Exemples de toponymie

Domaine de Mongireau : les noms d’oiseaux

Sur un dessin sous vitre, assez sombre, conservé au domaine, sans date, ni auteur, avec la seule mention : échelle 1 à 1000, on observe les noms de 16 parcelles de vigne, notées ainsi, du nord au sud !

La tourtel (la tourterelle),
Le tit (le moineau),
Le roupie (le rouge-gorge),
L’hirounde (l’hirondelle),
Le pinsan (le pinson),
Le creck (le passereau),
Le perlinquet,
Le merle (le merle),
La margasse (la pie griège),
L’esparbey (l’épervier),
La couturse,
La tride (la grive),
La coudeite (la bergeronnette ou le hoche-queue),
Le cardounet (le chardonneret),
La batane,
L’agasse (la pie).

Est-ce la fantaisie d’un propriétaire, dont on ignore le nom et l’époque, ou est-ce une pratique courante que de baptiser des parcelles de vigne de noms personnalisés comme ici à Mongireau ? Entre parenthèses, figure le nom plus connu que nous avons rajouté, sauf pour les trois inconnus ; peut-être les reconnaissez-vous ? (Merci de nous le signaler). En tout cas, ce sont des espèces avicoles locales qui fréquentent les humains ; sans doute étaient-ils nombreux dans la garenne proche du domaine ou dans les environs boisés de cette partie haute de la commune ?

Sur la même carte, figurent les indications suivantes qui concernent la voirie, avec les noms des chemins qui entourent et desservent la propriété : au nord, le chemin vicinal de Lagorce à Blanquefort ; à l’ouest : le chemin rural limitrophe du Taillan ; à l’est : chemin rural de Peyrestruc, et au nord de celui-ci le chemin de Breillan = actuelle rue du Cardinal Lecot ; au sud : chemin rural dit des Agasseys et proche du chemin rural de Peyrestruc, l’allée de la moulinasse et le chemin rural de Grattecap.

La garenne est notée au nord, et du côté de la cour intérieure, sont indiqués à l’est le jardin potager et le jardin anglais. Sur la grille du perron, côté est, 2 lettres entrelacées : JF : Jean Fabre, propriétaire de 1810 à 1813.

Ahah ou Haha

Le Ah-Ah, bras de la Jalle, ceinture en partie le parc de Majolan de Blanquefort. Cette appellation vient d'une « astuce » architecturale qui permet, tout en respectant les limites des propriétés, d'élargir au maximum les points de vue et perspectives.

Ahah : définition : quelle curieuse interjection et pourtant… Elle existe depuis le XVIIIe siècle et désigne un événement dans un jardin qui provoque la surprise, d'où l'exclamation : ohoh, ou ahah... Il s'agit en réalité d'un artifice visuel, d'un fossé creusé entre le jardin et le paysage alentour. Destiné à empêcher le bétail de franchir la limite séparant les prairies du parc ou de la pelouse, il n'empêche pas le regard d'embrasser le paysage, il n'y a alors plus de coupure entre le jardin lieu privé et le paysage espace public. Trop de jardins aujourd'hui sont coupés visuellement par des haies épaisses ou pire par des murs... Ce sont les visiteurs du jardin qui, surpris par ce fossé non visible de la maison, s'exprimaient en cette interjection : ahah devenue un terme du paysagisme (parfois orthographié haha).

Autre définition : Ha-ha : saut de loup, fossé à l'extrémité d'une allée d'un jardin pour en défendre l'entrée sans gêner la vue.  

« S'il faut en croire Horace Walpole, amateur averti et auteur d'un essai sur l'art du jardin, les premiers agents du changement furent les « architectes-jardiniers » Charles Bridgeman et William Kent : le premier parce qu'il bannit des jardins la sculpture sur arbres et la symétrie absolue qui gouvernait l'espace ; le second, surtout, parce qu'il inventa, ou du moins fut, semble-t-il, le premier à utiliser le haha ! Les clôtures des jardins anciens, les murs ou haies vives qui séparaient les propriétés les unes des autres, réduisaient l'espace, interdisaient les vastes perspectives, enfermaient les propriétaires dans leurs terres. Les fossés que leur substitua Kent présentaient l'avantage pratique de tenir le bétail à distance, et celui, essentiel, d'ouvrir le paysage sur l'horizon. Le promeneur, parvenu à la limite extrême de la propriété, mais dont le regard allait bien au-delà, ne pouvait, semble-t-il, s'empêcher d'émettre une exclamation de surprise incrédule, et Ha ! Ha ! fut dans toutes les bouches. Kent, conclut Walpole, sauta l'obstacle des clôtures et comprit que la nature tout entière était jardin ». (Wikipedia.)

