Château de Tanaïs
Historique et description
Édifices antérieurs
André Tanais (ou Tanays), marchand à Bordeaux près de la porte Dijeaux, décide, vers 1760, de faire démolir la vieille bâtisse qu'il possède au lieu-dit Clapeau à Blanquefort, et de faire construire, avec remploi, trois échoppes. L'entrepreneur Pierre Tardy propose, pour le prix des trois échoppes, de construire une maison de cent douze pieds de façade, sur trente pieds de hauteur (environ
La gravure publiée dans les « Statistiques générales » de Féret en 1874, alors que la famille Avril est propriétaire, donne un aperçu de la demeure à la fin du XIXe siècle.
Pour le début du siècle suivant, une carte postale montre l'aspect de la façade antérieure. Elle comprend un pavillon central mis en évidence par des chaînes d'angles. Les baies du premier niveau de ce pavillon sont masquées par une véranda ; au deuxième niveau, trois fenêtres possèdent un chambranle mouluré avec un linteau en anse de panier pour la fenêtre du centre, et un linteau en arc segmentaire pour les fenêtres latérales. De part et d'autre du pavillon central, les ailes de même hauteur présentent au premier niveau des baies ayant un liteau en arc segmentaire, tandis que le chambranle des baies du deuxième niveau est orthogonal.
Origines du domaine
Il semble, à l'examen de la carte de Belleyme, que le domaine de Tanaïs est une propriété détachée du vaste domaine de Clapeau au XVIIIe siècle. Le cadastre de 1806 montre des bâtiments de forme irrégulière, avec, vers le sud, un bassin que le cadastre de 1843 restitue en précisant le circuit des ruisseaux qui circulent au sud du parc. Le logis est, à cette époque, de forme rectangulaire avec un avant-corps sur la façade sud. Dans les « Statistiques générales », le commentaire sur « le domaine de Tanaïs-Clapeau » signale que la vallée occupée par le château, le parc, les prés, est parcourue par un ruisseau naturel qui a permis à M. Avril de créer un étang de plus d'un hectare. Le domaine s'appelle actuellement « camp de Tanaïs », et sert de terrain de manœuvres pour l’armée.
Description
Situation et composition : le domaine de Tanaïs s'étend au nord-ouest de la commune. Il jouxte celui de Grand Clapeau. La construction se compose d'un logis flanqué de deux basses ailes. Des chais sont adossés sur toute la longueur de la face postérieure.
Matériaux et leur mise en œuvre : le logis et les basses ailes sont construits en pierres calcaires recouvertes d'un crépi lie de vin. Les toits sont couverts de tuiles.
La demeure
A - Parti général : le corps de logis se présente suivant un plan rectangulaire. La façade antérieure est orientée vers le sud.
B - Élévations extérieures
Façade antérieure : le pavillon central est en léger ressaut par rapport aux deux ailes. Il comprend trois travées de baies. Sur la travée centrale, la porte d'entrée principale comporte un chambranle mouluré ; au dessus, la fenêtre du deuxième niveau est ornée d'une agrafe d'où pendent des grappes de fruits. Sous l'appui, la table est décorée d'une guirlande de feuilles et de fruits. Cette travée est mise en valeur par des chaines à refends, motif repris sur les côtés du pavillon dont les angles sont adoucis. De part et d'autre de cette travée centrale, une travée avec porte cintrée au premier niveau et décor de branches de laurier pour la table des fenêtres du deuxième niveau. Les ailes comprennent quatre travées de baies sur deux niveaux séparés par une forte moulure.
Au deuxième niveau, au dessous des fenêtres, les tables présentent un motif géométrique en relief. Sur les basses ailes, s’ouvre une large porte dans une embrasure en arcade comprise entre deux chaînes à refends.
Note de synthèse : Pierre Tardy, l'entrepreneur d'ouvrages de maçonnerie qui, en 1768, est en procès avec André Tanaïs, est peut-être parent de Claude Tardy, natif de Chambéry en Savoie qui est d'abord tailleur de pierres, puis, installé aux Chartrons, est dit « maitre architecte de cette ville » dans une lettre de 1773. (AD.33 2E 2673).
La maison construite par Pierre Tardy à Blanquefort, a, semble-t-il, disparu au début du XIXe siècle d'après le relevé cadastral fait sous l'Empire. Sur le même emplacement, une demeure a été édifiée vers 1840. La demeure actuelle a subi des restaurations importantes dont Édouard Avril, riche propriétaire vers 1870, est peut-être le promoteur.
Pièce justificative : Sac à procès n° 9745 ; concernant la « maison de Clapeaux » (extraits).
[écriture respectée] « État de l'ouvrage que moy Pierre Tardy, entrepreneur de maisons, ay fait pour Monsieur Tanays jeune marchand à Bordeaux restant prés la porte Dijeaux, dans son bien de Blanquefort au lieu appellé Clapeaux. Du 18 aout I767.
