Le camp de Germignan 

Un obus dans les bois 

C'est sur un site de fouilles, sur le chemin du Foin, que l'engin a été découvert mardi. Les démineurs sont intervenus. C'est à proximité de l'allée du Sergent, qu'un engin de la Première Guerre mondiale a été retrouvé sous quelques centimètres de terre. Il s'agit d'un obus de 75 mm, non tiré mais très rouillé.

Comme il n'y a pas eu de combats en Gironde et, a priori, pas d'exercices de tir dans cette zone (ceux-ci étant plutôt réalisés sur le camp de Souge), il s'agirait d'un dépôt sauvage comme il en existait beaucoup dans la forêt.

Les gendarmes, alertés, sont venus sur les lieux, mardi, afin de baliser la zone avant que le service de déminage n'intervienne le lendemain pour détruire l'obus. Des fouilles archéologiques se poursuivent à cet endroit dans la forêt du Taillan, entre le camp de Germignan et l'ancienne maison de résinier, chemin du Foin.

Selon les témoignages d'anciens Taillanais, les évadés passaient dans cette zone pour s'éclipser à la tombée de la nuit. La découverte de quelques boutons de vareuse confirme ces récits. Les fugitifs, majoritairement des Nord-Africains, revêtaient des habits civils récupérés auprès des habitants et leur laissaient les costumes militaires. Une aubaine pour la population qui s'appropriait ces vêtements chauds et imperméables, après avoir enlevé les boutons jugés disgracieux. Article du journal Sud-ouest du 22 juillet 2016, Stéphan Grégoire.

Souvenirs 

Un Allemand sur les traces de son père. Bernd Link était hier au Taillan-Médoc pour découvrir l’histoire de son père, prisonnier au camp de Germignan en 1945. Le 19 juillet dernier, la mairie du Taillan-Médoc a reçu un courriel d'un Allemand, Bernd Link, qui souhaitait en apprendre un peu plus sur son père. Ce dernier avait été prisonnier de guerre en 1945 au camp de Germignan (dépôt 182), situé sur la commune.

Hier, Bernd Link, accompagné de son épouse Irmgard et de leur fille Eva, ont été reçus par l'historien local Dominique Durand qui, depuis deux ans, travaille sur le camp de Germignan, avec le conseiller municipal Michel Rondi. Ils ont ainsi pu leur présenter de nombreux documents relatifs à ce « dépôt 182 », et leur offrir un recueil rassemblant le tout et intitulé « Auf den Spuren ihres Vaters » (« Sur les traces de votre père », en français). C'est Marie-Josée Brehm, professeur d'allemand, qui a assuré la traduction lors de cette rencontre.

La vie dans le camp de Germignan était loin d'être des vacances, comme en témoignent les nombreux rapports sanitaires collectés par l'historien. Une épidémie de typhus a provoqué la mort de 495 prisonniers, dont 398 dans la seule période entre septembre et octobre 1945. Le père de Bernd Link a, lui aussi, été gravement malade, mais a pu en réchapper, après avoir été transféré au camp voisin de Souge. Il a pu rejoindre sa famille en Allemagne en mai 1946. Avant la guerre, il était professeur de français et avait fait ses études à l'université de Lyon en 1930. Il est aujourd'hui décédé.

La visite de Bernd Link au Taillan-Médoc est tombée à point nommé puisque la municipalité, par l'intermédiaire de Michel Rondi et Dominique Durand, est en train de préparer une commémoration pour l'été prochain. En effet, le 26 août 2017 marquera les 73 ans du départ du camp de Germignan des troupes d'occupation. Avant, celui-ci servait déjà de camp de prisonniers, principalement des Nord-Africains capturés parmi les troupes alliées. Aujourd'hui, il ne reste plus aucune trace physique de ce dépôt 182, sur lequel a poussé la résidence de La Boétie. L'entrée du camp était jadis située place Buffon.

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Il existait également deux autres camps à proximité, situés sur la commune de Saint-Médard-en-Jalles, celui des Annamites (dépôt 183) et celui de Souge, qui faisait office d'hôpital. Il y en avait également un à Biscarrosse.

Une exposition de documents sera présentée au public le 26 août 2017. Elle est en cours de collecte. Les Taillanais disposant de textes, de photos, de témoignages relatifs au camp de Germignan peuvent contacter la mairie pour les prêter le temps de la commémoration.

 

 

Article du journal Sud-Ouest du 3 août 2016.

Irmgard, Eva et Bernd Link ont été reçus par Michel Rondi et Dominique Durand (debout).Photographie. J.-M. L. B.

 

 

 

 

 

Les 500 soldats allemands morts au camp en 1945 

À partir de septembre 1944, les soldats allemands et italiens faits prisonniers en Gironde seront retenus principalement dans les camps de Germignan, au Taillan, et de Saint-Médard-en-Jalles. En Gironde, le nombre total des prisonniers est estimé de 15 000 à 20 000. Il fallait reconstruire le pays et faire redémarrer l’économie. Aussi, à leur tour, les prisonniers allemands seront contraints d’aider en mettant leur force physique au service, le plus souvent, des agriculteurs.

La commune du Taillan-Médoc a abrité pendant la Seconde Guerre mondiale le camp de Germignan, destiné aux ouvriers de la poudrerie ; il a été réquisitionné en suite par les Allemands pour servir de camp de prisonniers pour les soldats français, Sénégalais en particulier, puis a été reconverti en cantonnement pour de nombreux prisonniers Allemands en 1944-1945. Dès le 24 octobre 1939, le conseil municipal du Taillan étudie la possibilité d’hébergement de réfugiés dans sa commune ; dans sa séance du 10 décembre 1939, il est question de la création du camp de Germignan, dans la forêt communale, réquisitionnée sous le nom dit « quart de réserve », environ 20 hectares de terrains destinés à l’établissement de baraquements pour le logement des ouvriers militaires de la poudrerie de Saint-Médard.

