Château du Luc, Dulamon
Le château Dulamon est situé à l'entrée de Blanquefort, en venant de Bordeaux, sur la gauche, au sommet d'une petite éminence. Il est en partie caché à la vue par de grands arbres ; il faut deviner les murs et les toits à partir de certains points de la route. Les textes de Bertrand Charneau et Guy Dabadie nous éclairent sur la vie de ce château au cours des siècles.
Historique et description du château
A- Édifices antérieurs
Nous n'avons pas trouvé de représentations d'un état ancien du château ; cependant É. Guillon le décrit comme : « un corps de logis rectangulaire avec trois pavillons couverts de tuiles plates ». Un acte de 1766 n'ajoute à cette description que le fait qu'à l'époque, les trois pavillons sont couverts d'ardoises. (AD.33 13251)
B- Origines du domaine
Le château Dulamon n'est appelé ainsi que depuis quelques années. Le nom ancien était « château du Luc » et aussi « la Taula du Luc ». A. Nicolaï explique que les châteaux féodaux pouvaient porter le nom gascon de Taule, du latin « tabula » la table, synonyme de tribunal, juridiction. Le dictionnaire du Béarnais et du Gascon signale que « luc » est un bois ou un bocage. Une reconnaissance féodale de 1427 mentionne que Jehan de Lalande est seigneur de la Taule du Luc, paroisse d'Eysines. M. Paul Roudié rapporte, dans « L'activité artistique à Bordeaux de 1453 à 1550 », que : « Jean Dubernet, marchand et bourgeois, fit construire en 1537 à la maison noble de la Taule du Luc à Eysines, un corps de logis et des dépendances ».
De plus, le répertoire des Terriers note pour la seigneurie de la Plane à Eysines, les extraits de reconnaissances de cette seigneurie en faveur de messire Dubernet, seigneur de la Taule du Luc (1556-1559), et Gratian Mullet seigneur de la Plane et la Taule du Luc (1603). (AD.33 Répertoire des terriers (1875, t1 437).
Aucun acte n'évoque Blanquefort ; pourtant l'abbé Baurein est certain que la maison noble du Luc à Blanquefort appartenait aux seigneurs de Lalande, ainsi que la Taüla du Luc de la paroisse d'Eysines. É. Guillon cite les affirmations de l'abbé Baurein, mais ajoute à la confusion des origines, en retraçant l’histoire du château de la Plane à Eysines qu'il dit anciennement appelé la Taule du Luc et au XVe siècle appartenant aux seigneurs de Lalande. La carte de Belleyme montre la proximité de tous ces lieux. Il est intéressant de constater que les voies routières actuelles suivent le tracé des voies du XVIIIe siècle qui desservent Eysines, le Taillan, Blanquefort, pour aller vers le Médoc. De même, les jalles qui partent de l'ouest et viennent se jeter dans la Garonne, marquent encore à peu près les limites des communes. Ainsi, cette carte de Guyenne au XVIIIe siècle, établit que la route de Bordeaux vers le Médoc passe par le lieu-dit « la Taule du Luc », situé près de l'église d'Eysines. Vers le sud, une route mène au village de Lescombes et à la seigneurie de la Plane matérialisée par le signe indiquant un château. Vers le nord, deux jalles pouvaient comme aujourd'hui marquer la séparation entre la commune d'Eysines et celle de Blanquefort.
Sur la carte, apparait le signe marquant l'emplacement d'un château entouré d'un grand domaine nommé le Luc. Pierre Meller note « pour servir à l'histoire de la famille de Pontac » que : « Léon de Pontac seigneur du Luc, baptisé en 1656, rend hommage au roi en 1697 pour la maison noble du Luc ». Mais l'acte notarié le plus ancien que nous avons trouvé concernant la maison noble du Luc, date du 28 février 1738 et informe que : « Jean-Baptiste Lecomte, châtelain de Saint-Médard et de Lisle Saint-Georges, baron de Beautiran, seigneur de la maison noble du Luc, en sa qualité de seigneur et propriétaire de la maison noble du Luc, appartenances et dépendances, a vendu à Claude Ange Marraquier conseiller du Roy en la cour des Aides, la directité noble, rente foncière et directe sur tous les biens que le seigneur Marraquier possède à Blanquefort et au Pian ». (AD.33 3E 10841).
En 1744, Jean-Baptiste Lecomte vend au même Marraquier la directité noble, le droit de lods et vente... etc. pour la seigneurie de la maison noble du Luc. (AD.33 Fonds Ferradou 17807).
