Hastignan, Cérillan, Issac, Le Lignan 

 

Le village d'Astignan (ou Hastignan) est situé sur la route du Porge, avec comme limites à l'est, le chêne de « Tanéou » (à l'intersection des rues Jean-Jacques-Rousseau et Alexis-Puyo) et à l'ouest, le ruisseau de Mariam. À l'entrée, on remarque d'anciennes maisons longues et basses en pierre de Caupian, implantées sur la droite parallèlement à la route et perpendiculairement à gauche, cas typique d'Hastignan. 

Dans le centre, plusieurs maisons à étage abritaient le plus souvent les commerces : une boulangerie, une boucherie, une épicerie, une rnercerie-quincaillerie, une cordonnerie et deux cafés-restaurants. Un commerce de grains et issue, un coiffeur pour hommes ont offert leurs services pendant trois générations. Il y avait aussi deux forges-maréchaleries, presque face à face, qui étaient tenues par deux frères surnommés « les Brûlefer ». Ils fabriquaient à la demande les « hapchots » des résiniers [Le hapchot (du gascon lo hapchòt) est un outil à bec recourbé utilisée par les gemmeurs pour rafraîchir la care des pins dans les Landes de Gascogne]. Les habitants étaient agriculteurs et possédaient une ou plusieurs parcelles de vigne. Suivant les années, lorsque la production de vin dépassait la consommation familiale, le supplément se vendait à la grande satisfaction du propriétaire. Le principal acheteur était le camp de Caupian.

Certains élevaient vaches et moutons, mais on ne voit plus de troupeaux depuis quelques années. Située à Picot, une bergerie de style classique, tout en bois, datant du milieu du XIXe siècle, en bon état de conservation, avec une belle charpente, a été démolie en 1996 pour implanter un lotissement. La disparition de ce témoin du passé a peiné les anciens d'Hastignan.

Suivant la nature du sol, on cultivait des fraises, travail délicat réservé aux femmes et aux enfants. Ces fruits, ainsi que les légumes de saison, étaient acheminés pour être vendus sur le marché des Capucins à Bordeaux. L’attelage était remisé le plus souvent rue Élie-Gintrac. Le cheval dételé mangeait et se reposait... et on rentrait à la maison, fatigué mais heureux de ramener un maigre mais précieux pécule. Quelques petites entreprises familiales employaient un peu de personnel : un tonnelier, plusieurs scieries et des ligotiers. Les mains agiles des femmes réalisaient les ligots. Acheminés sur Bordeaux ils servaient à allumer le foyer des cheminées, des cuisinières...

Au début du siècle existait une fabrique de manches à balai assez florissante. La production, souvent réservée à l'exportation, était « charroyée » sur les quais. Près du centre, un limonadier fabriquait et vendait sa production uniquement sur la commune. Sa femme, avec une charrette et un cheval, faisait les livraisons par tous les temps. Elle approvisionnait Bonneau et Souges, Caupian, la poudrerie et tous les nombreux bars jusqu'à Gajac. Son successeur s'est installé près du bourg et a continué durant de nombreuses années.

Un sabotier, toujours installé près du centre, utilisait essentiellement du bois d'aulne et d'orme. Ces arbres poussaient au bord de la Jalle à Bonneau et Candale. Il travaillait sur commande et fournissait, entre autres, le sanatorium du Moutchic. En 1930, pour le concert des écoles de Cérillan, le thème choisi, « Le mariage normand », nécessitait des sabots à bouts longs, pointus et recourbés. Le sabotier d'Hastignan réalisa un par un de purs chefs-d’œuvre. En 1932, ce fut l'apparition des sabots en cuir et le sabotier est entré à la poudrerie.

À partir de 1930, la majorité des familles comportait un ou plusieurs hommes poudriers.

