Le cantonnier 

Sous l'Ancien Régime, le cantonnier n'existe pas puisque les routes sont entretenues par le système de la corvée, chaque travailleur devant y consacrer quelques jours par an. En 1768, une poignée d’ouvriers sont payés pour le faire dans le Limousin. Ce principe s'étend après la Révolution.

Deux catégories de cantonniers : à partir de 1816, l'État embauche des cantonniers fonctionnaires, dépendant des Ponts-et-Chaussées. Mais il existe des employés municipaux, engagés par les mairies, qu'on appelle aussi cantonniers mais qui n'ont pas le statut de fonctionnaire. Les premiers travaillent dans le cadre d'un canton (d'où leur nom) et doivent savoir lire et écrire si possible. Ils portent un brassard et un chapeau entouré d'une bande de cuivre marquée du mot « cantonnier ». Ils doivent planter à quelques dizaines de mètres d'eux, pour prévenir qu'ils sont en activité, un guidon, longue perche de deux mètres de haut portant une plaque de tôle avec le numéro du canton. Ils ont la charge d'un tronçon de route d'environ huit kilomètres qui leur est personnellement affecté. Leur salaire est faible mais régulier et l'emploi est garanti. Les seconds, employés par les communes et peu qualifiés, ont un statut plus précaire. Ils vivent pauvrement et doivent glaner le long des routes pour améliorer l'ordinaire. Avec sa brouette de travail, le cantonnier peut ramener chez lui, selon la saison, des châtaignes, des noix, des pommes, de l'herbe, des glands, du bois... glanés le long des chemins. Une façon d'arrondir un revenu sinon bien petit...

Les tâches à accomplir : le cantonnier entretient les voies en fonction de la saison : l'hiver, il faut déneiger, au printemps réparer les dégâts du gel et nettoyer les fossés, l'été faucher les bords (à moins que les moutons de la commune ne s'en soient chargés), l'automne ramasser les feuilles mortes. À l'échelle du canton, le chef cantonnier doit surveiller les cours d'eau : évaluer la qualité de l'eau, dresser procès-verbal aux pêcheurs illégaux et saisir le poisson transporté quand la pêche est fermée.

De son côté, le cantonnier municipal doit nettoyer la place du marché et la fontaine, entretenir les bâtiments municipaux, percevoir les « prestations » taxes dues à la mairie pour l'entretien des chemins vicinaux jusqu'à l'entre-deux-guerres, ces taxes peuvent être payées sous forme d'impôt ou bien en nature. Par foyer, cela correspond à deux à trois jours de travail par homme adulte, autant par charrette attelée et autant encore pour chaque animal de trait ou de selle. Pendant la guerre de 1914-1918, ce sont les femmes et les enfants qui remplacent les hommes pour ces « prestations » en nature sur les routes, sous la surveillance vigilante du cantonnier.

Le règlement, c'est le règlement : en 1882, un règlement édité sous le nom de Livret de cantonnier précise que le travail doit s'effectuer « sans désemparer » de six heures du matin à six heures le soir en été et du lever du jour au coucher du soleil en hiver ; que neige, pluie ou grêle ne peuvent servir de prétexte d'absence pour le cantonnier qui au contraire est invité à « redoubler de zèle et d'activité pour prévenir les dégradations ». Il ajoute que le cantonnier, au service de la collectivité, ne doit jamais recevoir la moindre gratification d'un particulier sous peine de « renvoi, sans préjudice de poursuites en police correctionnelle dans certains cas ».

Extraits du livre : les métiers d’autrefois, Archives et culture, Paris, 2014, p.66.