L'ambiguïté de l'appellation du château réapparaît dans un acte de 1758, par lequel Louis de Verthamon, chevalier, conseiller du Roi, vend à Christophe Gernon, négociant : « toute icelle maison noble et Taula Duluc » située en la paroisse de Blanquefort, pour
Cet acte rapporte également que messire Léon de Pontac, capitaine aux gardes et seigneur de la maison noble et Taula Duluc, a déposé devant le trésorier de France au bureau du domaine du Roi à Bordeaux, un dénombrement des biens contenus dans le château, vérifié le 5 mai 1700. (AD.33 3E 13243). Christophe Gernon ne reste propriétaire que huit années ; en août 1766, il vend le domaine à Julien-Gabriel de Flavigny, chevalier mousquetaire du Roi. Pour la prise de possession réelle, ancien et nouveau propriétaires se rendent sur les terres et visitent les différents bâtiments : le château, mais aussi le moulin du Gua, la maison de Pey-Astruc et une métairie. (AD.33 3E 13251)
Avec la vente certifiée par les minutes de maître Guy le 27 mai 1773, le domaine du « Luc » va prendre le nom du nouvel acquéreur : Philippe Dulamon. (AD.33 3E 13258). Vendu, puis passé en héritage, le vieux château finit son existence dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Joseph Prom, riche négociant, l’achète en 1862 et le fait démolir quelques années après. L'architecte Jean-Baptiste Lafargue est choisi pour donner les plans d'une nouvelle demeure, qui est construite en 1865. La fille de J. Prom hérite du domaine à la mort de son père en 1871 ; elle est l'épouse de Jean-Gustave Piganeau, banquier. G. Piganeau est le frère d’André Piganeau, alors propriétaire du château Bourran construit par Lafargue à Mérignac. Les boiseries et la décoration intérieure du château Dulamon, dans son ensemble, auraient été installées lorsque G. Piganeau était propriétaire. Il en est de même pour le parc de Majolan aménagé au flanc de la colline face au château.
Description
Situation et composition : à l'entrée de Blanquefort vers le sud par la route de Pauillac, le domaine s'étend à gauche depuis le bas du coteau jusqu'au sommet dominé par le château. Le plus imposant château de la commune se compose de différents corps de logis disposés symétriquement de part et d'autre d'un pavillon central.
Matériaux et leur mise en œuvre : pierres de taille pour les murs et ardoises pour les toitures.
Le château
A- Parti général : un pavillon central en avancée sur la façade antérieure domine deux ailes de plan rectangulaire, flanquées de deux pavillons en retour d'équerre sur les deux façades.
B- Elévations extérieures
La façade antérieure est orientée vers le nord ; elle s'élève sur trois niveaux comprenant un étage de combles. Le pavillon central reçoit l'entrée principale entre deux colonnes qui soutiennent un balcon. À ces colonnes répondent au deuxième niveau, des pilastres de chaque côté d'une large baie en anse de panier. Ces ordres superposés sont repris aux angles où deux pilastres cannelés, jumelés au deuxième niveau, correspondent avec deux pilastres plats jumelés au deuxième niveau aussi. Le deuxième niveau est surmonté d'une balustrade qui règne devant la haute lucarne au niveau des combles.
Les ailes comportent trois travées, chacune comprenant au premier niveau une baie large en anse de panier surmontée d'un fronton cintré. Un garde-corps à balustres sert d'appui. Au deuxième niveau, une fenêtre, inscrite dans un chambranle mouluré, est bordée de deux pilastres. Chaque travée est couronnée par une lucarne cintrée pour les travées latérales, et rectangulaire pour la travée centrale. Les pleins du mur sont animés par un décor de trumeaux.
Les pavillons latéraux : un premier niveau est orné d'un décor de bossage continu, renforcé aux angles par des chaînes formant pilastres. La face nord est percée de deux baies jumelées de forme rectangulaire, tandis qu'au deuxième niveau les baies jumelées sont cintrées. Au niveau des combles, la lucarne précise un axe vertical amorti par des pots à feux.
Sur la face intérieure du pavillon, une petite construction occupe l’angle. Cette construction abrite le départ d’un escalier qui descend au sous-sol, et en même temps reçoit la rampe sculptée des quelques degrés qui permettent d'accéder à la porte du pavillon.