La petite place est ornée d'une croix bénie en 1864. Elle a été déplacée en 1955-1956. C'est autour d'elle qu'avait lieu la fête du village, le dimanche après le 14 Juillet. Elle durait trois jours : le samedi, attractions, manèges et bal ; le dimanche, repas de famille avec tous les cousins des alentours, ensuite la promenade dans la fête : retrouvailles, embrassades, papotages tout en surveillant les enfants sur le manège et, bien sûr, bal en matinée et en soirée ; le lundi, divers jeux : course en sac, mât de cocagne et l'incontournable concours de grimaces où les spécialistes venus des environs mettaient tout leur talent pour amuser l'assistance et essayer de gagner le premier prix tant convoité. Il y eut aussi, pendant quelques années, un faux mariage reconstitué, ce qui permettait de sortir des malles les vêtements anciens. Le président du comité des fêtes, qui était aussi conseiller municipal et surnommé le maire d'Hastignan, célébrait cette union ceint de son écharpe tricolore. Hastignan possédait une salle de bal qui ne servait pas uniquement pour la fête locale. Certains dimanches, au début du siècle, on y dansait le quadrille. Ces bals connus et réputés attiraient les jeunes et les moins jeunes des villages voisins. C'était la Belle Époque. Durant les mois d'été, le dimanche après-midi, la « musique » du camp de Caupian donnait des concerts sous les acacias. Les habitants avaient l'habitude d'y aller en famille écouter, regarder et même danser, Des petits groupes se formaient par affinité, et les adolescentes, dans leur robe de mousseline ou d'organdi, garnie de valenciennes, rêvaient d'un éventuel prince charmant, si possible en tenue d'officier.

En 1930, au cours d'un raid aérien, un avion s'est écrasé sur le terrain compris entre l'actuel Espace Georges-Brassens et le n° 98 de la rue Anatole-France. Le petit avion en bois vernis n'était plus qu'un tas informe de petits morceaux. Les enfants ravis y puisèrent un souvenir à ramener à la maison. En peu de temps, presque tout disparut.

Le dimanche 26 juin 1932, grande effervescence dans tout Hastignan : le circuit automobile organisé par l'Automobile Club du Sud-Ouest traversait le village. Le départ et l'arrivée se faisaient route de Lacanau à la « borne 13 ». Le tracé descendait jusqu'à la Vierge, remontait la route d'Hastignan (rues J-J-Rousseau et Alexis-Puyo), tournait à droite au café Fournier, l'actuel Tournebride, continuait jusqu'à Picot (rue Aurel-Chazeau), reprenait la route de Lacanau jusqu'à la « borne 13 » et ainsi de suite. Sur tout le circuit, le revêtement de la chaussée avait été refait et l'actuelle rue Aurel-Chazeau, simple chemin de terre gravé, avait été empierrée et goudronnée pour la circonstance, à la grande satisfaction des riverains. Impossible de circuler dans le village, tout était fermé, grillagé depuis tôt le matin. Des sacs de sable protégeaient le café Fournier, heureuse idée car une voiture Renault a, une fois, manqué un virage et percuté les sacs. Plusieurs personnes sont intervenues pour retirer la voiture qui a pu continuer sa route sans dommage. Dans les jardins longeant le trajet, des gradins avaient été aménagés pour permettre à la foule dense de profiter du spectacle. Le midi, court arrêt pendant lequel le café regorgea de monde et la course repartit. 

Hastignan, c'est aussi le siège de la Société de secours mutuels Saint-Pierre d'Hastignan qui couvrait Hastignan avec Picot, Cérillan, Issac et Le Lignan, fondée le 3 novembre 1867 sous la dénomination « Société philanthropique du village d'Astignan en l'honneur de Saint-Pierre ». Ses activités n'ont aucun caractère religieux ou politique. Établie sur la commune de Saint-Médard, elle a cohabité avec cinq autres sociétés de même nature, mais elle reste la seule à l'heure actuelle à assurer la fonction de mutuelle. Chaque village possédait sa ou ses sociétés de secours mutuels, Saint-Pierre est donc la dernière à survivre parmi celles de toutes les communes environnantes, mais pour combien de temps ? 

En ce dernier quart de siècle, de nouvelles réalisations ont vu le jour : l'école primaire d'Hastignan en septembre 1974, l'école maternelle d'Hastignan en janvier 1975, le collège Hastignan à la rentrée 1974, l'école maternelle La Garenne en septembre 1980, l'école primaire de La Garenne en septembre 1981, la salle Léo-Lagrange en juillet 1981, la piscine Tournesol ouverte le 2 novembre 1981, deux courts de tennis, à proximité de la salle polyvalente, en juillet 1986, l'Espace Georges-Brassens inauguré lors de la fête d'Hastignan en septembre 1989, l'agence postale ouverte en 1989.

