Florimond
Jusqu’en 1860, l’ile de Grattequina n’était pas rattachée aux palus de Blanquefort.
Sur les cartes cadastrales et d’état-major de Napoléon, datant des années 1806 et 1840, on lit « Ile de Blanquefort ». On y distingue nettement 2 moulins dont un qui se nomme « gratte qui n’a ». A cette époque, les écluses étaient en place et on distingue quelques bâtiments en bord de la jalle et le domaine de Montagne près du Pont des religieuses.
carte état major Napoléon Florimond carte départementale
Dans le passé, « le Palu » comptait quelques habitations près des écluses et de la jalle, une chapelle, la chapelle Saint Jean, un port actif, le port de Trabuchet ! Comme tous les villages de la commune, il y avait un lavoir où tout se disait. Quelques grandes propriétés (Grand Pontac, Bousquet, la Métairie du fond, Montagne) produisaient du vin de palus ainsi qu’une dans l’ile de Blanquefort.
Le phylloxera détruisit cette culture qui fut remplacée par des céréales, du maraichage et de l’élevage de bétail.
Sur le bord des grandes écluses on découvre une ancienne construction qui menace de s’effondrer. Ce fut la maison de l’éclusier. Eh oui ! Autrefois, un éclusier veillait au niveau de l’eau pour réguler les marais en fonction des grandes marées et entretenait jalles et digues. A côté de cette maison une vieille bâtisse subsiste. Selon les caractéristiques de la construction elle semble postérieure à celle des écluses mais tout de même du XIXe siècle. Certainement la même période que celle du village de Florimond, juste plus bas.
Grandes écluses Maison de l’éclusier Constructions groupées
A côté, le bâtiment qui abrite le restaurant « la Bécassine » semble de la même époque que le Grand Pontac. Il y a peu, ce restaurant servait l’eau dans des anciennes bouteilles de lait de la laiterie de Grattequina.
Restaurant « la Becassine » Ferme près de l’écluse Le grand Pontac
Le château de Grattequina fut construit en 1872, puis laissé peu entretenu il se dégradait jusqu’à son rachat et sa restauration pour devenir le grand hôtel de Grattequina. Un moulin fut restauré et transformé en habitation à la même période.
Le village de Florimond doit être de cette époque selon les caractéristiques des constructions. Il a, semble-t-il, pour nom, le prénom d’un ancien propriétaire du domaine.
Selon certaines sources, ce petit village avait son propre lavoir, sa petite chapelle mais il est situé à 7 km du centre de Blanquefort ; les enfants devaient y aller à bicyclette (lire sur ce site « en vélo à l’école » de Yannick Barreau).
Donc le raccordement de l’ile aux palus le village Florimond est l’origine de cette ferme. Les habitants travaillaient dans le domaine avoisinant pour le compte du propriétaire du château de Grattequina.
Puis j’ai renconté M. Jean Louis Macaud et une partie de l’histoire de Florimond m’a été révélée. Jean Louis est aujourd’hui à la retraite et il fut chef d’exploitation de la ferme Florimond. Avant lui son père y travaillait ainsi que son grand père. Sa grand-mère était lingère de M. Lévêque. A l’age de huit ans, il vivait à côté de son grand père et il a bien connu cette propriété qui s’étendait de la Garonne au village de la Rivière. A l’époque, l’école « c’était différent » dit il !
Merci Jean Louis pour m’avoir livré ce vécu avec sympathie et disponibilité.
bureau habitations hangar
Tout d’abord Jean Louis a connu M. Teysonneau en charge de l’entretien des jalles (canard et contre-canard) et ruisseaux de la propriété. M. Teysonneau vivait dans cette maison qui s’effondre près des grandes écluses. Il fauchait à la main et laissait les grands roseaux sur le talus. Déjà à l’époque, les ragondins, bien que moins nombreux, faisaient des dégâts dans la digue et l’entretien des bords était nécessaire pour s’en protéger.
Avec le temps cette technique a changé, un tracteur passait avec un porte-lame pour faucher, puis un second passage remontait l’ensemble sur le haut de la digue. Aujourd’hui, l’industrialisation mécanique de la ferme a profondément modifié ce travail d’entretien.