Façade postérieure : sur cette façade, le pavillon central est sur le même alignement que les ailes, les pavillons latéraux sont moins saillants que sur l’autre façade. Un porche accessible par une rampe de quelques marches, précède l’entrée sur le pavillon central. Ce porche est soutenu par deux colonnes cannelées aux angles, et par deux colonnes et deux pilastres adossés, contre le mur.
Au-dessus : une terrasse avec un garde-corps en fer forgé. La large baie en anse de panier, qui donne sur cette terrasse, est ornée d'un masque de femme dans un cartouche. Les ailes et les pavillons répondent à une description semblable à celle de la façade antérieure.
La façade latérale droitemontre que les pavillons nord sont plus imposants que les pavillons en retour sur la face postérieure. Ces pavillons sont reliés par une travée percée d’une large porte sur un perron. Au dessus de la porte, un fronton cintré, brisé, met en valeur la tête d'une femme aux traits jeunes.
Combles et couvertures : les toitures en ardoises sont hautes, aménageant de vastes combles. Le pavillon central est couvert par un toit à l'impériale, les ailes par des toits à deux versants avec croupes, et les pavillons reçoivent des toits en pavillon.
C- Distribution intérieure
Rez-de-chaussée : le pavillon central est occupé par un grand vestibule contenant dans une partie sud une imposante cheminée d'esprit Renaissance, adossée au mur est, et un petit escalier en colimaçon qui monte à la mezzanine. Séparée par un vitrage coloré, l'autre partie du vestibule s'ouvre sur un porche, et reçoit face à l’entrée du grand salon, la cage d'escalier. Soutenu par des colonnes cannelées, le plafond du grand salon est orné d'un décor peint. Dans l'aile droite, il y a une chapelle, puis des pièces aménagées en bureaux.
Au premier étage du pavillon vers le sud, une mezzanine règne devant les ouvertures des trois faces du pavillon. Une chambre de maître occupe la partie nord de l'étage du pavillon. Les ailes et les pavillons latéraux abritent des chambres.
L'escalier comprend cinq volées : une première de quelques marches pour accéder à un repos d'où partent les deux montées divergentes de la deuxième volée. De nouveau, un repos, puis une volée double à montée parallèle ; en retour d'équerre, suit une volée double à montée convergente, pour arriver à une montée centrale qui mène au palier. Au départ de l'escalier deux piliers en bois, flanqués d'une colonne engagée, soutiennent la cage. La rampe est composée de balustres en alternance avec des petits piliers sculptés.
Le décor intérieur : le grand salon situé dans l'aile ouest s'ouvre sur la façade postérieure vers le parc. Deux colonnes sont habillées de boiseries sculptées de cannelures rudentées ; elles marquent la limite du grand et du petit salon. Ces colonnes, de couleur brune rehaussée par un filet doré sur le listel, soutiennent un plafond peint. Un ciel clair en occupe la plus grande surface délimitée par une balustrade en trompe l'œil, sur laquelle évoluent des oiseaux aux couleurs vives. Boiseries et décoration peinte sont de style Régence. Boiseries également pour le vestibule d'entrée qui occupe toute la partie antérieure du pavillon central. Une belle et haute cheminée d'un goût Renaissance, une mezzanine bordée d'un garde-corps à balustres en chêne, donnent à l'entrée une ampleur remarquable. Une cloison composée de vitrages colorés sépare cette partie du pavillon, de la partie postérieure contenant la cage d'escalier. La cage et l'escalier, entièrement en bois sculpté, sont un magnifique travail de menuiserie effectué vers 1875 dans un style Renaissance.
Note de synthèse
Les emprunts au vocabulaire architectural de la Renaissance pour l'ordonnancement et la décoration des façades, les toitures en rapport avec l'époque Louis XIII et Louis XIV, mais aussi la composition de l'élévation dans une tradition classique, font du château Dulamon un bel exemple du style éclectique qui, dans la deuxième moitié du XIXe siècle, incommode l'esprit classique des architectes conformes aux idées d'avant la période romantique. La Renaissance a inspiré Jean-Baptiste Lafargue pour les arcs en anse de panier, les pilastres ornés, les médaillons d'où sortent des têtes, les frontons rompus, et pour l'amortissement des lucarnes. Les toits en troncs de pyramides évoquent les monuments que Lemercier bâtissait lorsqu'il était le premier architecte de Louis XIII. La décoration abondante ne fait pas oublier l'organisation rigoureuse des élévations et du plan général du château. Ailes, pavillons latéraux en symétrique par rapport à un pavillon central, figurent une clarté et une régularité dans l'agencement des volumes et des espaces, en un ensemble qui dessert les idées des architectes épris des conventions de l'architecture classique.
