Saint-Michel pensionnat, hôpital, asile de vieillards, collège

Nous avons retrouvé dans des papiers familiaux ce manuscrit écrit à la main par Marcel Béreau, qui fut secrétaire de mairie à Blanquefort à partir des années 1945 et qui connaissait bien Saint-Michel.

Le lycée professionnel Saint-Michel avenue du général de Gaulle à Blanquefort a une longue histoire, tour à tour pensionnat religieux, hôpital militaire pendant la guerre 14-18, colonie de vacances de la ville de Bordeaux, réquisitionné par les allemands lors de la 2e guerre mondiale, asile de vieillards et école ménagère, collège d'enseignement technique et dispensaire.

 

Institution des Petits Frères de Marie

L'existence du Pensionnat Saint-Michel date d'environ 85 ans, ce fut M. l’abbé Georges de l'Eguille curé-doyen de Blanquefort, qui le fit construire sur un emplacement situé à Blanquefort route du Médoc avec le concours financier surtout des bourgeois nombreux à cette époque à Blanquefort et de la population qui répondirent largement à son appel.
Durant le temps que dura cette construction, l'école avait lieu dans la grande rue de Blanquefort dans des locaux provisoires appartenant à M. Courregeoles, notaire à Blanquefort.
Le pavillon central fut bâti le premier avec le rez-de-chaussée des deux ailes, et ce ne fut que plus tard vers 1885 que les étages supérieurs furent construits, le nombre des élèves devenant plus important.
Dans ces souvenirs, il est bon de mentionner que ce furent les élèves de la 1ère classe qui, en guise d'amusement montèrent les tuiles pour les toitures nouvelles au moyen d'échelles superposées, les unes au-dessus des autres, en faisant la chaîne. Cette entreprise était confiée à la maison Béreau, zingueur à Blanquefort.
Le Pensionnat Saint-Michel prit rapidement de l'extension et comprenait en plus de cet important immeuble une magnifique chapelle située à l'extrémité nord du bâtiment avec son aumônier qui habitait la maison à l'étage contigüe à l'établissement, côté route du Médoc également.
L'effectif du pensionnat à cette époque comprenait 6 frères, près de 150 élèves pensionnaires et externes, sa congrégation, sa fanfare, sa maîtrise et son infirmerie pour les premiers soins.

1884-09-30-Pensionat-St-Michel-freres-Mariste1900-09-29-Pensionnat-St-Michel

 

 

 

 

 

Publicités extraites du quotidien La Petite Gironde du 30 septembre 1884 et 29 septembre 1900

Les pensionnaires portaient la tenue des grands collèges avec boutons et initiales Saint Michel dorées, les externes la casquette à visière aux mêmes initiales.
La majeure partie des élèves étaient de Bordeaux ou des environs, quelques-uns seulement venaient d'autres régions. Indépendamment de l'instruction religieuse, on y préparait au C A P et aux brevets.
Toutes les semaines étaient distribuées aux élèves les plus méritants, c'est-à-dire ceux qui avaient obtenu un certain nombre de points, des mentions honorables, tirées en couleur d'une belle présentation.
Le premier directeur fut le Frère Pierre Thomas ; lui succédèrent par la suite le Frère Laurent et le Frère Andronie, ce dernier surtout, musicien et chanteur de grand talent.
Les pensionnaires pouvaient recevoir au pensionnat leurs parents le dimanche, ce qui donnait une grande animation dans la commune ; est-ce pour cela peut-être que lorsque vers 1898, les trams vinrent à Blanquefort, la compagnie fit installer un arrêt en face du grand portail du Pensionnat.
Le jeudi après-midi était consacré à la promenade des élèves dans les environs sous la surveillance d'un frère, certaines grandes propriétés offrant leurs parcs ou leurs dépendances à la disposition des élèves pour y effectuer leurs jeux.
Ces âges ne sont pas cependant tout à fait exempts de reproches car il n'était pas rare dans ces promenades de rencontrer un élève marchant à côté du frère tenant à la main l'un des cordons de sa soutane, signe de la punition infligée au fautif ! Le prenant de cette façon l'amusement tout le parcours durant.
L'une des premières grandes manifestations religieuses au pensionnat fut l’inauguration de la statue Saint-Michel dans la niche construite à cet effet au sommet du pavillon central de l'édifice. Fête splendide débutant par une grande messe en musique avec chants dans la chapelle ayant revêtu à cette occasion sa parure des grands jours.

