Les croix

De nombreuses croix (du latin crux) évoquent la ferveur religieuse à Blanquefort. En général de forme « latine » (branche inférieure beaucoup plus longue que les branches latérales et la branche supérieure), elles sont le symbole du christianisme en rappelant le supplice du Christ sur un gibet en forme de croix, formée d'un poteau et d'une traverse, sur lequel étaient cloués ou liés les condamnés à mort.

 

Croix de mission 

Certaines de ces croix ont été posées à l'occasion de « missions » organisées dans la paroisse ; remises au goût du jour sous la Restauration (1814-1830, sous Louis XVIII et Charles X), ces missions paroissiales étaient destinées à en encourager, ou réveiller, la ferveur religieuse, en ville comme à la campagne. Faites de prédications, de veillées, de processions et de prières collectives, elles étaient organisées par les diocèses et considérées comme des temps forts dans la vie d'un chrétien ; elles duraient en général d’un à six mois, animées par des prêtres extérieurs aux paroisses et ayant reçu une formation spécifique. Chaque communauté paroissiale vivait ces retraites spirituelles avec intensité ; elle tenait à en marquer le souvenir par une réalisation concrète destinée à édifier les générations à venir, souvent une croix placée à un carrefour qui devenait ensuite lieu de rassemblement à l'occasion des fêtes religieuses. Cependant, certaines de ces missions étaient simplement évoquées à l'intérieur des églises ; c'est le cas à Blanquefort : celle de 1924, par exemple, a justifié une inscription peinte à Saint-Joseph (on remarquera que la mention qui y est associée : « Cinquantenaire de la paroisse » ne respecte pas la date exacte de la fondation de la paroisse Saint-Joseph de Cachac puisque celle-ci a eu lieu en 1872, et non en 1874) ; celle de 1934, de même, est rappelée par un long pavement en mosaïque polychrome dans l'allée centrale de Saint-Martin. En 1949, une nouvelle mission de Carême fut prêchée par les Oblats de Marie Immaculée, ceux-là même qui avaient « laissé une trace si profonde de leur passage en 1934 », selon le curé Poncabaré. C'est vers 1950 que cessa l'organisation de missions en France.

 

 

La plus ancienne croix

La plus ancienne croix de la commune est sans doute celle érigée entre la Mairie et la Maison du Patrimoine. Le service régional de l'Inventaire l'a répertoriée comme datant du XVIe siècle (la tradition locale la fait d'ailleurs remonter à 1550). Elle est en pierre et supportée par une haute colonne octogonale légèrement conique ; cette dernière est posée sur un large socle carré à deux degrés, lui-même appuyé sur une assise circulaire. Elle s'élève sur l'actuelle place de la République, point de croisement des deux plus anciennes routes importantes de Blanquefort : l'axe sud-nord Bordeaux-Pauillac, dit « voie casterane » (cette chaussée reprenait le tracé de l'antique voie romaine, puis de la route médiévale passant au pied de la forteresse de Blanquefort qui en assurait le contrôle), et l'axe est-ouest reliant la rive gauche de la Garonne au bourg du Taillan ; ce carrefour était appelé « la forcade de Penyn » au XVIe siècle. On peut imaginer que son rôle, à l'origine, était bien de marquer la croisée des chemins. On retrouve deux croix d'un type semblable (colonne octogonale) à Eysines, sur la place du lieu-dit Le Vigean, et à Bordeaux, à l'extrémité de la rue Saint-Genès, toutes deux implantées sur une des voies suivies par les pèlerins se rendant à Saint-Jacques-de-Compostelle.

 [En 2019-2020 elle a été restaurée] 

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Croix avenue de l'europe

Dans un jardin privé donnant sur l'avenue de l'Europe (domaine de la Varenne), près de Gilamon, une croix métallique a été érigée en souvenir de la mission de 1876 ; on peut lire en latin, sur son haut socle : In hoc signo vinces, « Par ce signe tu vaincras. »
En fait cette croix était située en bordure de l’avenue de l’Europe et lors de l’agrandissement de la route, le propriétaire de Varenne a proposé que la croix soit installée en retrait dans sa propriété ; le socle est d’origine, la croix elle a été remplacée par une venant des vieilles croix du cimetière (donné par M. Pineaud, fossoyeur), elle est d’un format plus petit que l’original qui a disparu.

