La garde nationale
Sa création
Le 13 juillet 1789, l’Assemblée Nationale arrête : « qu’il sera fait une députation au roi pour lui représenter tous les dangers qui menacent la capitale et le royaume, la nécessité de renvoyer les troupes dont la présence irrite le désespoir du peuple et de confier la garde de la ville à la milice bourgeoise ; que si l’assemblée obtient la parole du roi pour le renvoi des troupes et l’établissement de la milice bourgeoise, elle enverra des députés à Paris pour y porter ces nouvelles consolantes et contribuer au retour de la tranquillité ». (1)
Le Roi ayant opposé une fin de non recevoir, « l’Assemblée Nationale, interprète des sentiments de la nation…, déclare qu’effrayée des suites funestes que peut entraîner la réponse du Roi, elle ne cessera d’insister sur l’éloignement des troupes extraordinairement assemblées près de Paris et de Versailles et sur l’établissement des gardes bourgeoises… » (2)
C’est de ce même jour que date l’établissement de la garde nationale dont la formation spontanée s’étendit rapidement de Paris aux provinces. De 1789 à 1871, où elle sera définitivement dissoute, l’histoire de la garde nationale se confond avec celle des régimes qui se sont succédé.
Le recrutement
Un décret du 18 juin 1790 décide que « tous les citoyens actifs des villes, bourgs et autres lieux des villes, bourgs et autres lieux du royaume, qui voudront conserver l’exercice des droits attachés à cette qualité, seront tenus d’inscrire leurs noms, chacun dans la section de la commune, sur un registre qui y sera ouvert à cet effet, pour le service des gardes nationales » et que « les enfants des citoyens actifs, âgés de 18 ans, s’inscriront pareillement sur le même registre ». (3)
Les qualités nécessaires pour être citoyens actifs étaient :
« 1° d’être Français ou devenir Français,
2° d’être majeur de 25 ans accomplis,
3° d’être domicilié de fait dans le canton, au moins depuis un an,
4° de payer une contribution directe de la valeur locale de trois journées de travail,
5° de n’être point dans l’état de domesticité, c'est-à-dire de serviteur à gages ». (4)
Un décret impérial du 12 novembre 1806 étendra la garde nationale à tous les Français : « les Français valides, depuis l’âge de 20 ans révolus jusqu’à celui de 60 ans, sont susceptibles d’être appelés pour le service de la garde nationale (5) », décret confirmé par Napoléon à son retour de l’île d’Elbe, le 10 avril 1815 (6).
Louis XVIII réformant la garde nationale n’y acceptera plus que : « tous les Français de 20 à 60 ans, imposés ou fils d’imposés aux rôles des contributions directes ». (7)
C’est l’époque du suffrage censitaire.
La révolution de 1830 appelle « tous les citoyens en état de porter les armées » à se faire inscrire dans la garde nationale mobile, et Louis Philippe confirmera que « la garde nationale est composée de tous les Français de 20 à 60 ans » (8). En étaient exceptés les magistrats, ecclésiastiques, militaires, douaniers, garde-champêtre et forestiers, le personnel des maisons d’arrêt, certains condamnés, les vagabonds et les domestiques (9).
Désormais tous les Français de 20 à 60 ans, sauf les exceptions ci-dessus énumérées, sont appelés à faire partie de la garde nationale (10).
Ses fonctions
Elles sont doubles : tantôt veiller à la sécurité intérieure de l’État (la garde nationale relève en ca cas du ministre de l’Intérieur), tantôt faire face aux envahisseurs (elle passe sous la dépendance du ministre de la Guerre).
4) Oscillation de la garde nationale entre ces deux fonctions :
a) Sous la Révolution : le 14 août 1789, l’Assemblée Nationale arrête et décrète que « toutes les municipalités du royaume, tant dans les villes que les campagnes, veilleront au maintien de la tranquillité publique, et que, sur leur simple réquisition, les milices nationales ainsi que les maréchaussées seront assistées des troupes à l’effet de poursuivre et d’arrêter les perturbateurs du repos public… » (11).
Deux ans plus tard, le 3 août 1791, l’Assemblée Nationale décrète que « tous les citoyens inscrits ou non, sur le rôle de la garde nationale seront tenus… de prêter secours à la gendarmerie » (12) et que « si des voleurs ou des brigands se portent en troupe sur un territoire quelconque, ils seront repoussés, saisis et livrés aux officiers de police » (13).
