Les puits à Blanquefort
Pratiquement, chaque maison avait son puits, mais parfois on trouvait aussi des puits mitoyens, partagés entre deux maisons, ou encore des puits de quartier accessibles à plusieurs familles.
Les droits de puisage dans cette circonstance étaient réglementés ou en tout cas soumis à des règles d’usage, en particulier des droits de passage. Les puits mitoyens attestaient le plus souvent des partages de lots entre héritiers d’une même demeure ; on partageait la maison et aussi le puits. L’urbanisation et « l’eau de la ville » ont détruit de nombreux puits, sans parler de l’oubli...
Quelques puits subsistent encore dans la commune.
Puits de Solesse
Voici un texte de Mme Demonti, qui rappelle l’importance des puits autrefois : « Je vais essayer de vous décrire la commune de Blanquefort en 1939. Je commencerai tout d’abord par le charmant village de Solesse où j’ai habité pendant plusieurs années. C’était un petit village d’une quinzaine de maisons habitées par des gens plutôt d’un certain âge. La vie s’y déroulait paisiblement. Pourtant, on ne peut pas dire que les gens s’entendaient très bien entre eux. C’était surtout par rapport à l’eau.
Comme dans bien des endroits avant la guerre, il n’y avait pas d’eau courante et il n’y avait qu’un seul puits sur la place du village. Or ce puits était très profond. Et lorsqu’arrivaient les mois d’été, bien souvent il se trouvait plutôt à sec. Or, l’eau était indispensable à la vie de tout un chacun, elle servait aussi bien pour faire le manger, pour la toilette, arroser le jardin, faire la lessive, chacun des habitants avait sa corde à lui.
C’était souvent les hommes qui l’amenaient sur l’épaule afin de puiser l’eau, mais il arrivait que ce soit aussi des femmes, portant un seau de chaque côté. Il y en avait qui habitaient assez loin de ce puits, notamment la famille Dugrava. Alors, pour compenser ce manque d’eau durant les mois d’été et même souvent pendant les autres saisons car c’était assez pénible, à chaque maison en principe au coin où il y avait la dalle qui descendait des toits, il y avait de vieilles barriques ou de vieux fûts en fer et l’on récupérait ainsi l’eau qui s’écoulait des toitures et qui servait surtout à arroser les jardins. Mais dès que l’eau commençait à se faire assez rare, il y avait des hommes qui descendaient avec des brouettes et des récipients à la Jalle qui se trouvait en bas d’une descente assez rude surtout pour la remonter. »
Puits commun de Galochet
Par donation anticipée de leurs grands-parents du 24 janvier 1924, Céline Cornet, cultivatrice (1859-1942, 83 ans), épouse de Bret Jean dit Justin, cultivateur, (1858-1929, 71 ans) et Cornet Pierre, frère de Céline, époux de Madeleine Lassalle que nous appelions tante Madeleine, devinrent propriétaires de la maison de famille de Galochet et des terres attenantes.
Les deux parts étaient peu ou prou de même importance et le bâti comportait deux appartements distincts, d'apparence similaire. Sur le devant au midi, les deux jardins étaient séparés par une clôture grillagée comportant, à égale distance, entre les maisons et la route, un petit portail en bois. Les terres côté nord étaient séparées par une petite allée commune afin de permettre le passage d'une brouette et autres outils nécessaires à l'entretien des lieux.
Apparemment, il n'y avait donc aucun problème et chacun des deux ménages semblait satisfait. Pourtant, les choses se gâtèrent dès la mort de Pierre, le frère de Céline, pour s'aggraver encore davantage après le décès en 1942 de Justin, le mari de Céline, laissant côte à côte mais aussi face à face les deux belles-sœurs Céline et Madeleine, qui dispute après dispute, pour tout et pour rien, se brouillèrent définitivement et ne se réconcilièrent jamais.
Le motif de cette discorde : le puits commun. En effet, il n'y avait évidemment qu'un seul puits sur l'ensemble de la propriété avant partage et, après ce dernier, le fameux puits se trouvait dans la partie attribuée à Céline, mais, lors de la donation, il avait été convenu que Pierre son frère et bien sûr son épouse Madeleine auraient droit de puisage.
Pour ce faire, ils pourraient, au-delà du portail mitoyen, emprunter les allées et une partie de la cour de Céline pour accéder au puits, c'est-à-dire passer sur le territoire de grand-mère et, circonstance aggravante, devant sa porte d'entrée et ses fenêtres de chambre.
De plus, le puits ne comportait qu'une seule installation pour descendre le saut ou l'arrosoir jusqu'à l’eau en utilisant le poteau en bois, la poulie et la chaîne, propriété de Céline.
Pour arranger le tout, le portail était habituellement tenu fermé par une chaîne et un cadenas dont seule tante Madeleine détenait la clé, ce qui revenait à dire que l'une pouvait à tout instant pénétrer sur la propriété de l'autre mais que l'autre ne pouvait bénéficier du même avantage, ne serait-ce que pour aller récupérer tel ou tel objet qui aurait pu franchir la clôture mitoyenne.
Toutes les conditions d'un conflit sans issue étaient donc réunies d'autant plus qu'entre-temps les deux femmes s'étaient vivement opposées au sujet de l'utilisation et de l'entretien de l’allée séparant au nord les deux jardins, l'une accusant l'autre et vice versa de venir piétiner sa terre et même d'avoir déplacé les piquets en bois d'acacia servant de repères.
Je n'entrerai pas dans le détail des échanges verbaux auxquels j'ai pu assister ni de tous les reproches que chacune adressait à l'autre.
Tante Madeleine, en la circonstance, était, à mon avis, beaucoup plus agressive et cinglante que Grand-mère qui, en réalité, n'était pas particulièrement à l'aise dans ce genre d'échange et n'était surtout pas méchante.
Mon père Joseph, à la demande de son épouse Madeleine, fille de Céline, tenta une médiation qui bien évidemment, n'aboutit pas et tout se termina devant la justice de paix en mairie de Blanquefort. Le juge, après avoir entendu toutes explications utiles, décida, dans sa grande sagesse, que tante Madeleine devait conserver l'accès au puits, lui demanda d'adopter désormais une attitude moins provocatrice et exigea que soit installé, à ses frais, à même le puits et face à l'existant, un second poteau avec poulie réservé à l'usage exclusif de la chère belle-sœur de Céline.
Ce jugement n'arrangea nullement les choses, la brouille continua ainsi que les échanges aigres-doux et, finalement, après que la tante Madeleine eut décidé, en raison de son âge, d'aller habiter chez sa fille au Vigean, elle espaça de plus en plus ses visites à Blanquefort pour, un jour, ne plus y revenir du tout. Son gendre, Raymond Claverie, y vint encore quelques années ramasser à la saison les fruits du verger mais c'était un homme affable et de consensus ; Céline retrouva enfin toute sa sérénité et personne ne parla plus ni du droit de puisage ni d'allée mitoyenne... Ouf !
Pierrot Delhomme, La descendance de Justin Bret et de Céline Cornet, 2002.
Autres puits existants de nos jours
Allée de Carpinet
Mongireau Rue Gabriel Lamboley
Rue François Ransinangue La Véga Rue Louis Pasteur Rue de Maurian
Rue Edmond Blanc à Caychac Château Maurian
Passage à niveau N° 14 Rue Louis Pasteur Rue Saint-Ahon