 

Village de Cérillan ou Sérillan

 Le village de Cérillan (ou Sérillan) est situé sur la route du Porge entre Hastignan et Issac avec comme limites à l'est le ruisseau de Mariam, à l'ouest l'actuelle piste cyclable. De très vieilles constructions en pierre de Caupian subsistent, maisons d'habitation basses, dépendances, et deux maisons à étages seulement. Les habitants étaient agriculteurs et possédaient une ou plusieurs parcelles de vigne pour leur consommation personnelle. Certains élevaient des moutons et des vaches. On ne compte plus qu'un troupeau de moutons et un de vaches. Quelques blanchisseuses lavaient en bassin alors que très peu savonnaient et rinçaient au ruisseau. Les hommes étaient le plus souvent poudriers. Une laitière portait le lait à domicile, tous les jours sauf le dimanche ; elle a cessé son activité dans les années 1970. Il y eut longtemps une épicerie gérée par la Coop. Sur la place Pierre-Marceron (enfant de Cérillan disparu au STO), près de la croix, le feu de Saint-Jean était allumé.

Le 24 juin 1948 s'est produit un accident stupide : deux adultes de trente-cinq et trente-huit ans ont jeté dans le feu des balles à blanc récupérées à Souges, ce qui produisit un feu d'artifice. Malheureusement, un petit garçon de dix ans, Gilbert, se trouvant avec sa famille, a eu un œil crevé. Les deux hommes ont été condamnés à verser une rente à ses parents jusqu'à la majorité de l'enfant.

La croix a été bénie en 1864 et cent ans plus tard, elle a été déménagée et installée à l'emplacement du puits communal, à l'intersection des rues Claude-Debussy et Jules-Massenet. Un matin, il y a environ dix ans, les habitants du quartier ont eu la désagréable surprise de constater que seul le socle restait. Dans la nuit, la croix en fer forgée avait été sciée et volée. Elle a été remplacée par l'actuelle ; de style plus moderne.

Dans la nuit du dimanche de Pâques 13 avril 1941 au lundi 14, trois bombes sont tombées sur Cérillan : une sur les chais (parc à cochons d'une maison, la deuxième sur l'actuelle avenue Voltaire, la troisième dans un jardin (rue Vincent-d'Indy). Une dame de quatre-vingts ans, blessée par des éclats, décède une semaine après. Les maisons ont été plus ou moins endommagées, en particulier celle d'une famille nombreuse. Ainsi, une chaîne de solidarité s'est vite mise en place. Les enfants en pleurs ont terminé leur nuit dans une maison près de l'école. Le lendemain, beaucoup de personnes sont venues constater les dégâts, notamment le maire et le curé Montfort. Une habitante d'Issac possédant une voiture à gazogène, chose rare ici, a amené des enfants à Lacanau chez leur grand-mère et les parents ont été relogés provisoirement dans une maison (la villa bretonne) à l'entrée du village.

À Cérillan, il n'y avait pas de fête locale comme dans les autres quartiers de la commune. Aussi en 1957, des habitants se sont groupés et, après accord de la mairie, ont organisé une manifestation très animée avec élection de la reine et de ses demoiselles d'honneur, en présence du maire et de quelques membres du conseil municipal. Cette fête a duré jusqu'en 1968, toujours le troisième week-end du mois de mai. Elle avait lieu dans un pré avenue Voltaire et les dernières années place Marceron.

En 1870, à Cérillan, une école libre était tenue par les sœurs. En 1882, la commune achète le bâtiment à M. Porcheron pour onze mille francs. Après restauration il y aura deux écoles publiques : une de garçons et une de filles. En 1907, un second bâtiment est construit. En 1956, la troisième partie est achevée (cantine, deux préaux et deux classes). L’inauguration eut lieu en présence du secrétaire d'État, Jean Masson, entouré du maire et de son conseil municipal au grand complet. Elle fut animée par la philharmonie de Saint-Médard dirigée par M. Gendreu. En 1969, eut lieu un nouvel agrandissement suivi ultérieurement de diverses modifications. Cette école était destinée aux enfants d'Hastignan avec Picot, Cérillan, Issac et Le Lignan.

