Actes de procédure au XVIIIe siècle
Au départ des archives des juridictions de Saint-Médard, Belfort et Eysines les riches archives des frères Bérard ont fourni quelques renseignements intéressants sur des actes de procédure faits pour ou contre les Saint-Médardais. On a lu au chapitre des chirurgiens le récit du différend survenu entre Renouil et son médecin. Voici maintenant ce qu'il advint à une mauvaise payeuse invétérée.
Marguerite Ballière devait
Ballières paya en deux ans ; le 26 juin 1724, elle acheva de se libérer ayant versé à cette date : quinze écus argent de cinq livres pièce, quarante-neuf pièces aussi d'argent de 33 sous 4 deniers chacune et une pièce de 16 sous 18 deniers. Après cette leçon, la mauvaise débitrice aura été sans doute guérie !
Les tentatives d'intimidation d'un témoin pour le faire revenir sur sa déposition ne sont pas d'aujourd'hui : elles étaient connues de nos ancêtres comme le prouve cette audition de témoin (nous dirions aujourd'hui procès-verbal d'enquête) du 29 mars 1768 : Audition rendue par devant nous, Vincent Moreau, lieutenant de juge de la juridiction de Saint Médard en Jalles. Étant au parquet d'icelle, écrivant maître Pierre Laporte, greffier d'office. Auquel avons reçu serment, de ce requis, par Jean Gourmeron, fils, décrété d'ajournement à la requête de Guillaume Bérard à laquelle nous avons vaqué ce jourd'huy comme suit : interrogé de son nom, susnom, âge, quallité et demeure répond en serment que nous avons pris de luy la main levée à Dieu de dire la vérité et sans préjudice de la vérité. Répond l'avoir ditte et de plus n'a été interrogé. Lecture à luy faitte de la présente audition a dit ses réponses contenir vérité n'y vouloir ajouter ny diminuer, y a persisté et a déclaré ne scavoir signer ny vouloir constituer de procureur. De ce interpellé suivant l'ordonnance. Signé à la minute, Moreau, lieutenant de juge et le greffier soussigné, de même qu'en bas de chaque page qui sont cotées et paraphées par ledit Moreau suivant et conformément à l'ordonnance. Signé : Laporte, greffier d'office Coût 20 sols, y compris le papier. La tentative d'intimidation a échoué puisque le témoin a maintenu sa déposition. À part quelques modifications de détail cette audition serait révisée dans les mêmes termes d'un logement.
Sous l'ancien régime des personnes qui intentaient une action en justice étaient tenues de le faire par l'intermédiaire d'un procureur d'où l'adage : en France on ne plaide que par procureur. En voici un exemple : ce même Guillaume Bérard qui a tenté d'intimider un témoin, reçut, le 5 mars 1778, assignation « à comparaître le troisième jour après la date du présent au parquet des juridictions de Corbiac, Gajac et Saint-Médard par devant M. le juge ou aux autres officiers expédiant en leur absence pour se voir condamner à payer
Ce Guillaume Bérard, laboureur à Hastignan, chicaneur invétéré, était en procès avec François Bérard, forgeron au même village, son parent, personnage tracassier qui joua un rôle dans un différent entre les habitants de Martignas et ceux de Magudas. François avait choisi pour procureur maître Moreau mais Guillaume l'ayant récusé, le défendeur se trouva dans l'obligation de prendre un nouveau procureur comme on le voit par l'acte suivant : « À la requête de François Bérard soit dit, déclaré et signifié à G. Bérard, laboureur, qu’attendu la récusation de maître Moreau, procureur constitué par le requérant, dans son exploit du 6 décembre dernier il constitua de nouveau son procureur de la présente juridiction de Saint-Médard, maître Ellie Rallion demeurant au bourg de Saint-Médard et déclare audit G. Bérard qu'il poursuyvra samedi prochain en l'audience l'obtention des conclusions de son exploit. » Dont acte Signé Rallion Bérard. Signifié le la septembre 1767... par nous Antoine Gourmeron, sergent ordinaire dudit Saint-Médard et demeurant au village de Gajac. Soussigné Gourmeron, sergent.