Annexes
Jean-Baptiste Lafargue
Sa vie. Dans l'ouvrage intitulé « Biographie », Féret signale que J.B. Lafargue est né en 1801 et mort en 1866. D'une famille originaire de Tonneins, il est le premier maître de ses fils qui reçurent ensuite les leçons de Constant Dufeux.
Ses fils : Jules 1825-1881 et Paul 1842-1876.
Son œuvre. Monseigneur Laroza indique dans son « Guide touristique, historique et archéologique de la Gironde que J.B. Lafargue est le constructeur des châteaux Bourran à Mérignac, Dulamon à Blanquefort, Pape Clément à Pessac, Grenade à Saint-Selve, Carayon-Latour à Virelade.
Les archives départementales du Lot-et-Garonne à Agen possèdent des projets pour des châteaux effectivement construits : Cambes à Montflanquin pour M. de Védrines, projet signé le 12 aout 1860 à Bordeaux par J. Lafargue, architecte. Ce « J. Lafargue » doit être Jules, le fils de Jean-Baptiste qui cependant lui-même a signé un plan conservé actuellement au château de Cambes, et daté du 25 mars 1842. Un des Lafargue a construit le château de Martel pour un M. de Védrines, suivant des plans faits à Bordeaux le 3 avril 1862. Il existe un fonds Lafargue très important aux archives municipales de Bordeaux, mais qui pourtant ne fournit pas de renseignements sur les châteaux.
Châteaux et maisons de campagne de Blanquefort, mémoire de maitrise de Bertrand Charneau, Université de Bordeaux III, 1984.
Photos couleurs de 2013 Martine Le Barazer.
Château du Luc ou Dulamon
Sur la hauteur de Blanquefort, se trouve le château Dulamon, « vaste rectangle dont le corps de logis élevé de plusieurs étages est surmonté de trois larges pavillons à toiture conique, à l'exception du pavillon central se terminant par un dôme coiffé d'une plate-forme en terrasse », mais il ne présentait pas autrefois un tel aspect, ayant pris la place à une construction féodale. Le premier seigneur de cette demeure dont on retrouve la trace est Renaud ou Raymond du Luc de Blanquefort, marié à Assalide de Pellegrue, le 9 avril 1200.
Il est toutefois possible de citer, parmi les vassaux nobles de la sirie de Lesparre au XIIe siècle, un « Amanieu de Saint-Ahon, pour la seigneurie du Luc, au devoir d'une paire de gants blancs ».
En 1200, on signale la présence de Renaud à l'assaut du fameux château de La Brède dont il devint possesseur, tissant ainsi le lien qui va unir ce château à celui du Luc durant plusieurs siècles. Montesquieu et sa famille possédèrent de nombreuses terres dans le Médoc et, à Blanquefort, les châteaux du Luc, de Belair, de Pey-Astruc, de Saint-Ahon.
Nulle part, nous ne trouvons de précisions sur les rapports entretenus entre les seigneurs du Luc et ceux de Durfort dont le château est pourtant très proche. Au XVe siècle, le Luc était la propriété des seigneurs de la Lande. Il portait le joli nom de « Taüla de Luc ». En 1715, il passa aux mains de Léon de Pontac, capitaine aux gardes de Louis XV.