La limite était le chêne de Tanéou. Si l'on habitait d'un côté ou de l'autre de cette limite, on allait soit à l'école de Cérillan soit à celle du bourg. C'était le règlement et tout le monde le respectait.

Au début du siècle, les enfants, garçons et filles, étaient mélangés dans deux classes : une pour les petits, une autre pour les grands. Ils étaient réunis pour la photo en début d'année scolaire et pour le concert de juillet, mais ils étaient  séparés pour les récréations (deux cours, deux préaux). Bien sûr la cantine scolaire n'existait pas, les enfants rentraient chez eux le midi, les plus éloignés emportaient la gamelle et mangeaient dehors sous le préau. L’hiver, quand le temps était très mauvais, ils avaient le droit de manger dans la classe sur les bureaux. En 1913, cette école connut son moment de gloire. Mlle Barraton, l'institutrice, ne présentait qu'une candidate au certificat d'études. Comme il n'y avait aucun garçon, elle portait seule les couleurs de l'école. On avait confiance en elle. Mais il y avait « l'épreuve » du chant et elle chantait faux. La petite fille rieuse aux longues anglaises acajou eut toutefois son certificat d'études et fut même la seconde du canton. L institutrice rayonnait !

La kermesse des écoles se tenait le 14 juillet, dans le jardin de la mairie. La scène était dressée devant les bains-douches, l'actuel Centre Mendès-France. En 1951, M. Borie, l'instituteur, avait préparé des poèmes : « Les blanchisseuses », « Les chasseurs », « L’autobus », « Sérillan » à chanter respectivement sur les airs de chansons bien connues : « Viv' le vent », « Sont les filles de La Rochelle », « Le fiacre . Le dernier sur Sérillan était chanté sur l'air de « Auprès de ma blonde ». Ce fut un franc succès. Il commençait ainsi : « Il est près de ma ville - Un petit coin charmant - Tout plein de belles choses - Ce coin c'est Sérillan » et se terminait par : « Sérillan souhaite - À vous tous, petits et grands - Sérillan souhaite - Vacances et beau temps. » 

À quelques mètres de l'école de Cérillan, passée la piste cyclable, il y avait le passage à niveau non gardé dit d'Issac. Ce lieu très dangereux était craint et les accidents furent nombreux. Le 9 octobre 1931, la draisine qui amenait quatre ouvriers a heurté une voiture conduite par un Issacais. L’un d'eux, âgé de trente-deux ans, a été tué sur le coup. II laissait une veuve et une petite fille de quatre ans. Comme il fallait bien vivre, la maman est devenue garde-barrière à Salaunes puis à la halte du Camp des Lanciers où elle délivrait les billets.

Quelques années plus tard, l'autobus Migeon s'est écrasé sur la micheline. Mme Migeon, assise à l'avant, a été tuée, son mari le conducteur n'a rien eu. Il a continué son métier en desservant Le Porge, Le Temple, Issac... L’autobus partait du Porge le matin et terminait son voyage cahoteux à Bordeaux sur une petite place près de l'église Saint-Seurin et repartait le soir. Malgré l'inconfort le plus total et les pannes de moteur fréquentes, l'ambiance amicale était unique et inoubliable car tout le monde se connaissait.

 

Village d'Issac

 Dernier village sur la route du Porge, Issac avait comme limite ce dangereux passage à niveau. De vieilles constructions longues et basses en pierre de Caupian subsistent encore ainsi que quatre maisons à étage : une à l'entrée où résidait de temps en temps le général Niox (1840-1921), professeur de géographie à l'École militaire supérieure, deux au centre et une à Pilliole (habitation du régisseur de Rallye-Souges).

En 1904, Cérillan et Issac réunis comptaient soixante-deux foyers. En 1968, soixante maisons environ étaient dénombrées sur Issac seul. Depuis, de nombreux lotissements ont été réalisés. Au centre, il y avait une boucherie, un coiffeur pour hommes, un maréchal-ferrant et face à face deux cafés-restaurants-épiceries dont un avec poste d'essence en service jusque dans les années 80.

À quelques mètres, à l’entrée du village, un autre petit café-épicerie. C'est près de cet établissement qu'une maison de quartier a vu le jour en 1992. C'est là que les Issacais votent. Avant cette date, ils allaient à l'école de Cérillan.