photo-archange-saint-michel
Le soir, les curieuses illuminations en vigueur à cette époque où toutes les fenêtres avaient reçu l'assaut des petits lampions à huile et tous les arbres des cours de nombreuses lanternes vénitiennes aux différentes couleurs. Il était de même pour la fête de Jeanne d'Arc le 1er dimanche de Mai et le 29 septembre, fête de Saint-Michel. Ce jour-là aussi avait lieu un grand concert dans le parc du pensionnat composé de chœurs, saynètes etc., le tout terminé par un brillant feu d'artifice au milieu d'une foule considérable.
Enfin, le jour de Mardi-Gras de chaque année avait lieu à Saint-Michel la traditionnelle cavalcade de Carnaval où un important effectif de pensionnaires et aussi d'externes, revêtus de costumes bariolés et de circonstance, se rendaient, musique en tête, sur les bords du lac du château Dulamon mis gracieusement à la disposition des Frères pour cette occasion par les propriétaires M. et Mme Piganeau.
C'est là qu'après avoir assisté à l'arrivée de la cour revêtue de la toque traditionnelle et de manteaux d'hermine en peau de lapin et avoir entendu la plaidoirie et la condamnation du citoyen carnaval, ce dernier était brûlé vif, à la satisfaction d'une foule qui ne manquait pas d'assister nombreuse à ces réjouissances.
En ce qui concerne les cérémonies religieuses d'antan auxquelles assistaient tous les élèves, il est bon de ne pas oublier aussi les magnifiques processions de la Fête-Dieu, rehaussées par la présence des chantres de l'Eglise Saint-Ferdinand de Bordeaux, de la fanfare du pensionnat et de l'Union Musicale de Blanquefort, traversant la propriété du château Dulamon au milieu des oriflammes, pour s'arrêter d'abord au superbe reposoir adossé au labyrinthe à l'entrée de la propriété près du chalet du jardinier, puis plus tard transporté sous le péristyle du château entre les colonnades au milieu d'un amoncellement de lumières et de fleurs et où se trouvait réunie la famille de M. et Mme Piganeau.

À cette occasion, les grandes eaux de Dulamon fonctionnaient ce jour-là, l'un des jets d'eau situé au nord du château et l’autre au sud au milieu du parc, les deux entourés de plates-bandes de fleurs en bordure des grands bassins de forme originale construits à leur intention.
Parmi ces nombreux souvenirs, il est bon de rappeler aussi que vers cette époque, Monseigneur Lecot Cardinal Archevêque de Bordeaux séjournait dans la propriété du château Gilamon de Blanquefort, non loin du pensionnat, se rendait à l'église de la paroisse en procession souvent, et était reconduit de même chez lui au milieu d'une nombreuse assistance.
Mais revenons à nouveau à Saint-Michel et reportons-nous un instant il y a soixante ans environ aux grandes messes de la paroisse où tous les ordres, soit du Directeur soit du professeur de chant M. Drouilh de Bordeaux, la maîtrise du Pensionnat exécutait durant les offices de nombreux chants religieux ; inutile d'ajouter qu'à cette occasion les grands orgues tout nouvellement restaurés étaient de la partie.

Saint-Michel possédait en outre un groupe artistique d'élèves assez important, qui plusieurs fois dans l'année et dans la salle du cercle catholique, attirait une partie de la population qui ne ménageait pas les applaudissements à ses auteurs. On y jouait les drames, saynètes comiques et militaires dont tous les programmes luxueux distribués en quantité étaient offerts gracieusement par certains grands magasins de Bordeaux.
C'est dans cette même salle qu'avait lieu en cas de temps incertain la distribution annuelle des prix aux élèves de Saint-Michel sous la présence effective de M. le Maire et de M. le curé-Doyen. Il y avait ce jour-là foule c'est certain, les 200 élèves ayant amené parents et amis.
Les demandes d'admission devenant encore plus nombreuses, les Frères durent agrandir leur domaine en achetant une maison avec jardin et ses dépendances, attenant à la propriété déjà existante et cela pour y placer les externes, l'immeuble principal Saint-Michel restant réservé aux seuls pensionnaires.