La Constitution de 1791 confirme : « les gardes nationales ne forment ni un corps militaire, ni une institution dans l’État ; ce sont les citoyens eux-mêmes appelés au service de la force publique » (14). Ainsi apparaît nettement la première raison d’être des gardes nationales : assurer la paix intérieure de l’État.
Mais dès le 22 juin 1791, un décret venait mettre en activité la garde nationale : « l’Assemblée Nationale, voulant pourvoir, dans les circonstances actuelles à la sûreté extérieure et intérieure de l’État, et au maintien de la Constitution », décrète que la garde nationale du royaume sera mise en activité. Treize départements frontaliers fourniront le nombre de garde nationaux exigés par la situation, et les autres départements fourniront 2 000 à 3 000 hommes (15). Nous voyons apparaître ainsi une deuxième tendance : celle qui en fait un élément pour la lutte contre l’ennemi extérieur. D’après la Constitution de l’an III, la garde nationale absorbe même l’armée.
L’article 285 de la Constitution prévoit que « la République entretient à sa solde, même en temps de paix, sous le nom de gardes nationales en activités, une armée de terre et de mer » (16). La Constitution prévoit en outre une garde nationale sédentaire.
Le terme de « mobiles » apparaît pour la première fois en 1796 : « le Directoire exécutif, considérant combien il importe à la sûreté et à la tranquillité publique que la garde nationale sédentaire fasse partout un service actif et régulier, et qu’il y ait en conséquence, dans chaque canton, une force toujours disponible », arrête qu’il y aura dans chaque canton « un détachement de la garde nationale sédentaire, toujours prêt à marcher, et dont les membres seront désignés d’avance. Le détachement sera connu sous le nom de colonnes mobiles » (17)
b) Sous l’Empire. Napoléon, réorganisant les gardes nationaux leur confirme leur double fonction (18), mais ce n’est qu’à partir de 1812 qu’il mobilisera une partie de la garde nationale. Prévoyant la guerre contre la Russie, il divise la garde nationale en ban et arrière-ban. Le premier ban se compose des hommes de 20 à 26 ans qui, appartenant aux six dernières classes de la conscription mises en activité, n’ont point été appelées à l’armée active lorsque ces classes ont fourni le contingent. Le second ban se compose de tous les hommes valides de 26 à 40 ans.
L’arrière-ban se compose de tous les hommes de 40 à 60 ans. Le premier ban ne doit pas sortir du territoire de l’Empire, il est exclusivement destiné à la garde des frontières, à la police intérieure et à la conservation des grands dépôts maritimes, arsenaux et place forte. Cent cohortes du premier ban sont mises à la disposition du ministre de la Guerre. Les hommes seront choisis sur les classes de la conscription allant de 1807 à 1812 (hommes de 20 à 26 ans), en exceptant les hommes mariés (19). Le lendemain, par décret du 14 mars, Napoléon levait 88 cohortes sur les cent autorisés par le Sénat et se réservait le droit de lever les autres par la suite (20).
La liasse des Archives de L’Aube, cotée 11R15 montre que les Aubois constitueront la 56e cohorte. On trouvera également dans cette liasse la liste des appelés. Après la campagne de Russie, un sénatus-consulte décidera une levée de 180 000 gardes nationaux qui iront rejoindre l’armée et seront mis à la disposition du ministre de la Guerre, et décide qu’il sera pourvu à la défense des frontières de l’Ouest et du Midi par les gardes nationaux sédentaires, ceci afin de pouvoir envoyer à l’armée 80 00 hommes jeunes de la conscription de 1814, qui étaient d’abord destinés à la défense des frontières de l’Ouest et du Midi (21). Ces 180 000 hommes ainsi choisis seront organisés en cohortes de grenadiers et de chasseurs par décret impérial du 5 avril (22). Les hommes de 20 à 40 ans de la garde nationale sont ainsi appelés à former une légion par département ; la légion est subdivisée en cohortes ; chaque cohorte en 4 compagnies de 150 hommes, 2 de grenadiers, et 2 de chasseurs.
La France est envahie : la garde nationale de Paris, c'est-à-dire la garde sédentaire, est mise en activité par décret du 8 janvier 1814 (23). Elle servira notamment à l’accompagnement des prisonniers et l’on sait la magnifique attitude des gardes nationaux de Pacthold à Fère Champenoise, le 25 mars 1814.
c) Sous la Restauration. Après la fin des guerres de l’Empire, le Roi rétablit la garde sous sa forme sédentaire (ordonnance du 16 juillet 1814). Une loi est désormais nécessaire pour la mobiliser (24), et cependant c’est une ordonnance que prendra le roi le 9 mars 1815, à l’annonce du débarquement de « l’usurpateur ». L’ennemi de la France a pénétré à l’intérieur. Tandis que l’armée va tenir la campagne, les gardes nationales sédentaires doivent garder les places fortes, contenir les factieux dans l’intérieur, dissiper leurs rassemblements, intercepter leurs communications ».