Depuis 1995, un boulodrome offre ses services aux amateurs de pétanque. Des concours y sont organisés. C'est un lieu agréable et accueillant avec, aux alentours, massifs fleuris, arbres et arbustes et, bien sûr, la croix datant de 1853. Elle a été déplacée lors du passage du tout-à-l'égout et remise en état bénévolement par un Issacais.

Tout près de là, un atelier de menuiserie, animé par un personnage haut en couleur, ancien combattant 14-18, fabriquait à la demande et sur mesure les « battoirs » et bancs à laver des blanchisseuses. Sa femme Émilia Martin, la doyenne de Saint-Médard, a vu le jour le 22 mai 1896. Elle habite toujours la maison où elle est née et où ses parents et grands-parents ont vécu.

Les habitants étant en majorité agriculteurs. On pouvait voir quelques parcelles de vigne, cinq troupeaux de vaches et un attelage de mules qui subsista jusque dans les années 50. S'il y avait quelques ouvriers bûcherons, par contre on comptait très peu de poudriers. Le village avait de quinze à vingt blanchisseurs qui lavaient en bassin. Au début du siècle, certains savonnaient et rinçaient dans le ruisseau le Guitard. Faute de lavoir communal, chacun construisait un abri précaire en bois. Ce métier n'était pas réservé uniquement aux femmes : les hommes participaient les trois premiers jours : mardi, mercredi et jeudi. Ensuite, ils s'occupaient de leur vigne et de leur jardin. Le lundi, on allait à Bordeaux en amenant linge et légumes.

Dans de rares maisons, on était uniquement maraîcher. Certains possédaient des jardins à Caupian au bord de la Jalle. Un seul continue ce métier. On aimait les réjouissances, un comité des fêtes s'est créé en 1929 et en 1931 une société carnavalesque « La Fourchette Issacaise ». Quelques habitants de Cérillan venaient en renfort pour confectionner les chars et participer au défilé. Le premier char date de 1931 : un cheval tirait une charrette décorée de lierre, sur laquelle était installé un bateau où trônaient des enfants en costume marin. Un mât était retenu par deux fils de fer garnis de fleurs en papier qui figuraient la voile. Quelle fierté pour Issac de participer aux cavalcades de Saint-Médard, le mercredi des Cendres ! Cet exploit se renouvela jusqu'en 1939. Après la guerre, les deux sociétés fusionnent, La Fourchette Issacaise participe au carnaval de Bordeaux et une année obtient le deuxième prix. Le retour fut triomphal.

La fête locale avait lieu le deuxième dimanche de septembre. Elle se déroulait sur trois jours... Plusieurs baraques foraines, stands de tir et loteries s'installaient de chaque côté de la route. Un seul manège devant le café Mano-Turon amusait petits et grands : le très beau « carrousel » Angelby avec ses cochons et chevaux qui montaient et descendaient. Partout des glaces biseautées et surtout les automates musiciens qui tournaient en frappant sur des cymbales, entraînés par le mouvement du manège, au son du limonaire. Le lundi était réservé aux jeux divers classiques. Le mât de cocagne était toujours au même endroit, sur la toute petite place formée par l'intersection de l'avenue Blaise-Pascal et des rues Gustave-Eiffel et Ambroise-Paré. Vers la fin des années 60 et début 70, le dimanche après-midi, il y avait une course de vaches landaises à Piliole, actuel lotissement des Castors.

Issac, c'est aussi la patrie du coureur cycliste amateur Kléber Demanes, né le 10 octobre 1919 et mort le 18 février 1993. Il a été champion de France amateur par équipe, sur piste et sur route, champion de Guyenne de cyclo-cross.

Deux rues portent le nom de personnages nés ici, connus et aimés des Issacais : Noël Lacoste, 1910-1982, ancien combattant 39-45, chevalier de la Légion d'honneur et Kléber Ferron, 1922-1976, ancien déporté du travail.

