Les Rogations

Nous avons ensuite, les Rogations : ce sont des prières de demandes liturgiques accomplies par la communauté chrétienne à une époque de l'année fixée au printemps. Elles ont pour objet de demander à Dieu un climat favorable, une protection contre les calamités, et peuvent être accompagnées d'une bénédiction de la terre, des champs et du matériel. Pour cette cérémonie, un reposoir composé d'une table recouverte d'une nappe blanche, d'une croix, d'un bouquet de fleurs était installé devant les maisons ou les châteaux qui le souhaitaient, afin que M. le curé passe et bénisse, la maison, les terres, les récoltes et les habitants. Il bénit aussi à cette occasion toutes les croix du village et celles qui sont situées dans les près et qui auront été préalablement préparées.

Elles ont lieu durant les trois jours précédant la fête de l'Ascension, 36 à 38 jours après Pâques, c'est donc en mai. Les enfants, filles et garçons du village, s'en vont, aux aurores, en compagnie de M. le curé visiter et bénir les châteaux, les fermes et les maisons bourgeoises des environs de Macau. À tour de rôle les « drôles » portent la croix, tandis que les filles prennent soin du récipient contenant l'eau bénite. On va en chantant tous en chœur à tue-tête dans notre belle campagne, nous respirons à pleins poumons l'odeur des foins, du fenouil et du tilleul. Le premier jour, nous allons à la Houringue, retour par Rose la Biche et Bern. Quel souvenir : ces châteaux qui embaument la fleur de vigne. Il ne faut pas s'étonner que le vin de certains crus soit délicieux, c'est comme l'odeur de leur fleur... aucun parfum ne peut égaler ni ressembler ni rivaliser avec... la fleur de vigne ! (la fleur de vigne vient en forme de grappe). Devant le perron des maisons sur une table, on dresse l'autel. En général, il y a de très beaux vases contenant des roses odorantes, des œillets et des lys. Peut-être à cause de cette vieille coutume, nos MM. Vieillard avaient créé une collection de vases d'église de toutes les tailles et de toute beauté ; c'était l'œuvre du dessinateur Amédée de Caranzan. Les propriétaires présents des châteaux visités assistent en personne à la cérémonie. Nous nous égosillons à leur chanter : « C'est le mois de Marie, c'est le mois le plus beau... ». À Priban, nous entrons par la rue des « paysans », au fond, l'étable, nous en respirons l'odeur, elle nous annonce que nous allons recevoir un bon bol de lait chaud. La belle dame, aux si jolis cheveux blancs, qui à son grand regret n'avait pas eu d'enfants, vient surveiller le régal des gosses. Aux fleurs, on joignait pour M. le curé, quelques bottes d'asperges, de bonnes salades, une corbeille de prunes. Pour les jeunes des biscuits, des petits pains, parfois un bol de lait frais ou un doigt de sirop de groseille étendu d'eau. On reprend la route gaiement. Pour abréger, on traverse les vignes, si on trouve un prunier « verdanne » nous le dévalisons à moitié, nous remplissons nos poches de fruits sans que M. le curé s'en aperçoive. Le dernier jour, nous passons à Bern ; ce sont les dames Courrèges et Maxilien qui nous accueillent sous les grands platanes devant leur belle demeure Directoire. Un peu plus loin, c'était Mlle Dugravier avec sa petite figure et sa capote de soie puce nouée sous le menton. Nous rentrons vers 4 heures harassés mais joyeux faisant des projets pour l'an prochain, car on fait ces promenades pendant les trois années de catéchisme.

Texte extrait du livre : Une pensée de Macau, Marie-Christine Corbineau, Les Enrasigaïres, 2012, p.54.59.

 

(voir l’article dans Canton (vie religieuse) sur l’origine des Rogations…)