Le classement des vins en 1855 

Avant la découverte de l'Amérique, les vins du Médoc n'étaient exportés qu'en Angleterre, en Flandre, en Espagne et en Italie, mais, sous Louis XIV, le Médoc vit grandir sa renommée et sa prospérité. M. Roger Dourthe nous assure « qu'il y a trois ou quatre siècles, alors que le négoce et la bourgeoisie de Bordeaux vivaient des temps florissants, chaque notable se faisait une gloire de posséder un cru en Médoc, d'où le nom de cru bourgeois, qui est resté pour distinguer les meilleurs vins de la région. Et, dès le 18e siècle, les professionnels s'étaient souciés d'établir une classification qui a été révisée et confirmée officiellement en 1855, travail qui n'avait jamais été entrepris sérieusement jusqu'à ces dernières années.»

Voici ce qu'écrivait, à la fin du 18e siècle, dom Devienne, en parlant du Médoc : « Les vins de ces cantons ont tellement augmenté de prix que certaines cures, à qui la dîme ne produisait pas cinq cents livres, font, certaines années, de trente à quarante mille livres de revenus. On distingue le haut et le bas-Médoc. Le Haut-Médoc produit les vins des Palus de Ludon, de Macau, de Gillet, de Soussans et de l'Isle de Cassan. Ces vins sont ordinairement mous, leur couleur n'est pas bien foncée, leur destination ordinaire est pour l'Amérique, l'approvisionnement des vaisseaux du roi et pour la Bretagne ; leur prix ne passe pas vingt pistoles le tonneau. Cette partie du Médoc contient aussi des vins de la première qualité, pris dans les paroisses de Blanquefort, Ludon, Macau, Cantenac et Margaux. Le vin du château Margaux, dans cette dernière paroisse, qui appartient à M. le comte de Fumel, est le plus recherché. Il y a des particuliers dans les paroisses de Blanquefort, de Cantenac et de Margaux qui vendent jusqu'à quinze cents livres.

Les paroisses de Saint-Julien, de Saint-Lambert et de Pauillac où commence le bas-Médoc, donnent des vins de la première qualité; ceux de Latour et de Lafite, qui sont à M. de Ségur ont la préférence. Ils sont fins et légers, leur couleur est très belle et ils ont le bouquet de violette. Ils vont de pair avec ceux du château Margaux. La plus grande partie de ces vins se transporte pour l'ordinaire en Angleterre. Les paroisses de Saint-Estèphe et de Saint-Seurin de Cadourne, où l'on recueille aussi d'excellents vins, sont encore dans le bas Médoc. »

A la même époque, le Bordelais produisait 200 000 tonneaux de vin dont une bonne partie allait à l'exportation, les célèbres châteaux Lafite, Latour et Margaux fournissant presque exclusivement le contingent anglais.

Liste des crus classés en 1855 :

1ers crus : Lafite-Rothschild, Latour, (Pauillac).

2èmes crus : Mouton-Rothschild, Pichon-Longueville, Pichon-Longueville-Lalande (Pauillac), Brane-Cantenac (Cantenac), Cos d'Estournel, Montrose (Saint-Estèphe), Ducru-Beaucaillou, Oruaud-Larose-Sarget, Léoville-Lascazes, Léoville-Poyféré, Léoville-Barton (Saint-Julien), Durfort-Vivens, Lascombes, Rauzan-Ségla, Rauzan-Oassiès (Margaux).

3mes crus : Kirwam, Cantenac-Brown, Boyd-Cantenac, d'Issàn, Palmer, (Cantenac), Calon-Ségur (Saint-Estéphe), Desmirail, Ferriéres, Malescot-Saint-Exupery, Marquis d'Alesme-Becker (Margaux), Giscours (Labarde), Lagrange, Langoa (Saint-Julien), La Lagune (Ludon).

4mes crus : Beychevelle, Branaire-Duluc, Saint-Pierre, Talbot (Saint-Julien), Duhart-Milon (Pauillac), La Tour-Carnet (Saint-Laurent), Le Prieuré, Pouget (Cantenac), Marquis-de- Therme (Margaux), Rochet (Saint-Estèphe).

5mes crus : Pontet-Canet, Batailley, Haut-Batailley, Croizet-Bages, Grand-Puy-Ducasse, Grand-Puy-Lacoste, Haut-Bages Libéral, Lynch-Bages, Lynch-Moussas, Mouton d'Armailhac, Pédesclaux, Clerc-Milon-Mondon (Pauillac), Dauzac (Labarde), Belgrave, Camensac (Saint-Laurent), Cantemerle (Macau), Cos-Labory (Saint-Estèphe), Le Tertre (Arsac).

Voici ensuite la liste des crus exceptionnels du Haut-Médoc : Angludet (Cantenac), La Couronne (Pauillac), Bel-Air Marquis d'Aligre (Soussans), Chasse-Spleen, Poujeaux (Moulis), Moulin-Riche (Saint-Julien).

Viennent ensuite les crus Bourgeois supérieurs, les crus Bourgeois, les crus Artisans.

Texte extrait de : Histoire du Médoc, Guy Dabadie, Imprimerie Samie, Bordeaux, 1954, p. 181-183.