 

Croix avenue du général de Gaulle

Une autre croix métallique se tenait à l'angle de l'avenue du général de Gaulle et de la rue Tastet-Girard ; initialement placée sur l'espace public (des cartes postales anciennes l'attestent), elle a été intégrée à un jardin privé puis démontée, vers 1985, par le nouveau propriétaire du lieu. Les services municipaux ont pu s'en rendre dépositaires et il était prévu, à l'époque, qu'elle soit remontée sur un autre site, ce qui n'a toujours pas été réalisé ; elle était encore, ces années dernières, entreposée sur le sol, dans le parc du château Fongravey.

Pour la croix à l'angle de la rue Tastet Girard et Avenue du Général de Gaulle. A l'origine cette croix était implantée à l'intérieur même d'une propriété privée et non sur le domaine Public. Les propriétaires d'autrefois n'y voyaient aucune gêne. Ce sont les derniers acquéreurs d'il y a une trentaine d'années qui ont demandé que cette croix soit enlevée de leur propriété, ils ne souhaitaient pas qu'elle soit maintenue dans leur domaine, surtout qu'ils souhaitaient réaliser un mur d'enceinte pour protéger leur intimité. Précision de Yannick Barreau.

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Croix rue Thiers

Celle qui se dresse à l'angle de la rue Tastet-Girard et de la rue Thiers rappelle la mission de 1899 ; elle est en bois et a été réalisée par Armand Ornon, charpentier à Blanquefort. Sur son socle on peut lire, outre l'année de la mission et la date à laquelle la croix a été érigée (le 26 décembre 1900), une inscription en latin, tirée du Deutéronome (32-7) : Memento dierum antionorum interroga patrem tuum majores tuos et dicent tibi, « Souviens-toi des jours d'autrefois ; interroge ton père, tes aînés, qu'ils te le disent ».

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 Les croix disparues

Quant à celle qui s'élevait à l'entrée de Caychac, dite « croix de Saint-Expedit » et construite en béton par Monsieur Laporte (il était ambulancier et son épouse tenait la pharmacie voisine), elle aurait remplacé une croix en bois érigée à l'emplacement de l'ancienne chapelle Saint-Ahon pour rappeler le cinquantenaire de la paroisse Saint-Joseph ; elle a été détruite à la suite du déplacement de la pharmacie dans un immeuble proche et lors du réaménagement du site en place publique.

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A aussi disparu la croix en fer forgé érigée sur un socle de pierre à l'extrémité de la rue de la Male Jornade ; selon la tradition, elle marquait l'emplacement d'un « cimetière des Anglais », témoin de la bataille qui avait opposé un corps d'armée français à une petite troupe hétéroclite et inorganisée composée de soldats Anglais et de miliciens Bordelais, le 1er novembre 1450 : la victoire des Français est passée à la postérité sous le nom gascon de Male Jornade (« mauvaise journée »). Lors des Rogations de juin, le curé de la paroisse Saint-Martin et les fidèles s'arrêtaient devant un reposoir installé au pied de cette croix.

Il est enfin fait mention d'une « croix de Sotey » (ou Soutey, lieu-dit cité dès 1509 ; nom issu du latin subtulu, « loge à porcs »), au nord du bourg de Blanquefort ; elle est aussi appelée « croix de Robert Guillem », « croix du Chaffault » ou « croix de Chaffaut ». Le lieu-dit perdure par le nom de la rue de Soutey qui longe le lycée professionnel Saint-Michel.

De même, une croix était érigée à l'entrée de Linas (angle de la rue Michel de Montaigne et de la rue du Vivey) ; un reposoir y était aménagé lors des rogations. Elle n'existe plus aujourd'hui.

Texte extrait de la vie religieuse à Blanquefort au 20ème siècle, Henri Bret, 2006, éditeur Gahble, p 57-62.

Un article plus général sur les différents types de croix est présent dans la partie canton intitulé "Les croix".