Pour avoir fait une batisse de cent douze pieds de long et trente pieds de hauteur. Premièrement les deux fassades, avec les arazures de
Plus 6 murs derrefant, a savoir 2 murs de I8 pieds
Plus les 2 murs qui ne sont pas pignonés de
Plus les 2 murs du vestibule de
Plus avoir commencé les basse zelle du cotté du levant de
Plus de l'autre coté du couchand la chambre qui est commencée,
Plus avoir muré une porte du cuvier de
Plus une croisée dans le même mur de I8 pouces de large et
Plus avoir muré une porte du chay de
Source : Châteaux et maisons de campagne de Blanquefort, mémoire de maitrise de Bertrand Charneau, Université de Bordeaux III, 1984.
Les différents propriétaires
-
Vers 1760 : achat par André Tanays, marchand à Bordeaux, d’un domaine à Blanquefort au lieu-dit Clapot
en 1767 : André Tanays, il fait détacher son domaine du domaine de Clapeau, (mais le domaine de Tanaïs sera souvent désigné Clapeau pendant quelques années), il fait détruire la vieille bâtisse et fait construire par l’entrepreneur Pierre Tardy, une bâtisse de 37 mètres de long et 10 mètres de hauteur. (source : mémoire de maîtrise de Bertrand Charneau).
17/04/1780 : décès d’André Tanays à Bordeaux, ses héritiers : sa veuve Marie Largeteau, ses enfants : Thérèze Pétronille et Jean-Baptiste.
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……………….. famille Soubaigné ……… (à chercher) ……………
- 31/07/1793 (an 3 16 frimaire) : le domaine est adjugé par le tribunal du distric de Bordeaux aux citoyens Cluzet : Marie Jean François Cluzet et Jean Charles Benoit Valentin Cluzet frères, négociants à Bordeaux des héritiers Soubaigné.
- 06/12/1794 : achat par Martin Johan Jenisch, négociant à Hambourg, aux frères Cluzet, Maitre Verdelet à Bordeaux pour la somme de 200 000 livres (source : ADG 3 E 23460)
29/01/1827 : décès de Martin Johan Jenisch à Hambourg.
- 27/07/1827 : achat par Jacques Amant Changeur aux héritiers Jenisch (Martin Jean Jenisch banquier, Gottlieb Jenisch banquier, Emilie Jenisch, Dorothée Sophie Bertha Jenisch mineure) pour 25 400 francs. Acte passé chez Maitre Mathieu notaire royal à Bordeaux (source : ADG 3 E 24199).
M. Changeur, par diverses acquisitions de terres, a augmenté la superficie du domaine.
23/11/1865 : décès de Jacques Amant Changeur, 79 ans à Blanquefort.
- 28/08/1866 : le domaine de Tanaïs est adjugé par le tribunal de 1ère instance de Bx à Edouard Avril père des héritiers Changeur pour le prix de 96 500 francs (source : ADG 3 U 2510).
- 16/01/1872 : donation par Edouard Avril et Marie Duvart, son épouse, à leur fils Eugène Avril en dot (Contrat de mariage maitre Leroy notaire à Paris) lors de son mariage avec Irène Moreau.
01/04/1880 : décès de Edouard Avril père à Blanquefort au château du Béchon (66 ans).
02/08/1884 : décès de Eugène Avril au château de Tanaïs (44 ans), ses uniques héritières sont ses filles mineures Marie Marthe et Madeleine Avril.
19/01/1886 : audience des criées vente en 2 lots domaines de Tanaïs et Bel air de la succession Avril, mise à prix de Tanais 265 000 francs, de Bel-Air 50 000 francs : pas d’acheteur.
12/02/1886 : baisse des prix Tanais : 100 000 francs et Bel-Air : 25 000 francs. Un acheteur porte le prix de Tanais à 117 100 francs. Jean Léglise surenchéri à 136 620 francs. L’audience est reportée au 01/04/1886.
06/03/1886 : vente aux enchères meubles et objets mobiliers du château de Tanaïs (au château).
11/04/1886 : vente des vins blancs et rouges (en barriques et bouteilles) des domaines de Tanaïs, Bel Air-Dasvin et Grand-Clapeau au château Grand-Clapeau.
- 01/04/1886 : le domaine de Tanais est adjugé par le tribunal de 1ère instance de Bordeaux à Jean Léglise cadet, industriel directeur de la maison Léglise et Cie, bois et traverses, pour le prix de 136 620 francs. (Source : ADG 3 U 2719).
12/01/1912 Décès de Jean Léglise à Bordeaux (inhumé à Saint-Martin-de-Seignanx dans les landes).
- 1912 : son fils Paul Léglise hérite de Tanais.
- de février 1943 à juillet 1944 occupation par l’armée allemande.