Saut-de-loup : nom masculin singulier, c'est un fossé profond creusé à l'ouverture d'une clôture, d'un mur pour interdire l'entrée aux animaux (assez large pour qu'on ne puisse pas le sauter...) Il s'agit d'un fossé séparant la cour principale et le reste du parc.
Pour d'autres, le saut-de-loup est un balcon placé dans un jardin en surplomb d'un ravin ou encore une échappée visuelle permettant une vue sur le paysage, à travers une haie ou une clôture.

Le mot « saut-de-loup » a deux significations en architecture : une ouverture placée au ras du sol, permettant à la lumière naturelle, d'éclairer un sous-sol, ou bien un fossé que l'on fait au bout d'une allée, à l'extrémité d'un parc ou d'un jardin, pour en défendre l'entrée sans borner la vue. N’oublions pas d’entretenir ce bras de la Jalle qui protège le parc de Majolan.

Le toponyme Taste Claouey

Taste Claouey est le nom d’une terre située sur le côté nord de l’avenue de la salle de Breillan, en bordure est du château de Breillan, à Blanquefort en Gironde (cf. cadastre et actes de notaire).

Ce terrain « Taste de Clouey » figure au cadastre de Blanquefort le 24 janvier 1974 (lors d’un acte de donation chez M° Bugeaud) dans la section A n°595. Sur d’autres actes (partage de 1856 et apport en 1877 de Catherine Cornet), le nom est écrit : Taste Clavey.

Ce nom double est surprenant, surtout quand il est écrit : Taste de Claouey.

À Blanquefort, cette terre est située sur la partie haute de la commune et dans une zone encore boisée en partie, certainement plus autrefois.

En reprenant plusieurs hypothèses de spécialistes du gascon, le plus vraisemblable est que Taste Claouey signifie « hauteur, colline, butte, du nommé Claouey lequel est soit cloutier, soit clavier ». Nous retenons la proposition de Jean-Paul Casse.  

Frontière linguistique 

Notre commune a connu une longue histoire et son territoire est le témoin d’une lente transformation due aux hommes qui y ont vécu.

Les toponymes, noms des lieux, sont les traces laissées par nos ancêtres ; ils ont un sens, donnent des indications, sont le résultat de longues observations liées à la nature et à la vie quotidienne. Ils méritent d’être conservés et respectés, en particulier leur écriture et leur prononciation.

Or, aujourd’hui à Blanquefort, existe une véritable frontière dans la prononciation de certains noms : par exemple, au sein du comité d’usagers du vélo, lors des repérages de futures pistes cyclables et au sujet des lieux-dits, on entend aussi bien :

La Renney (son « eil ») ou la Renney (son « é »),
Canteret (son « et ») ou (é),
Peybois (peil) ou (pé),
Galochet (et) ou (é)

Rappelons que les Parisiens disent « Blaie » et non pas « Blaye ».

À Blanquefort, il me semble que nous devrions respecter la prononciation gasconne des noms de la terre et donc celle des 80 lieux-dits qui figurent sur le plan actuel de la ville.

Dans les cas suivants, le « ey » doit se prononcer « eil » : Bigney - Gabarreyre - Peyrestruc - Peyseurin - Queyrac - Queyron - Soutey -Taste-Claouey – Trembley – Vivey,
                                 ainsi que le « et » qui doit se prononcer « et » (on entend le t), et non « é » : Carpinet - Trabuchet

Un cas mérite une attention particulière :

Caychac (Cachac) ou (Caichac) : à ce sujet, Thierry Cahuzac avance l’hypothèse d’après Olivier Sirgue, spécialiste de l’occitan bordelais, que nous serions sur le secteur intermédiaire entre le Médoc où le i ne se prononce pas (Cachac) et le Bordelais où il se prononce (« Queillchac »). Notons cependant que les Anciens prononcent toujours Cachac, tel qu’il est écrit sur de nombreuses cartes.

Rappelons les variations au cours de l’histoire : à partir du latin (domaine de) « Cassius », Cayssac en 1367, Quissac en 1524, Queyschac en 1548, Queyssac en 1696, puis Cachac de 1843 à 1958, date du passage à Caychac (apparemment à l’initiative d’une association qui voulait que Cachac devienne une commune indépendante).

Apparemment, nul ne sait exactement ce qui s’est passé. La question est ouverte…

Des exceptions pourtant : on dit communément Fongravey (son é) (Est-ce que c’est parce que Fongravey est écrit Fongravet sur la carte de 1950 ? : erreur de transcription probable) ou Cournalet (son é), mais dans ces deux cas aussi, le gascon devrait favoriser le « et » (on entend le t). Cholet (é) est un nom de personne.

Que faudrait-il faire pour unifier la prononciation de ces vieux mots du terroir que l’on massacre sans scrupule ?

Massard est indiqué sur la carte de Cassini au XVIIIe siècle au nord de Breillan, assez proche et la métairie de Jacques est à l’ouest de Breillan.

Textes d’Henri Bret.