La gare d'Issac fut longtemps tenue par une femme qui délivrait les billets et contrôlait l'énorme bascule servant à peser les chargements de bois. Ce bois, principalement du pin débité en billons de deux mètres, arrivait par attelages divers : chevaux, bœufs pendant la Deuxième Guerre et mules depuis Rallye- Souges (chargement sur bros de quatre tonnes et demie). Il était stocké sur des wagons quelquefois bâchés et mis en attente sur une voie de garage. Une voie ferrée, dont l'embranchement se situait à la hauteur de Cérillan, alimentait le parc d'artillerie de Bonneau. Pendant la guerre de 1914-1918, les Américains ont prolongé la voie jusqu'au camp de Souges en traversant le domaine de Rallye-Souges.

Le moulin de Bonneau est le premier de la série sur le cours de la Jalle. Il est près de la source. C'était sûrement le plus petit de tous les moulins. De construction classique, il possédait un déversoir en maçonnerie, un seuil en pierre de taille dure et trois pelles de fond. En 1842, on ajoute une forge. En 1877, une scierie actionnée par l'eau est déjà installée ; cinq hommes et un enfant y travaillent. C'est là que les « taoulets » utilisés pour la protection de la vigne de Rallye-Souges étaient fabriqués. Le mazout a plus tard remplacé l’eau. Rien ne subsiste de cette construction.

Le domaine de Rallye-Souges s'étend sur trois cent trente hectares dont l'activité principale était la chasse. Jusqu'à la guerre de 1914-1918, on y organisait des chasses à courre très réputées. Après la guerre, le nouveau régisseur, Verdier, réorganisa le domaine en propriété agricole. Le nom « le Chenil » ayant été donné au lieu-dit, celui-ci fut aménagé en constructions pour le personnel : treize familles y vivaient avec une coopérative. On comptait deux jardiniers, trois résiniers, deux muletiers, un vacher, deux bûcherons et d'autres personnels (garde-chasse...). L’ensemble comprenait un seul puits commun à tous. En 1998, le château a été démoli et il ne reste plus que les dépendances. Le château était une très belle maison de maître avec étage, façade en pierre et large escalier avec perron. Les dépendances avec étage, très belles également, abritaient le bureau du régisseur et la coopérative. Le bétail était constitué de plus de trois cents moutons puis de sept à huit vaches, dont la litière était constituée de « bauge » des marais coupée à cinquante centimètres, et de plusieurs cochons. Pour assurer la nourriture de ces derniers, les femmes ramassaient les glands qui étaient conservés et stockés dans des fûts remplis d'eau. La propriété produisait tout ce qui était nécessaire à la subsistance des personnes : productions maraîchères : haricots verts, cresson etc. (sauf pommes de terre), fruits, miel, vin. L'excédent de certains de ces produits et le bois étaient vendus à l'extérieur. Le domaine possédait une grande étendue de vigne en cépages cabernet et merlot (carmenière) sur sol graveleux. C'était un cru bourgeois. Le terrain étant gélif, avec gelées tardives, les pieds étaient recouverts par un reliage de deux planches appelé un « taoulet ». Rallye-Souges possédait également de la vigne dans le Médoc ; on pratiquait parfois le coupage de vin entre les deux propriétés. Un attelage tiré par un ou deux chevaux partait de Rallye-Souges, l'autre du Médoc ; ils se rencontraient en un point bien précis à Castelnau. Chaque charretier changeait d'attelage et revenait à son point de départ. La présence d'un lac avec bateau permettait la pêche aux « assèges » [poisson proche du gardon] pratiquée la nuit avec une lampe à carbure.

À l'ouest d'Issac, longeant la piste cyclable, le domaine ou ferme de Bellecour, composé de plusieurs bâtiments en briques et moellons, semble dater du milieu du XIXème siècle. La maison d'habitation était nommée par les Issacais « château de Bellecour ». Elle comportait deux tours et une chapelle. Les prêtres de Saint-Médard venaient de temps en temps y dire la messe. L’une des dernières propriétaires était tireuse de cartes et un peu guérisseuse. Très réputée dans la région, on venait la voir de loin. Les « consultants » descendaient du train à la gare d'Issac et se rendaient ensuite au château à pied. Ils attendaient leur tour. Il ne subsiste que des vestiges de bâtiments en très mauvais état.

