L’aventure de Mademoiselle Rose de Kerckove

Rose de Kerckove est née le 9 juillet 1757 à Cayenne (Guyane), d'une des plus anciennes familles établies dans cette colonie. Agée de 6 ans, en compagnie de sa sœur, elle est envoyée dans un couvent à Bordeaux pour y recevoir « toute l’éducation nécessaire pour en faire un jour des mères de famille instruites et respectables », comme l’explique son père dans un courrier adressé au gouverneur de Cayenne.

En 1775, ayant reçu l’éducation digne de leurs naissances et de la fortune qui les attendaient, les 2 sœurs sont confiées au capitaine sieur Vincent, maître patron du navire l'Équité, avec moultes recommandations.

Le capitaine, homme ardent et grossier, témoigna d'une manière impétueuse et brutale, en particulier à Mademoiselle de Kerckove, l'impression que sa jeunesse et sa beauté avaient faites sur lui.                          

« Ce capitaine oubliant qu’il était chargé d’un dépôt précieux et qu’il lui était recommandé, non seulement par des personnes respectables, mais encore, par les lois les plus saintes et les plus sévères, a osé porter ses attentats jusqu’à vouloir séduite mes filles, et à se faire aider dans ce coupable projet par le nommé Léris, second capitaine à son bord. Les trouvant inaccessibles à toute séduction, il a employé les injures, les insultes, les mauvais traitements, le défaut d’aliments, les arrêts et enfin ce qui est le comble de la noirceur, les menaces de les perdre de réputation à leur arrivée à Cayenne. »

La longueur de la traversée, qui dura cinq mois, ajoutait encore au désagrément d'une pareille situation. Mais le même navire portait plusieurs officiers de la marine française, et, entre autres, Sonnini, qui depuis est devenu l'un des continuateurs de Buffon, avaient observé l'obstination de ses poursuites, prirent les jeunes personnes sous leur protection, et notifièrent au capitaine que sa tête répondrait de son honneur. Cet avertissement fit son effet ; et depuis ce moment Mademoiselle Kerckove n'eut plus à se plaindre des procédés du capitaine. On aime à retrouver, au milieu des mers, loin des habitudes de la société, cette loyauté, cette délicatesse et cette bravoure, caractère de la jeunesse française.

Suite à ce fâcheux incident, M. de Kerckove, père de Thérèse, écrit le 7 janvier 1776 au gouverneur de Cayenne en ces termes : « J’ai l’honneur de présenter à votre tribunal une plainte des plus graves, qui, en m’intéressant, intéresse tous les pères de famille résidant dans cette colonie, et les menaces de l’affliction dont je suis aujourd’hui affligé. Vous êtes le gouverneur de ce pays, et en cette qualité vous êtes le père et le protecteur, comme père vous embrasserez ma cause ; comme protecteur, vous la défendrez et vous la porterez, s’il est nécessaire auprès du trône. »

Mademoiselle de Kerkove épouse, le 23 janvier 1776 soit quinze jours après son arrivée, M. d'Audiffredy, chevalier de Saint-Louis, officier d'infanterie, auquel sa main était promise.

Devenue, par ce mariage, l'une des plus riches propriétaires de Cayenne, ce fut cette dame qui prodigua des soins si généreux et accueillit dans sa maison le général Pichegru, déporté dans cette île par suite de la crise du 18 fructidor de l’an 5.

Sources :

Sources archives nationales d'Outre-mer.
Texte de Catherine Bret-Lépine.

Autres articles concernant cette famille :
           Liens familiaux entre Blanquefort et Cayenne