Les bunkers de Blanquefort
Blanquefort est une des plus importantes positions autour de Bordeaux en nombre de bunkers, avec Gradignan, qui a pour mission de surveiller et de bloquer la progression d’un assaillant vers le port de Bordeaux par :
- une des voies d’accès vers Bordeaux : la route du Médoc en provenance du Verdon-Soulac,
- la voie ferrée Le Verdon-Bordeaux,
- et la Garonne.
Le Mur de l’Atlantique
L’organisation Todt (OT), fondée en tant que telle en 1938, est à l’origine du Mur de l’Atlantique. Il s’agit d’un organisme du génie civil œuvrant au service du troisième Reich nazi dans l’ensemble des territoires occupés pendant la Seconde Guerre mondiale. Au départ ce sont les travailleurs allemands qui réalisent les travaux nécessaires au Reich. A partir de 1942, l’OT est rattachée au ministère de l’armement et de la production de guerre, et ce sont majoritairement des prisonniers de guerre et des ouvriers civils recrutés sur place qui prennent le relais.
L’OT utilise un canevas de fortifications types qui sont adaptées au terrain utilisé.
Les mêmes bâtiments sont construits par les ouvriers avec de très rares différences selon les sites de construction.
Blanquefort
Sur la commune de Blanquefort ont été construits :
- dix bunkers normalisés (correspondants à des plans type),
- au moins trois puits à câbles « Kabel Brunnen » ou chambres de coupure ,
- un bunker de stockage au château Dehez pouvant recevoir munitions, vivres ou matériel divers,
- et un bunker de protection contre les raids aériens « luftschuz » au château Dehez.
Toutes les constructions sont codifiées, les plus courantes du Mur de l’Atlantique correspondent aux séries 500, 600 et 700. À Blanquefort seuls 5 types de constructions sont présents parmi les centaines de disponibles :
- R604 : abri pour canon avec un local pour 10 personnes, au nombre de trois, dont au moins un possédait 2 plateformes pour canons
- R608 : abri pour poste de commandement, 1 seul rue du château d’eau pour les officiers qui logeaient au château Dulamon et dans ses dépendances,
- R621 : abri pour un groupe de combat de 10 personnes, au nombre de deux,
- R622 : abri pour deux groupes de combat soit 20 personnes, au nombre de deux,
- R627 : observatoire d’artillerie, au nombre de deux.
Auxquels il faut ajouter au moins 3 chambres de coupure, qui servent à relier, par des lignes téléphoniques, les bunkers d’une même position et assurent la liaison avec « l’arrière ».
D’autres bunkers étaient prévus mais n’ont pas été construits :
- deux R621 et un R627 autour du bourg de Blanquefort,
- un R630 casemate pour mitrailleuse et deux R677 casemate pour canon anti-char en bord de Garonne.
A notre connaissance, les bunkers n’ont jamais servi, il n’y a pas eu de combat à Blanquefort.
Les bunkers se situent au nord sur les avenues du général de Gaulle et du 11 novembre, à l’ouest sur les avenues de l’Europe et du 8 mai, et à l’est près de la gare de chemin de fer
Carte des bunkers à Blanquefort
Construction
Ils ont tous été construits en 1943, comme l’atteste la date peinte au pochoir à l’entrée des bunkers.
R608 R622 R627
Au-dessus de l’année de livraison du bunker, 1943, sont présents :
- « 2 » qui représente le numéro de la position de Blanquefort dans le dispositif de défense de Bordeaux,
- « 16, 05 et 25 » qui représentent le numéro du bunker dans la position de Blanquefort.
Les plans sont standard, les coffrages en bois sont utilisés d’un bunker à l’autre de même type. Pour l’essentiel la main d’œuvre est française, des blanquefortais ont été réquisitionnés, nous n’en connaissons pas le nombre.
De 6 à 8 semaines suffisent pour la construction d’un bunker R622, plusieurs tonnes de béton et de fer sont nécessaires. Un bunker R622 c’est :
- 1300 m3 de terrassement,
- 650 m3 de béton,
- 30 tonnes de fer rond et
- 3,8 tonnes de fer profilé.