- 21 décembre 1949 : achat du domaine par l’état français (les derniers militaires seraient partis en 1962).
- 1995 : achat par la municipalité de Blanquefort dont le maire était Jean-Pierre Delhomme.
ADG : Archives départementales de la Gironde.
Recherches et texte de Martine Le Barazer, janvier 2024.
Autres sources
Le château porte le nom de son propriétaire Tanays André, qui le fit construire par l’entrepreneur Tardy en 1767 au lieu-dit Clapot, à l’emplacement d’une vieille bâtisse. La propriété fut détachée du domaine du Clapeau au XVIIIe siècle.
Édouard Avril en fut le propriétaire en 1864 et embellit le château, il le donna en dot à son fils cadet Eugène Avril en 1872. Celui-ci restaura la maison principale, fit construire des chais et surtout fit des plantations nouvelles de vignes. Il appartint ensuite à M. Jean Léglise. Celui-ci exploitait plusieurs fabriques de traverses de chemin de fer. C’était la prospérité, celles-ci se vendaient bien. Il visita le château Tanaïs et l’acheta le tout en 1886 à la famille Avril, Eugène Avril étant décédé en 1884. Il a pu acheter le château avec les meubles, c’était une pratique à ce moment-là. Jean Léglise était dit le cadet, car il avait un frère aîné Jean, dit l’aîné. Cherchant à acquérir un billard, il visita le château et acheta le tout en 1886 à M. Avril (136 620 francs). Son fils Paul (1883.1946) en hérita le 30 janvier 1912 ; il fit don du lustre de l’église de Caychac à l’occasion du mariage de sa fille en 1920.
L’ensemble du domaine de
Le château produisait en 1874, 90 hectolitres de vin. En 1940, la propriété se composait d’une maison bourgeoise de 25 pièces et 3 salles de bains, confortablement meublée et en parfait état, avec électricité, eau chaude courante et froide, téléphone, chauffage central au mazout, de dépendances pour une surface totale au sol de
Tanaïs était la résidence secondaire de la famille Léglise qui demeurait habituellement, rue Vital Carles à Bordeaux.
En 1943, l’armée allemande réquisitionna l’ensemble de la propriété pour y installer un camp de repos pour les équipages des sous-marins opérant dans l’Atlantique pendant la Seconde Guerre mondiale. L’ordre de réquisition de la Feldkommandantur 529 du domaine de Tanaïs de
L’État français va acheter le domaine, le 21 décembre 1949, pour le compte de l’armée, à M. Léglise qui ne voulait plus revenir à Tanaïs. Les derniers militaires seraient partis en 1962.
Le domaine a été acquis en 1995 par la municipalité blanquefortaise qui a fait raser la plupart des maisonnettes et procédé à l’aménagement afin de l’ouvrir au public. Une partie fermée est réservée au club sportif Indian’s Arc, une autre transformée en réserve naturelle ; on y trouve aussi un sentier botanique et un parcours d’orientation... C’est devenu un grand lieu de promenade. Le château est très dégradé, mais la toiture a été refaite et protège les lieux, les anciens chais sont devenus une belle salle municipale ouverte au public.
Le château Tanaïs est présenté ainsi dans le guide Féret : « Le domaine de Tanaïs-Clapeau entièrement situé dans Blanquefort, comprend
Bibliographie :
- Édouard Guillon, Les châteaux historiques et viticoles de la Gironde, 1867, chez Coderc, Degréteau et Poujol, Maison Lafargue, 28 rue du Pas Saint-Georges, Bordeaux.
- Archives municipales,
- Guy Dabadie, Blanquefort et sa région à travers les siècles, Imprimerie Samie, Bordeaux, 1952,
- Raymond Valet, Feuillets d’une mémoire, G.A.H.BLE, 1984, p.7 et 42,
- Blanquefort, rues et lieux-dits, Publications du G.A.H.BLE, 1996, p.116,
- Catherine Bret-Lépine et Henri Bret, Années sombres à Blanquefort et dans ses environs 1939-1945, Publications du G.A.H.BLE, 2009, p.248-252 (photos, plans et croquis).
Jean Léglise (°1826. +21.01.1912) marié à Mathilde Cassou (°1840. +1912) dont il eut Louis, Henri, Françoise Pauline Marie et Paul, qui hérita de Tanaïs. Paul Léglise eut 2 filles Paulette, mariée à M Bouyssou et Micheline mariée à M Bladier.
Note HB : LEGLISE Jean 69 rue Lafaurie de Montbadon, propriétaire du 65. ° 25.07.1825 à St Martin de Sales (Landes), négociant, et Mathilde ° 1842 à Bayonne. 4 enfants : Louis ° 20.05.1878 à St Martin de Sales, Henri, Paul ° 13.08.1883 à Bordeaux et Françoise Pauline Marie (3 bonnes) Source : recensement 1906 ?