Sur la route du Porge, deux « écarts » sont rattachés à Issac. D'abord, le Sargat (ou Sarga) à trois kilomètres à gauche. Cette propriété de pins très étendue comprenait trois constructions : la maison du bûcheron, celle du résinier et la bergerie identique à celle de Picot (le propriétaire était le même). À deux kilomètres de là, à droite face au champ de tir du camp de Souges, la ferme de Toumieux (ou Thoumieux), était entourée de pins sur neuf cents hectares répartis sur deux communes (Saint-Médard et Salaunes). Plusieurs générations d'une même famille ont habité là pendant cent cinquante ans. Autour de la maison et au lieu-dit Tournel s'étendaient de nombreux prés pour les troupeaux de vaches. Toumieux était un endroit très connu et réputé pour la chasse aux « laudes » (alouettes) qui se pratiquait, en ce début de siècle, au « lignot » (petit lacet). Le lignot, réalisé en crin de cheval, comportant un nœud coulant, était fixé au bout d'un petit piquet en bois de vingt-cinq centimètres de haut planté entre deux mottes de terre. L’oiseau s'avançait dans ce petit passage et l'anneau se refermait sur lui. Cette chasse demandait de l'adresse et de la patience. Un « chicot mey de pacience ». Et puis les pantes (filets sur cadres articulés) firent leur apparition, même à Toumieux. C'était une véritable révolution, on attrapait plusieurs oiseaux à la fois et on pouvait enfin se rassasier : le salmis d'alouette était à la portée de tous !

Issac possède sur son territoire la source de Cap-de-Bos, le château de Belfort, actuel centre hippique et les usines du C.A.E.P.E. et de l'Aérospatiale.

 

Village de Lignan

À l'extrémité ouest de la commune, entre Issac et Salaunes, Le Lignan est un hameau d'une dizaine de maisons isolées les unes des autres, 4,5 km entre la première et la dernière. Ces constructions, avec de belles dépendances, sont longues et implantées perpendiculairement à la route.

Deux bergeries subsistent : l'une visible de la route datant de 1825, remaniée en 1959 avec une très belle charpente, l'autre de 1889 entièrement en bois, en parfait état, avec la couverture refaite en 1991.

Les habitants étaient tous exploitants forestiers ; chaque famille possédait un troupeau de vaches. Deux maisons ont fait pendant longtemps la culture de framboises. Ces fruits étaient acheminés sur Bordeaux pour la fabrication des liqueurs. Cette activité a été abandonnée dans les années 30.

Les enfants devaient officiellement aller à l'école à Cérillan. Seuls, ceux des deux premières maisons pouvaient le faire et couchaient, surtout l'hiver, à Issac. Les autres allaient à Salaunes plus proche.

Le catéchisme se faisait à la maison par la mère ou la grand-mère. L’église de Saint-Médard était trop éloignée et Salaunes sans prêtre.

Ce hameau est resté longtemps isolé ; l'électricité n'est arrivée qu'en novembre 1952, et l'eau courante... en 1996. L’hiver 1956, la neige atteignait parfois une hauteur de quatre-vingts centimètres à un mètre. La route ne fut dégagée que jusqu'à Issac ; les habitants durent s'organiser seuls. 

La croix du Lignan, une des plus belles de ta commune, mise en place vers 1864, a disparu. Le socle s'était effrité, la croix est tombée et fut volée. Elle a été remplacée par celle placée devant les écoles du bourg en 1989, qui serait datée de 1858. Avant la guerre de 1914-1918, la première boîte à lettres fut installée près de la croix. La distribution du courrier et la levée étaient assurées par un facteur qui, tous les jours, sauf le dimanche, par tous les temps, faisait sa tournée à bicyclette jusqu'à la dernière maison. Il mangeait et prenait un peu de repos au restaurant Mano-Turon à Issac. Le chemin de fer construit en 1885 passait à proximité. Un arrêt avec abri fut réalisé : la « halte du Lignan », une sorte de petite guérite en bois. L’arrêt était facultatif. Pour monter dans le train ou la micheline il suffisait de faire signe et on payait son billet à la gare d'arrivée. Pour descendre, on avertissait le conducteur.

 

Texte extrait de : Saint-Médard-en-Jalles au fil du temps. Ville de Saint-Médard-en-Jalles, 1999, 180 pages. Hastignan, Cérillan, Issac, Le Lignan, par Hélène Garcia, p.141-155.