Dans cet énoncé de seigneurs du Luc, on retrouve donc sans cesse les noms de parents ou d'alliés de Montesquieu. Suivons donc la lignée de cette famille à cette époque, telle qu'elle nous est décrite par Charles Dormontal, pour avoir un aperçu de ceux qui furent les possesseurs du château qui nous intéresse. « Les premiers possesseurs de La Brède appartiennent successivement, de la période médiévale aux temps les plus récents, aux familles nobles de La Lande, de Luc, etc. C'est en 1079 que l'on voit apparaître la maison de la Lande en territoire brédois. Vers 1200, Raymond du Luc de Blanquefort est signalé à la Brède ; en 1229, Henri III d'Angleterre protège Arnaud de la Lande, possesseur de la seigneurie, et en 1264 Gaillard de la Lande fonde à Bordeaux le couvent des Carmes. En 1336, on entend parler de noble Arnaud de la Lande puis, plus tard, de Jean de la Lande qui contracte mariage le 26 janvier 1426 avec Jeanne de Foix, la fille de Gaston de Foix, captaI de Buch. Jean de la Lande, rallié au connétable de Talbot, après la reprise de la Guyenne par Charles VII, fut contraint de s'expatrier. Ses biens furent confisqués en faveur de Louis de Beaumont, chevalier du Plessis et de la Motte-Fourest, conseiller-chambellan du roi et son sénéchal en Poitou. Le nouveau propriétaire usait, en 1458, de son titre de seigneur de la Lande. En 1463, Jean de la Lande obtint son pardon et rentra en possession de ses terres deux ans plus tard. Il mourut peu après, laissant ses domaines à sa fille unique Catherine, épouse de Gaston de l'Isle, seigneur de la Rivière en Fronsadais. Le fils du seigneur de l'Isle, Gaston de l'Isle, épousa, le 6 août 1548, la fille unique de Pierre de Lur, vicomte d'Uza. La plus jeune de ses filles, Françoise, s'unit le 9 novembre 1577 à Jean de Pesnel, écuyer, seigneur de Bano et de Coutures. Leur fils Geoffroy devait avoir un héritier direct, Pierre, lequel eut pour fille Marie-Françoise de Pesnel. Cette dernière contracta mariage le 25 septembre 1686 avec messire Jacques de Secondat. Telle fut la lignée maternelle jusqu'à la naissance de Montesquieu. »
Dans la lignée paternelle, nous constatons que Jacques de Secondat était l'arrière-petit-neveu de Pierre III de Secondat et d'Anne de Pontac. Son oncle, Gaston de Secondat, avait près de M. de Pontac, premier Président au Parlement de Bordeaux, la charge de président à mortier. D'autre part, nous savons que l'illustre auteur de l'Esprit des Lois était « un habitué des salons de la belle et spirituelle comtesse de Pontac, laquelle brillait par sa beauté, son esprit, ses talents poétiques et ses amitiés littéraires. »
Le grand Montesquieu étant devenu chef de famille à la mort de son père, le 15 novembre 1713, il est probable que ce fut lui qui laissa, un an plus tard, le château du Luc de Blanquefort à Léon de Pontac, cousin éloigné. Le 20 avril 1744, Taüla du Luc passa entre les mains de Jean-Baptiste Lecomte, chevalier, baron de Beautiran et Ayguemortes. On retrouve le Luc parmi les titres de propriété de la maison de Verthamon. Cependant en
Après transformations, Taüla du Luc fut cédé pour la coquette somme de 180 000 francs au chevalier de Flavigny, mousquetaire de la Garde du roi. Le 27 mars 1773, il devint, après la mort de Flavigny, la propriété de Mme Dulamon et de ses fils, Antoine et Philippe, tous deux bourgeois de Bordeaux. Il changea alors de nom.
Antoine mourut l'année suivante, mais Philippe joua un certain rôle dans la vie municipale blanquefortaise.
Un député de Louis-Philippe, Dariste, en devint propriétaire, le cédant à son tour à un négociant en épices et produits des îles, Albrecht, du Havre. En 1862, le château fut démoli, les vignes arrachées en partie par un notable commerçant bordelais : Joseph Prom. Et c'est au talent de l'architecte Lafargue que l'on doit l'actuel château qui, normalement, devrait porter le nom de J. Prom.
Guy Dabadie, Blanquefort et sa région à travers les siècles, Imprimerie Samie, Bordeaux, 1952, p. 70-75.
Plans
Plans cadastraux du château de 1806, 1843 et 1983
Murs enfouis
Dans le livre "l'Historique du chateau Dulamon et des grottes de Majolan à Blanquefort", Dominique Jay écrit : "La pose du tout-à-l'égout en 1985 a permis de voir dans une tranchée à environ 2 m de profondeur de larges murs de pierre de taille, non loin du château actuel, vers le nord-est; restes de l'ancien château du Luc?"
Compléments du 20e siècle
A la suite de la faillite de la banque Piganeau et du décès des 2 frères Gustave et Léopold Piganeau en 1898, les 2 veuves créent une société civile immobilière et nomment un syndic chargé de la liquidation des biens. La propriété est morcelée.
En avril 1907 le château accueille l'école de Guyenne en provenance du château du Bourran à Mérignac, filiale de l'école des Roches, pendant 2 ans.
La Petite Gironde, articles du 24 septembre 1907 et du 11 juillet 1908.
