La poudrerie née sous Louis XIV 

De la poudre noire à canon aux missiles stratégiques des sous-marins nucléaires, ça fait trois cent cinquante ans que la poudrerie ne cesse d'innover.

Trois cent cinquante ans ! Elles ne sont pas nombreuses les entreprises nées sous le règne de Louis XIV, toujours en pleine santé et qui ne cessent de s'affirmer comme des fleurons mondiaux de la technologie. Safran Héraclès en est une.

En 1660, un sieur Jehan Dupérier, poissonnier dit-on de son état, achète des moulins à fouler le linge au cousin de Michel de Montaigne. Ils sont situés sur les bords de jalle, à Saint-Médard. Son intention est d'y produire de la poudre noire à canons et fusils, à partir du mélange de soufre-salpêtre-charbon de bois. L'aventure dure trois ans, jusqu'au jour où « l'industriel » saute avec ses moulins. Louis XIV fait tout reconstruire et naît en 1679 la Poudrerie royale. L'aventure ne s'arrêtera plus.

L'anniversaire 

Fin février 2013. La direction de Safran Herakles réunit salariés, retraités et partenaires pour fêter les 350 ans de celle que l'on nomme toujours familièrement « la poudrerie ». C'est l'occasion pour un comité de poudriers et anciens poudriers, avec le concours de la direction, de réaliser une exposition et un ouvrage rétrospectif de cette exceptionnelle longévité.

Les bouches-à-feu se sont tues depuis longtemps ; les obus de 14-18 et les bombes de 39-45 aussi. Lors de chacun de ces deux conflits, l'effectif de la poudrerie est passé de 1 000 à 18 000 personnes. En 1916, 65 tonnes de poudre en sortent chaque jour. On fera beaucoup moins bien durant la seconde guerre. L'établissement est aux mains des Allemands ; l'effet conjugué de la résistance interne et du bombardement allié du 30 avril 1944 affecte fortement la production.

De Gaulle et le stratégique 

Au début des années 60, le général de Gaulle prône la force stratégique de dissuasion. La poudrerie est dans le coup. Comme elle l'est dans l'aventure spatiale, dès les premières fusées Diamant.

Aujourd'hui, la vieille poudrerie a changé de nom (SME avec Safran Herakles), a un statut privé après des siècles de pouvoir royal puis républicain. Son activité s'est diversifiée vers le civil avec la production d'un demi-milliard (en vingt ans) de déclencheurs d'airbag automobile. Ses charges de propergol ont envoyé 53 fois Ariane 5 dans l'espace, équipent le missile stratégique M51 des sous-marins nucléaires et quantité d'armes tactiques plus légères. Les perspectives d'avenir sont grandes, notamment autour de l'oxygène et de l'hydrogène que peuvent dégager les variantes de propergol.

 

Article du Journal Sud-Ouest, Hervé Pons, 5 mars 2013.