Tout paraissait donc aller pour le mieux, de nouveaux agrandissements étant encore prévus, tant au point de vue cours, qu'au point de vue bâtiments, lorsque tout à coup la loi de 1904 sur les congrégations vint abolir tous ces projets et anéantir complètement cette splendide réalisation qu'était à ce moment-là, le Pensionnat Saint-Michel de Blanquefort.
Des démarches furent tentées aussitôt, des arrangements projetés, des personnages influents tentèrent de former un comité, le tout sans résultat. La dislocation ne tarda pas à se produire. Frères et élèves durent se séparer mais bien à regret, tandis que l'État s'emparait de ce bel établissement à ce moment en parfait état. Par la suite, peu de nouvelles des Frères dont quelques-uns s'expatrièrent. Quant aux élèves, nombreux ceux qui se souviennent encore de leur jeunesse et qui ont mis en pratique l’instruction qu'ils ont reçue au Pensionnat Saint-Michel durant leur séjour à Blanquefort.

Pour ma part, il m'est agréable de connaître la destinée de la plupart de ces anciens élèves pensionnaires ou externes dont l'un est devenu curé-doyen de l'église Sainte-Croix de Bordeaux, la famille habitant toujours Blanquefort. Un autre Général en chef dans l'armée de l'air durant la dernière guerre, l'un de ses frères, directeur d'assurances à Bordeaux, l'un de mes bons amis d'enfance.
Je pourrais aussi citer ceux qui ont occupé ou occupent encore de très hautes fonctions dans les grandes administrations, Préfecture, Trésorerie, facultés etc. ou conquis dans l’armée les plus hauts grades. D'autres ont évolué aussi très favorablement dans toutes les professions industrielles, commerciales ou libérales.
Actuellement, il semble que c'est une bien grande satisfaction pour les survivants d'avoir connu et surtout vécu, durant des années, de franches camaraderies au Pensionnat Saint-Michel au milieu des Frères dévoués et des camarades de classe où régnait, à cette époque, la plus grande amitié entre tous.

Après le départ des Frères, le Pensionnat reste inhabité jusqu'à la guerre 1914-1918 où un hôpital complémentaire militaire fut installé dans tout l'immeuble. De nombreux blessés y furent soignés par un médecin-major et par des personnes dévouées, infirmières volontaires de Blanquefort qui offrirent leurs services bénévolement, se dévouant pour soigner les blessés jour et nuit. 

Saint-Michel-CPA-1

La guerre finie, Saint-Michel, devenu libre, fut habité par plusieurs familles et en particulier par le secrétaire de mairie de cette époque M. Brunet qui en assurait la garde.

Quelques temps après, Mme Veuve Tastet, propriétaire du château Maurian à Blanquefort, achète cet immeuble pour en faire don à la commune.

Ci-après, le procès-verbal du conseil municipal de cette époque,

Dans la séance du conseil municipal en date du 3 août 1909, M. le Maire informe ses collègues que Mme Veuve Tastet offre de léguer à la commune de Blanquefort un bâtiment avec jardin situé route du Médoc, figurant au plan cadastral sous les numéros 1184 et 1197 en partie d'une contenance de 51 ares 18 pour fonder un hospice et offre en outre une somme de 50 000 F pour la dotation du dit Hospice, le conseil municipal considérant que la dotation dont il s'agit a un but humanitaire et qu'en créant un établissement hospitalier dans la commune bien des infortunés pourraient être soulagés.
Par ces motifs, le conseil municipal de Blanquefort décide qu'il y a lieu d'accepter avec reconnaissance le legs fait à la commune de Blanquefort par Mme Veuve Tastet ainsi que la somme de 50 000 F qui devront servir, suivant sa volonté formelle, à la dotation du dit établissement et donne d'ores et déjà pleins pouvoirs à M. le Maire pour signer tous les actes à intervenir.

Cette même donatrice avait déjà il y a 50 ans légué à la ville de Bordeaux une somme importante et à la commune de Blanquefort des avantages considérables pour les malades de notre commune.
Dans la séance du conseil municipal de Blanquefort en date du 2 juillet 1899, M. Théodore Tastet, propriétaire du château Fleurennes à Blanquefort, et conseiller municipal de notre commune, informe le conseil que sa parente Mme Veuve Tastet en faisant don aux hospices de Bordeaux d'une somme importante pour l'érection d'une maison d'opérations chirurgicales (dénommé Hôpital Tastet-Girard) a réservé pour les habitants de Blanquefort le droit d'y être admis gratuitement pour y subir des opérations. Mme Tastet en faisant participer à cet acte généreux les habitants de Blanquefort a voulu leur donner un témoignage de la vive sympathie qu'avait pour eux son bien regretté mari M. Gustave Tastet. M. le maire se fait l'interprète du conseil municipal pour adresser à Mme Veuve Tastet ses chaleureux remerciements et la prier de vouloir bien agréer l’expression de sa très vive reconnaissance.