La suite de ces divers procès est inconnue. On a vu que ce Rallion était en même temps chirurgien. On a lu à la notice de Gajac des extraits de la saisie de la récolte de vignes appartenant aux demoiselles Montaigne, seigneuresses de Gajac, etc. ; voici une autre saisie de propriété non noble cette fois : À la requête de Catherine Laborde, demoiselle, veuve de feu Jacques Verdery, vivant juge de la Cour de la bourse, à présente épouse de Michel Pendergast, marchand de Bordeaux, de luy séparée quant aux biens, faisant élection de domicile tant que le besoin sera dans la paroisse de Saint-Médard-en-Jalles-de-Médoc dans la maison curiale où habite le curé de la paroisse et ce pour 24 heures seulement et pour satisfaire à l'ordonnance. Nous, Pierre Crozillat, huissier audiencier au siège du Présidial de Guyenne... après commandements faits à seigneur Jean Lustre, marchand de Bordeaux, le 12 courant pour paiement de la somme de
En 1728, la propriété Lustre a appartenu par la suite à la famille Delmestre. Il n'y avait donc aucune différence dans les formules de la saisie qu'elle s'appliquait à un bien noble ou à bien non noble : c'était l'égalité devant la justice. Sous l'ancien régime, le juge avait la police dans ses attributions ainsi qu'on l'a vu par les statuts de la ville de Bordeaux. Les crimes et délits seront de son ressort.
Il doit aussi examiner les corps des personnes trouvées mortes. Beaurein écrit à ce sujet : en 1798, Pierre de Roquetaillade pour lors châtelain c'est-à-dire juge de la Châtellerie de Blanquefort, instruit une procédure criminelle contre Gaillard d'Agassac, damoiseau, dont le valet avait été trouvé noyé dans les douves du château d'Agassac (Ludon). Ce seigneur l'avait fait ensevelir sans avoir eu la précaution d'appeler le juge pour en dresser son procès-verbal et il fut soupçonné d'être l'auteur de ce meurtre. C'est ainsi que, le 8 juillet 1692, le « juge de la paroisse » dresse un procès-verbal « permettant l'inhumation de Jean de Saint-Médard ». Il en fut de même pour Pierre Belenguey, pasteur, trouvé mort sur la « prade » de Corbiac à cinquante pas de sa porte. Enfin, l'inhumation d'un « particulier » qui se noya dans la Jalle le 22 juillet 1783 n'eut lieu qu'après le constat et « à la réquisition des officiers de la juridiction. » On voit que sur ce point comme sur bien d'autres les modernes n'ont rien inventé.
La Basse justice dont le juge était très proche des plaideurs et avait pour cela même toutes facilités pour connaître à fond les affaires pendantes devant lui, paraît avoir donné satisfaction aux justiciables ; d'ailleurs, il n'y a pas de doléances à ce sujet dans le cahier du 2 mars 1789. Elle a été maintenue par la Révolution puis par Napoléon, mais avec cette différence capitale que le juge, au lieu d'être nommé par le seigneur et payé par des plaideurs, sera désormais désigné par l'État et payé par lui. Ainsi, toutes les garanties d'indépendance et par suite d'impartialité seront données aux parties. En outre, la police ne fait plus partie des attributions du juge.
Le premier juge de paix du canton de Blanquefort fut Lebrun de La Fon, homme de lois qui fit un transport à Sérillan le 27 août 1791, accompagné de Jean Giraudeau, assesseur du canton, et Bérard, notable de la municipalité, aussi assesseur. C'est le greffier qui notifie le jugement comme sous l'ancien régime. Le cabinet de ce juge (on disait alors le bureau) de paix du canton de Blanquefort était « en sa maison de La Fon, audit Saint-Médard ». L'ancien régime était aboli mais pas encore remplacé par l'armature administrative construite par le Consulat et l'Empire.
Notes du docteur Arnaud Alcide Castaing sur la paroisse de Saint-Médard-en-Jalles sous l’Ancien Régime et sur la commune de la Révolution au XXe siècle, dossier familial, 1946, 270 pages, p.261.265.