Vente volontaire aux enchères publiques
Les lundi 21 juin et mardi 22 juin 1909 et jours suivants s'il y a lieu , à une heure du soir, au château Dulamon, dit chateau Piganeau, commune de Blanquefort , il sera procédé par le ministère de Me Blais, huissier à Bordeaux, 4 rue Duffour-Dubergier, à la vente aux enchères publiques : un salon Louis XVI laqué blanc, un piano Pleyel, salles à manger noyer Henri II, 35 lits fer et cuivres, sommiers élastiques et literie complète, 35 commodes lavabo pitchepin et marbre blanc, tapis, glaces, chaises, commodes, bureaux, bibliothèques, fauteuils, armoires, tables, draps, serviettes et linge de ménage, vaisselle, batterie de cuisine, 8 établis de menuiserie et outils de menuiserie et de menuisier, mobilier scolaire comprenant notamment 26 tables scolaires système Mauchin et quantité d'autres beaux et bons objets.
Annonce dans la Petite Gironde du 21 juin 1909
L'industriel Joseph Louit (moutarderie-chocolaterie Louit frères) occupe le château dès 1910, en devient propriétaire en 1920.
En 1914, pendant 4 mois, le château héberge un hôpital temporaire, sous le patronage de l'impératrice Alexandra Federovna sous le nom d'hôpital russe.
Articles de la Petite Gironde du 20 septembre 1914 et du Temps du 22 septembre 1914
1940. Le domaine de Dulamon est le seul domaine à Blanquefort qui fut réquisitionné pour le temps total de la guerre. En juin 1940, il héberge les troupes de l’amirauté française lors du repli du gouvernement à Bordeaux pendant 15 jours, puis les troupes allemandes.
La vie continue malgré tout, comme en témoigne cette autorisation de création d’établissement commercial : le 29 septembre 1941, le secrétaire général de la préfecture 4e division 2e bureau (signé : Delannet) autorise M. Lionel Louit, demeurant à Blanquefort, château Dulamon, à transférer sa grande licence sur le lieu dit « Moulin et Grotte de Majolan » pour y ouvrir un café avec musique et avec visite des grottes payantes.
Depuis 1945, le château est la propriété de la Fondation des Orphelins Apprentis d’Auteuil, installée au château depuis le 24 octobre 1946, il abrite un collège et un lycée professionnel privé , les établissements Saint-Joseph Apprentis d'Auteuil.
Le parc de Majolan (19 hectares) a été acheté par la ville de Blanquefort en 1975 pour en faire un jardin public, qui a été enchanté en 2008 ; il comporte un lac et des grottes artificielles, de fausses ruines et nombre d’arbres rares, il est devenu un lieu de promenade.
Les différents propriétaires
Au 15e siècle : famille de La Lande ou Lalande
Au 17e et 18e : famille Secondat de Montesquieu
1715 Léon de Pontac (cousin de Montesquieu). AD33 9J 816.
20/04/744 Jean-Baptiste Le Comte de La Tresne.
1752 la fille de Jean-Baptiste Le Comte de La Tresne, Marie-Anne, en hérite, elle est l’épouse de Louis de Verthamon.
03/07/1758 Christophe Gernon. AD33 3E 13243
19/08/1766 Julien Gabriel de Flavigny. AD33 3E 13251
27/05/1773 les frères Philippe et Antoine Dulamon, au décès d’Antoine en 1774 c’est Philippe qui devient seul propriétaire. Maitre Guy AD33 3E 13258
20/07/1820 Joseph Antoine Dariste, maire de la commune de Blanquefort de 1823 à 1840. AD.33 Q5/d6 p.97.
09/09/1840 Philippe Albrecht. É. Guillon.
03/02/1862 Joseph Prom Maitre Huilhem. Paris.
1871 la fille de Joseph Prom, Josephine-Abélina, en hérite, elle est l'épouse de Gustave Piganeau. Maitre Gargaud. Bx.
02/1920 Joseph Louit.
1945 Les Orphelins d'Auteuil. Vente au tribunal de Bordeaux.
Texte de Martine Le Barazer
Sur la plaque de la cheminée et le haut des fenêtres les initiales semblent être GP (Gustave Piganeau).
Photos du diaporama de 2013 et 2015 de Martine Le Barazer.
Sur le chateau Dulamon d'autres articles sur ce site :
dans la rubrique Histoire contemporaine : "Un hôpital russe au château Dulamon", extrait du livre "les années de sang et de larmes" ,
dans la rubrique Geo Humaine / économie : "Vin de Dulamon".