La commune de Blanquefort étant de ce fait devenue propriétaire de Saint-Michel, sa transformation en hôpital ou hospice ne pouvant s'effectuer rapidement, il fut décidé en attendant de le louer à M. Marquet, maire de Bordeaux, qui ne tardera pas à l'utiliser comme colonie de vacances.
De nombreux enfants ne tardèrent pas à en prendre possession et aussitôt la statue de Saint-Michel qui ornait toujours depuis plus de 80 ans la niche au sommet du pavillon central de l'immeuble fut descendue et mise en lieu sûr, hors de la vue du public. Le motif, je l'ignore.
Dans tous les cas, le bail devenu à expiration et après de nombreuses difficultés il fut procédé à la remise en place de la statue Saint-Michel, travail considérable et méticuleux surtout qui demanda le concours des sapeurs-pompiers de la ville de Bordeaux.
Enfin, les péripéties relatives à la vie du pensionnat Saint-Michel à Blanquefort touchent à leur fin, le vœu de Mme Tastet Girard a été exaucé.

 

Asile de vieillards Saint-Michel en 1936 

C'est grâce à M. l'abbé Dechartre, curé-doyen de Blanquefort, que le vœu de Mme Veuve Tastet, propriétaire du château Maurian à Blanquefort, dont il a déjà été parlé dans ce récit, fut exaucé et que les religieuses du Bon Pasteur firent leur apparition à Blanquefort créant l’hospice de vieillards Saint-Michel, c'était au mois de mai 1936.
C'est donc dans ce même établissement où jadis il y a plus de 50 ans avaient vécu les petits Frères de Marie et leurs nombreux élèves qu'aujourd'hui, une quarantaine de vieillards femmes âgées, fatiguées ou abandonnées, quelquefois sans aucune ressource même, viennent finir leurs jours, confiées aux bons soins des religieuses du Bon Pasteur.

Saint-Michel-CPA-2
Cette installation dans un immeuble semblable demanda quelques modifications qui étaient à peine terminées lorsque la guerre 1939 éclata. Les réquisitions étant nombreuses à Blanquefort, les Allemands pas toujours de bonne humeur, en quête de mauvais coups, annoncèrent tout à coup la réquisition de Saint-Michel le 1er mai 1943 donnant brutalement un délai de 10 jours pour quitter les lieux. Que faire pour trouver un local ou plutôt des locaux suffisants pour y loger une cinquantaine de personnes, y compris le personnel.
Cependant après de nombreuses recherches et aussi de démarches, il faut bien l'avouer, le hasard fait découvrir le domaine de Montigny qui actuellement n'est pas occupé et qui offre toutes les conditions d'hygiène et de salubrité requises pour y trouver un refuge suffisant pour tout ce monde.
Reste le déménagement, travail considérable, délicat même, certaines des pensionnaires grandes malades obligées de garder le lit.
Heureusement, de grandes volontés surgirent tout à coup et s'offrirent pour venir en aide aux religieuses et à la date fixée par la réquisition le 10 mai 1943, les Allemands prenaient possession de Saint-Michel en chantant ; est-ce possible ? Combien durera cette maudite guerre ? Autant de questions résolues par un point d'interrogation ?
Petites dépendances dont un grand préau adossé à une chapelle ancienne remarquable, surtout par ses vitraux en forme d’ogive, très fréquentée autrefois et où j'ai servi la messe souvent, mes parents ayant habité ladite maison pendant 25 ans.
L'immeuble en question est situé au milieu d'un vaste parc d'agrément où les pensionnaires, nouvelles locataires de Saint-Michel, pouvaient disposer à volonté.