Les dalles de toits et les murs extérieurs ont 2 mètres d’épaisseur, parfois 3 mètres.
Plan d'un R622 abri pour 2 groupes de combat soit 20 personnes
Le R622 comporte deux entrées/sorties.
Le tobrouk (ringstand) est indépendant du reste du bunker, il n'est relié à l'intérieur du bloc que par un hygiaphone et un fourreau passe câble téléphonique.
Plan d’un R608 abri pour poste de commandement
Le R608 comporte deux entrées/sorties.
Caponnière de défense rapprochée : nom de la pièce en flanquement à partir de laquelle un soldat peut défendre l'entrée du bunker contre de potentiels assaillants
Plan d'un R627 observatoire d’artillerie avec toit blindé et meurtrière de visée
Equipement
À Blanquefort, les bunkers sont souvent équipés d’un puits, soit interne (pour deux R621, un R627, un R604), soit externe (pour deux R604, deux R622, un R608), soit externe dans un bloc puits accolé au bunker principal (pour un R627).
Tous sont équipés :
- d’un système de ventilation : l’air extérieur était filtré et acheminé dans les différentes pièces, les soldats étaient protégés des gaz toxiques par la surpression de l’air intérieur. Une valve de surpression s’ouvrait automatiquement quand la pression d’air était trop élevée.
- et d’un chauffage par poêle ou par chaudière/radiateurs.
Mobilier
Le mobilier est composé de tables fixes ou pliantes, tabourets de travail, chaises fixes ou pliantes, poubelles, lits en bois de 1,90 de long pour 0,75 de large.
L’éclairage est fait par des appliques ou plafonniers dont le verre est protégé par une grille en fer.
Fermeture des bunkers
La fermeture du bunker est assurée :
- en premier par une grille, souvent de type 491P2, de 35 kg,
- puis par une porte blindée à 2 vantaux superposés, la plus utilisée sur le Mur de l’Atlantique étant de type 434P01, pesant 640 kg et ayant 3 cm d’épaisseur,
- et enfin une porte légère anti gaz, de type 19P7, de 185 kg.
Les bunkers devaient rester invisibles masqués par de la terre, par des filets de camouflage ou peints.
Plateforme d’observation
Les Allemands ont aussi mis en place, en fonction des lieux occupés, des plateformes d’observation sur les toits des bâtisses sur lesquelles se relayaient des soldats pour surveiller d’éventuelles arrivées d’avions, à l’aide de jumelles à main ou sur trépied. C’était le cas au château Dulamon occupé par la Luftwaffe (force aérienne allemande).
Photo extraite du livre « Années sombres à Blanquefort et dans ses environs 1939-1945 » page 110
Aujourd’hui
De nos jours il ne reste à Blanquefort que neuf bunkers normalisés, après la destruction du bunker de la rue du château d’eau :
- trois sont sous une butte de terre avenue de l’Europe, Gilamon et au château Dillon pour éviter toute intrusion et occupation.
- un a servi de salle de répétition de groupes de rock actuellement condamné pour des raisons de sécurité et
- cinq bunkers sont sur des terrains privés, les propriétaires les utilisent comme cave, lieux de stockage, …, ils n’ont aucune obligation de sauvegarde.
Les bunkers du Dehez, de stockage et de protection contre les raids aériens, existent toujours, l’un est un lieu de mémoire commémorant les commandos britanniques de l’opération Frankton.
Concernant les puits à câbles, l’un a été complétement démoli, un 2e a été arasé sur environ 1 mètre et le 3e à Fongravey, seul le massif supérieur a été arasé.
R608 de la rue du château d'eau lors de sa démolition en octobre 2001
Deux des bunkers encore existants
Ecriture collaborative Jean-François Laquièze et Martine Le Barazer.
Il est possible de visiter des bunkers, notamment secteur d’Arcachon, en s’adressant au Gramasa (Groupe de recherche archéologique sur le Mur de l’Atlantique) dont les objectifs sont d’étudier, préserver, informer, valoriser…
site : www.gramasa.fr - courriel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.