Puis à la séance du conseil municipal du 18 février 1940, il est signalé que les baraquements se construisent rapidement, l’amenée d’eau se poursuit activement ainsi que l’aménagement d’une partie de la forêt. M. le maire exprime sa satisfaction et espère que les améliorations resteront à la commune lors de la remise de la forêt. « Des camps dotés de baraquements en bois avaient été érigés en 1937-1938 pour accueillir les Espagnols fuyant la guerre civile et la dictature de Franco. En 1939-1940, ces locaux furent affectés aux personnels travaillant en renfort à la poudrerie de Saint-Médard-en-Jalles. Les troupes allemandes occupèrent les lieux dès l’été 1940, les transformant avec fils de fer barbelés et miradors en camps de prisonniers « hébergeant » les troupes coloniales françaises (tirailleurs marocains et sénégalais), des infirmiers français et quelques italiens.

Le camp de Germignan, quant à lui, s’étendait de part et d’autre de la route reliant Saint-Médard au Taillan (actuelle avenue de la Boétie) sur une longueur de trois à quatre cent mètres, dans une parcelle boisée de pins maritimes et de landes. De Saint-Médard vers le Taillan, sur la gauche de la route centrale, étaient les bureaux, cuisines, infirmerie, annexes diverses. Sur la droite, les baraquements « locatifs ».

Après la guerre, les rôles s’inversèrent, les allemands devinrent les prisonniers des marocains et sénégalais. La musique des tirailleurs marocains (on appelait le défilé : la « nouba »), bélier en tête, défilait dans les rues de Saint Médard en 1946-1947… C’était l’attraction de nos récréations. Cependant le soir, à la sortie de l’étude, nous les garçons, sur les recommandations de notre maître d’école laïque, devions ne pas traîner pour rentrer à la maison et surtout accompagner le plus loin possible nos camarades filles… nous avions 13, 14 ans.

Également dans ces années, une épidémie de typhus décima les prisonniers allemands et chaque jour les corps de ces malheureux étaient acheminés à Saint-Médard au lieu-dit Caupian, où un important cimetière exista jusque dans les années 1964-1967, date de la translation (sans doute vers 1982) des corps vers le cimetière allemand de Berneuil en Charente Maritime » (M. René Daix, historien de Saint-Médard-en-Jalles.)

Certains de ces prisonniers avaient été adoptés par des familles des environs et avaient droit à des permissions de sortie le dimanche où ils se retrouvaient dans ces familles avec leurs « marraines ».

On trouve aussi dans les registres de l’état-civil de la commune du Taillan les informations suivantes qui concernent ce camp de Germignan :

- le décès de Favier Jules le 14 juin 1940, né le 21 juillet 1894 à Haubourdin Nord, décédé à l’hôpital des prisonniers de guerre de Germignan, soldat à la 4ème Cie de Travailleurs militaires, avec la mention « mort pour la France ».

- d’avril 1942 à février 1944, 28 autres soldats français sont décédés au même hôpital, ils sont nés en Algérie (11), Maroc (8), Tunisie (3), Madagascar (2), Soudan (2), Guinée (1), Côte d’Ivoire (1), la plupart appartenant à des régiments de Tirailleurs Algériens, Marocains, Tunisiens… 13 d’entre eux sont mentionnés « mort pour la France ».

Habituellement, les décès annuels de la commune du Taillan sont autour d’une moyenne de 21 par an de 1933 à 1939 et de même après 1947.

Durant la guerre, on note donc des augmentations significatives, puisqu’il faut rajouter la trentaine de soldats français décédés à l’hôpital des prisonniers de guerre de Germignan de 1942 à 1944, ainsi que 5 prisonniers Italiens mais surtout un nombre considérable de prisonniers de guerre allemands morts dans le même hôpital en 1945.

Au total, 490 soldats allemands prisonniers sont décédés au Taillan cette année-là. Le service de l’état-civil de la commune a dû consacrer un registre entier pour cette année et a même rajouté des pages. Ce document est impressionnant.

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La courbe des décès renvoie à l’hypothèse hautement probable d’une épidémie avec un pic impressionnant en octobre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Michel Baron, historien d’Eysines, pense que « les restrictions ont continué après la guerre, pendant plusieurs années, jusque vers 1948 et que ces prisonniers étaient mal nourris et que peut-être l’opinion publique ne portait pas dans son cœur les prisonniers allemands, soif de revanche, humiliations subies…. ». Par ailleurs il se souvient qu’enfant, à Magudas, on vaccinait contre le typhus dans l’immédiat après-guerre. deces45

Il semble que ces faits dans leur ensemble ont été oubliés par la population du Taillan, et largement ignorés dans les communes voisines.

Sources : Marlène Hunold : Les prisonniers de guerre Allemands dans le département de la Gironde, 1944-1948. T.E.R. Master Université Michel de Montaigne, Bordeaux III, 2006.

Catherine Bret-Lépine et Henri Bret, Années sombres à Blanquefort et ses environs 1939-1945, Publications du G.A.H.BLE, 2009.

Ne serait-il pas envisageable qu’une plaque commémorative rappelle ces faits à l’entrée du cimetière du Taillan ?