Jean Louis a vécu dans la ferme comme ses prédécesseurs et successeurs. Cette ferme dépend du château de Grattequina. Autrefois propriété de M. Lévêque elle s’étendait jusqu’à la route de Parempuyre, en haut du quartier de la Rivière. Puis vendue pour partie à M. Hue qui poursuit toujours l’exploitation et pour partie (150 ha) pour réaliser la zone industrielle et des gravières (GSM, Fabrimaco…). M. Lévêque vivait au château avant de partir dans le Nord de la France. Son comptable, M. Cholet, vivait dans la maison à côté (devenue aujourd’hui salle de réunion).
La ferme est composée de part et d’autre de la route à la fois de bâtiments d’habitations et d’exploitations. Ainsi un grand hangar, qui abrite à présent divers matériels et outils fut affecté à une usine de luzerne !
La luzerne montait par un tapis dans un grand tambour qui la séchait, puis elle était broyée en farine pour enfin être compactée en granulés. Ces granulés était mis en sacs (50 kg) pour être vendus aux éleveurs. Des semi-remorques venaient directement à la propriété pour charger et transporter les sacs.
Un éleveur de volaille très connu du secteur réhydratait cette luzerne pour en faire une sorte de bouillie. L’autre grand hangar servait de stockage.
hangar stockage ancienne usine de séchage de luzerne
Ce village a été aussi à côté d’une laiterie « la laiterie de Grattequina ». La laiterie avait ses propres bouteilles en verre « marquées à son nom » et distribuait le lait dans les restaurants, épiceries. La concurrence des grands groupes laitiers l’a stoppée dans son développement. La laiterie fut arrêtée pour se transformer un centre de tri des céréales ! Jean Louis n’a pas connu cette laiterie, elle a cessé son activité environ il y a ½ siècle (finalement c’est peu !). La laiterie a été modifiée pour trier et sécher le maïs. Il y avait 2 séchoirs de 45 tonnes chaque.
Puis le maïs a été stocké à Bassens. Ce bel outil est ainsi devenu une friche industrielle. Un logement a été restauré pour loger un employé qui a en charge les terres du domaine. Un grand projet de redéveloppement est en cours d’élaboration : triage, stockage et séchage des céréales. Le permis est déposé avec pour objectif 2022.
Ancienne laiterie tri du grain
Déjà l’exploitation a réorienté son activité en se convertissant au bio. Le travail de préparation des sols est plus léger « (autrefois je grattais jusqu’à 40 cm ») tout comme l’entretien de plantations (les rendements hectares sont 3 fois moindres). D’ailleurs en travaillant les terres j’ai retrouvé des rails qui partaient des anciens chais de Montagoves (près du pont des Religieuses) jusqu’au bord de la Garonne. Il y avait une sorte de petit port pour livrer les barriques en les faisant rouler jusqu’au bateau. Tout comme j’ai découvert une belle ancre, toujours dans ce coin. J’ai bien connu ce bâtiment délabré et j’ai participé à sa déconstruction. Il en reste un tas de pierre et des traces du chai.
ancienne propriété chais déconstruits
De même que la grande métairie (située près de la Jalle) et la petite métairie ont été déconstruites. Jean Louis ne les a jamais connues. Quelques traces restent sur le terrain (couleur et composition de la terre).
Il ne souvient pas d’élevage de vaches vers le bas des marais mais plutôt ver le haut. En bas, vers la Garonne, il se souvient de M. Paviaud, artichautier. Les artichauts de Macau s’étendaient le long de la Garonne avec quelques terres de pommes de terre.
Sur le chemin de Labarde d’autre bâtiments en pierre existent toujours. Un propriétaire m’a indiqué les avoir achetés au port autonome. La belle demeure mitoyenne appartient toujours au domaine maritime et les habitants y sont locataires.
ferme constructions sur chemin de Labarde
Dans les terres en face de sa maison un chai a été démoli. Un « tas de pierres » dans les terres rappelle qu’il y eut en cet endroit une construction.
Texte et photos de Pierre-Alain Leouffre.