ou autres que l'administration municipale jugera à propos de faire en cette circonstance ».

Trois guerres ont secoué le pays pendant le période que nous étudions. Nous supposons qu'elles ont donné beaucoup de soucis aux Saint-Aubinois. Pourtant, en lisant les comptes-rendus de leurs élus et représentants, il semble que la vie ait continué à l'arrière comme s'il ne se passait rien aux frontières... ou si peu. En attribuant quelques bons de pain aux familles des mobilisés, en leur versant une faible mensualité, en envoyant quelques colis aux prisonniers, en leur octroyant un livret de caisse d'épargne avec 2 000 F en 1944, ils considéraient qu'ils avaient fait leur devoir. En 1870 aussi, ils avaient fait acte de patriotisme en créant une garde nationale qui défila peut-être une fois ou deux, mais, le reste du temps resta chez elle. À la même époque, on versa 3 600 F pour la défense nationale, mais ce ne fut que sur les insistances réitérées du préfet.

Un autre grand moment patriotique fut l'inauguration du monument aux morts. Constatant que les finances sont prospères, on demande un devis à l'architecte Dutasta. Pour 18 000 F, on construit le monument qu'on entoure d'une barrière supportée par huit obus de 270 qui ont été accordés à la commune comme trophées de guerre, gratuitement, à condition de payer les frais de port. Le 2 Juillet 1922, c'est le grand jour de l'inauguration. Il est difficile de résumer l'article de la « Petite Gironde » qui relate l'évènement sur trois colonnes et que le secrétaire eut l'heureuse idée de coller sur le cahier des délibérations.

À l'église, l'abbé Breimann bénit la plaque commémorative des morts de guerre, puis l'abbé Lacaze, ancien « poilu » (qui d'ailleurs avait conservé sa barbe, contrairement à l'usage chez les curés de ce temps-là), monte en chaire et « dans une allocution vibrante de patriotisme, retrace la vie d'héroïsme et de sacrifice vécue par nos soldats ». Pendant la messe, on entendit plusieurs pages de belle musique sacrée avec la participation de la société musicale de Ludon dirigée par M. Carteau, à la baguette « à la fois souple et énergique ».

Ce monument en granit bleu est « par ses lignes et sa simplicité d'un effet très imposant ». Le maire, Henri Langlois, ancien combattant, adresse une vibrante exhortation, puis on procède à l'appel des morts. À chaque nom, les enfants des écoles répondent « Mort au champ d'Honneur » pendant qu'une petite fille dépose un bouquet à chaque appel. On décore M. Caborderie qui a perdu ses trois fils à la guerre. Les enfants chantent et « leurs dernières notes se perdent dans l'espace comme des voix célestes ». Discours émus, fleurs, puis « M. Brannens, de sa voix puissante et chaude... chante avec flamme les sublimes strophes de l'hymne national ». Ensuite, « pour sécher les yeux et dissiper la tristesse, la musique attaque un refrain qui, lui aussi, aura gagné la guerre, et c'est aux accents de la Madelon que se termina la cérémonie ».

Tout finit par un banquet chez Élien Dubourg, l’hôtelier, « banquet parfaitement préparé, arrosé d'excellents crus et impeccablement servi ». Comme il y avait de nombreuses personnalités, dont le secrétaire adjoint du préfet, il y eut de nombreux discours, un toast au président de la République, ainsi qu'un appel vibrant à la natalité. Une journée comme on n’en verra plus à Saint-Aubin !

Texte extrait : Chronique de Saint-Aubin-de-Médoc, René-Pierre Sierra, juin 1995, éditeur mairie de Saint-Aubin-de-Médoc, p.180-185.

Nomination des commissaires 

Le 15 ventôse an 4 (5 mars 1796), nomination pour établir les matrices des rôles. C'est l'administration siégeant à Blanquefort qui nomme tous les commissaires des communes du canton.

Bruges : Jean Davie, Barthélémy Bouey, Martin Clochard, Pierre Eymé, Jacques Eymé,

Saint-Médard : Jean Lestage, Champagne, Jean Montignac, Guillaume Gravey, Pierre Guitard, Étienne Peychaud,

Blanquefort : Bonnard, Tartas, Jamie, Ferri, Souros père et Duportail,

Le Bouscat : François Reyne, Jean Cluzot, Pierre Bert, Jacques Lalanne, et Arnaud Elies,

Le Taillan : Arnaud Lavie, Guillaume Seguin, Yves Serreau, Mathuric Durgeon, Pierre Lumeau,

Eysines : Jeantet, Laneau, François Ponson, Gatineau, Lalumiere fils,

Parempuyre : Jeantet aîné, Jeantet Maurice, Jean Faure, Jean Lespeyres et Ferri père,

Saint-Aubin : les citoyens Jean Arnon, Philippe Dupuy, Jean Duras, Pierre Escarret et François Bonnet.

[NDLR : Le rôle est la liste de contribuables devant acquitter l'impôt sur le revenu. Anciennement, le rôle était présenté sous la forme d'un parchemin que l'on déroulait, d'où l'expression « à tour de rôle ». La matrice des impôts sur le revenu est la liste des contribuables assujettis à l'impôt sur le revenu indiquant les bases d'imposition de chacun d'eux.]

Extrait des délibérations de l'administration du canton de Blanquefort, registre 4, transcrit par Martine Le Barazer.