Non loin de là, Mme Veuve Gautier possédait un autre immeuble avec un étage où elle avait installé :
1- Une salle de réunions où avait lieu tous les ans l'exposition des travaux de couture et de lingerie, ainsi que la broderie de l’école des filles des sœurs de l'Immaculée-Conception de Blanquefort,
2- La bibliothèque paroissiale,
3- Une installation de dons à usage gratuit pour la population,
4- Enfin, dans 2 logements contigus à l'immeuble elle y logeait 2 familles nombreuses.

C'est à la suite de deuils bien cruels survenus dans sa famille que Mme Veuve Gautier, possédant ses brevets d'institutrice, se consacra entièrement à l'enseignement libre devenant par la suite Supérieure de l'école des Filles des religieuses de l'Immaculée-Conception à Blanquefort.
C'est cette même personne qui, quelques années auparavant, avait acheté la série de logements situés en face de sa propriété de Montigny, au lieu-dit « La Dimière » les avait faits transformer en école avec préau et y avait fait installer les religieuses.
Enfin, dans ces dépendances, elle avait fait également aménager une superbe chapelle avec jardin fleuriste qui servait de lieu de réunion à l'association des mères Chrétiennes existant alors à Blanquefort.
Mme Veuve Gautier était titulaire de plusieurs décorations, membre de la société des Nations et de la Croix Rouge, auteur du bulletin mensuel « Mon Clocher », à la tête de toutes les œuvres de la commune s'intéressant aux familles pauvres qui trouvaient en elle un appui bienfaisant en toute circonstance.

La guerre est finie enfin, revenons à Saint-Michel ; les personnes qui avaient déjà procédé au déménagement lors de la réquisition reprirent le même chemin et le même travail et l'asile fut à nouveau réoccupé par ces mêmes pensionnaires, mais au milieu d'un amoncellement de débris de toutes sortes.
Les Allemands ayant quitté l'établissement le laissèrent dans un tel état que des réparations urgentes devinrent nécessaires, ces messieurs ayant emporté avec eux, en partant, un moteur même, ainsi que du cuivre tombé sous leurs mains, sans oublier tout celui des loquets de portes ; il y a là un bien triste souvenir de leur passage à Saint-Michel.
Indépendamment de cet asile de vieillards qu'on nomme aussi Maison Saint-Michel ou encore Pension Saint-Michel, où tous les soins les plus dévoués sont donnés par ces religieuses à leurs pensionnaires, quelques-unes, grandes malades, il existe aussi une école ménagère et son annexe en pleine prospérité, comprenant une centaine de jeunes filles recrutées en particulier dans tout le canton et qui viennent passer là plusieurs années, confiées également à ces mêmes religieuses, en particulier sœur Eustelle qui en est la directrice diplômée très estimée.

Mere-Eustelle                                                                                                                                      Mère Eustelle

À tout cela, est joint un dispensaire qui assure tous les soins que nécessite l'état des malades et cela même à domicile, gratuitement le jour et quelques fois même la nuit, et auquel est ajoutée la pesée des nourrissons mensuellement, sous l'œil vigilant d'une religieuse aussi, sœur Saint-Henri, infirmière, diplômée également, très estimée aussi.
Inutile d'ajouter qu'il y a aussi à Saint-Michel, le ravitaillement, la cuisine, l'élevage, l'entretien même de cet immense immeuble que nous devons à la générosité d'une personne généreuse, Mme Veuve Tastet Girard, dont une de nos principales rues porte le nom.
Que dire enfin de l'ensemble de ces religieuses qui assurent journellement la marche de tous ces services, leur modestie m'empêchant de les nommer toutes, mais qui, j'en suis persuadé, pour toute récompense n'ont d'autre satisfaction que la bonne marche de leur établissement.
Saint-Michel possède actuellement sa jolie chapelle située au rez-de-chaussée de l'aile gauche du bâtiment, près du dispensaire et où M. l'Abbé Poncabaré vient célébrer la messe tous les mercredis.

J'ajouterai en passant, qu'au temps bien lointain où les Frères occupaient Saint-Michel leur chapelle avait été construite séparément à l'extrémité nord du bâtiment principal le long du mur de clôture, ce dernier possédant une porte qui le reliait avec l'habitation de M. l'aumônier.
Ne voulant pas être trop long, j'ajouterai aussi que, recrutées parmi mes nombreux souvenirs d'enfance, il y a 65 ans environ, ces pages ont été rassemblées à l'occasion de mes noces d'Or : 2 février 1901-2 février 1951.
Elles donnent une simple idée, mais exacte de la vie au Pensionnat Saint-Michel à Blanquefort. 
Enfin, en terminant ces quelques lignes, comme dans toutes les familles où il y a une mère, Saint-Michel possède aussi sa bonne mère en la personne de sœur Marie Julienne, qui en est la Supérieure dévouée et qui, avec quelle douceur, quelle affabilité et quel dévouement, a assuré la Direction.

