« Vers un désastre climatique ? Du 17e au 21e siècle, l’histoire du climat montre que les soubresauts sociopolitiques sont liés à la courbe thermique ». Tel est le titre d’un article d’Emmanuel Le Roy Ladurie, paru dans le journal le Monde du 4 décembre 2011. Il pense avec l’historien américain Geoffrey Parker que « le réchauffement climatique d’aujourd’hui va s’accompagner en diverses régions de la planète, de guerres, de trouble sociaux graves… »
Cet auteur a étudié le petit âge glacière du 17e siècle et plus précisément des années 1640 où se sont produits des accidents météo à répétition, entrainant famines, migrations et guerres civiles et étrangères dans le monde entier ; par exemple, en France l’accumulation du froid lors du siècle de Louis XIV de 1687 à 1701 a provoqué des famines, succédant aux millésimes ensoleillés de 1676 à 1686.
C’est en 1967 qu’Emmanuel Le Roy Ladurie ouvrit la voie à cette discipline nouvelle en publiant sa célèbre « Histoire du climat depuis l’an mil (Flammarion). Les canicules furent autrement plus meurtrières que celle de 2003 : en 1719, un été sec et brulant tue non pas 15 000, mais 450 000 personnes sur 22 millions de sujets de Louis XV, en plus de la mortalité d’année normale. Il s’agissait alors non pas de vieilles personnes, mais de bébés et d’enfants. L’histoire officielle n’en a jamais parlé de ce massacre des innocents ; les nappes phréatiques et les fleuves devenaient très bas, l’eau était infectée, on la buvait pourtant. D’autres dysenteries, nées de canicules du même genre, sont répertoriées en 1706 et 1747 et firent chaque fois 200 000 morts… Ce n’est pas le roi, ses maitresses et ses ministres qui ont comploté contre le peuple, c’est le résultat d’une météo défavorable au blé semé, puis poussé puis coupé. Le manque de farine s’explique par le déluge pluviométrique qui a anéanti les moissons. Parmi les mille « causses » de la révolution française figure la canicule de 1788 : récolte échaudée, pain hors de prix, émeutes contre les « affameurs du peuple »… d’après un article d’Emmanuel Le Roy Ladurie, paru dans le journal le Monde du 1 février 2006.
On peut encore citer la grande famine de 1693, extraordinaire catastrophe nationale préparée par des abats d’eau incessants et par une pluviométrie trop considérable dès l’été et l’automne 1692. Bilan de ces années diluviennes, famineuses et du coup épidémiques en 1693 : 1 300 000 morts supplémentaires sur une population de 20 millions de personnes… Des grands hivers, celui de 1709 reste le plus considérable qu’on ait eu en Europe depuis cinq cents ans. Il a déclenché la famine par destruction des blés en herbe en raison du gel, provoquant de la sorte par ricochets divers, 600 000 morts additionnels en France, morts un peu de froid, un peu plus souvent de faim, mais surtout à cause des épidémies collatérales, typhus, dysenterie, fièvres, etc. d’après un article d’Emmanuel Le Roy Ladurie, paru dans le journal le Monde du 25 octobre 2006.
L’étude de la mortalité corrobore cette étude climatologique et bien des généalogistes sont terriblement émus quand ils relèvent les nombreux décès d’enfants dans ces années-là…