Blanquefort, le 2 Février 1951. Texte intégral de Marcel Béreau.      

 À la fin de ces lignes, nous devons dire un merci ému et reconnaissant à M. Béreau, auteur de ce cahier, lequel a été écrit avec tout le meilleur de lui-même.

 

Les religieuses de Saint-Michel 

Suivent quelques faits intéressants à connaitre.

Souvenirs de M. R. Valet 

La ligne des trains fut construite en 1895. La mise en service, début 1896, ce qui changea la vie des Blanquefortais, facilitant les déplacements Blanquefort-Bordeaux.
Il est bon aussi de rappeler l’attitude et les paroles de MM Léopold Carme et Raymond Valet, lorsque les Pompiers de la ville de Bordeaux enlevèrent la statue de Saint-Michel, exécutant le travail qui leur était commandé. « Vous l’avez commandé, eh bien, vous la remonterez ! »
Ce qui s’est vérifié. Saint-Michel garde et protège toujours la maison.

Additif : pour mieux comprendre ce qui est dit ci-dessus, il faut savoir que M. Marquet, maire de Bordeaux, avait passé un bail renouvelable pour colonie de vacances. Lors de sa visite, il fit faire quelques peintures et ordonna l’enlèvement de la statue en fonte. Une première opération fut sans succès en raison de son poids. Il fallut le concours des pompiers de Bordeaux avec grue et échafaudage. Elle fut transportée dans un magasin de la ville et remise en place après un bail et une demande écrite après délibération du Conseil Municipal.

 

Saint-Michel de 1951 à nos jours

Après le départ des Allemands, la Maison reprit son rythme, chacun revenant à sa place : les dames âgées, le Patronage des Jeunes Filles de la paroisse avec M. le doyen Poncabaré et Mme Robert, les élèves, les religieuses.
C’est dès cette époque que Saint-Michel pût élargir ses activités : les dames âgées plus nombreuses, les élèves de l’école également, ayant ajouté la section commerciale à la section professionnelle qui déjà préparait à divers CAP. À partir de ce moment, l’école est devenue Collège d’enseignement technique avec un internat, enfin, le dispensaire municipal occupant la partie nord-est du rez-de-chaussée. 
Là, il faut faire une remarque importante : le dispensaire est sous la direction d’une assistante sociale ajoutant, à la consultation des nourrissons, une permanence hebdomadaire. La collaboration avec les religieuses et la secrétaire de la maison, Mme Crassat, permet un contact utile avec toute personne ayant besoin d’aide et de renseignement.
Cet accueil à lui seul, se veut bien cordial, il est excellent, mais ne fait pas le travail de l’assistante sociale et sur le plan humain il doit être très bon.
Il est peut-être utile de faire connaitre que de 1951 à 1958 il y eut trois centenaires dans la Maison. La première, native de Blanquefort, Mme Pradère, est décédée dans sa 101e année, la deuxième dans sa 102e année ; enfin, la troisième, Blanquefortaise bien connue, avec son accent girondin très prononcé, Marie Videau est décédée sans sa 104e année.
À ce jour, la Maison doit avoir 109 ans. Les Religieuses y sont depuis 41 ans, se voulant accueillantes et dévouées à tous, jeunes et moins jeunes. Les dames sont au nombre de 33 et si l’on peut mettre complet sachant qu’il faut retourner à la Maison du Père, c’est avec affection de dévouement que seront accueillies d’autres Blanquefortaises.
Mais nous ne pouvons passer sous silence le travail sérieux, discret et efficace, autrement dit la collaboration de tout le personnel, cela dans tous les domaines depuis les professeurs jusqu’à la plus modeste employée de la maison ; vers elles, vont nos sentiments reconnaissants. Que le Seigneur par l’intercession de Saint-Michel, garde et protège toujours la Maison et les personnes qui l’habitent.

Sœur Marie-Eustelle. 26 mai 1975.

 

Autres articles sur ce site concernant Saint-Michel : Hôpital Saint-Michel pendant la guerre 14-18