« Les gardes nationales sédentaires, qui présentent une masse de 3 000 000 de propriétaires fonciers ou industriels, constituent une force locale universellement répandue, qui partout peut envelopper et harceler les rebelles, et redevient maîtresse partout où ils cessent d’être en force ». « De cette masse formidable, mais que tant d’intérêts attachent au sol, peuvent sortir des corps volontaires qui forment des colonnes mobiles », et l’article 5 prévoit que « ces corps volontaires seront employés, soit dans les départements en colonnes mobiles, destinées à détruire les rassemblements, soit en ligne avec les corps de l’armée, suivant que le dévouement des volontaires les portera à s’offrir pour l’un ou l’autre service ». (25)
Mais l’aigle volant de clocher en clocher arrivait jusqu’aux tours de Notre dame et Louis XVIII partait pour Gand. Napoléon mobilisait aussitôt les gardes nationales (26).
En 1818, les circonstances n’étaient plus les même, Louis XVIII fit passer la garde nationale sous l’autorité du Ministre de l’Intérieur (27). C’est un retour aux principes de 1790 et 1791 qui avaient été modifiés en 1805 et par la Charte. Plus tard, en 1825, accédant à un vœu de la ville de Paris, le Roi réduit le nombre des gardes nationaux de Paris et créé une réserve pour ceux pour qui le service est trop onéreux (28), puis en 1827 il licencie la garde nationale de Paris (29).
d) Sous la Monarchie de Juillet. Le 29 juillet 1830, un acte du gouvernement provisoire rétablit la garde nationale de Paris et la Fayette et fait commandant en chef de la garde nationale. « Il s’agit », proclame celui-ci, « de faire régner le bon ordre ; et la commission municipale de la ville de Paris compte sur le zèle ordinaire de la garde nationale pour la liberté et l’ordre public » (30). Deux jours plus tard, « il est créé une garde nationale mobile, elle sera composée de 20 régiments, et pourra être employée hors de Paris à la défenses de la patrie » (31).
Le commandement de la garde nationale mobile était confié au général Gérard.
Peu après, Louis Philippe donnait à la Fayette le titre de « commandant général des gardes nationales du royaume » (32), et la loi du 22 mars 1831 réorganisant la garde nationale précisait son but : « la garde nationale est instituée pour défendre la royauté constitutionnelle, la charte et les droits qu’elle a consacrés, pour maintenir l’obéissance aux lois, conserver ou rétablir l’ordre et la paix publique, seconder l’armée de ligne dans la défense des frontières et des côtes, assurer l’indépendance de la France et de son territoire » (33).
Elle demeure toutefois sous l’autorité des maires, préfets et ministre de l’intérieur (art. 6).
e) Sous la Seconde République. Le 24 février 1848, Louis Philippe abdique et dès le 25, la garde nationale est créée (34), puis organisé (35), et portée à 300 bataillons en juillet (36). En juillet 1849, les pouvoir exécutif est autorisé à réunir le commandement des troupes dans un ou plusieurs départements, et le commandement supérieur de tout ou partie des gardes nationales comprises dans la même circonscription (37). Puis la tension décroît et les bataillons de la garde nationale sont licenciés en décembre 1849 (38).
En 1851, une loi réorganise la garde nationale (39). Le service de la garde nationale consiste :
1° En service ordinaire dans l’intérieur des communes,
2° En service de détachement hors de la commune,
3° En service de corps mobilisés pour seconder l’armée de ligne dans les limites fixées par la loi (art. 1). Les sapeurs-pompiers sont assimilés aux sapeurs-mineurs (art. 60).
f) Sous Napoléon III. Le Prince Président dissout les gardes nationales par décret du 11 janvier 1852 ; « Considérant que la garde nationale doit être, non une garantie contre le pouvoir, mais une garantie contre le désordre et l’insurrection ; considérant que les principes appliqués à l’organisation de la garde nationale à la suite de nos différentes révolution, en armant indistinctement tout le monde, n’ont été qu’une préparation à la guerre civile ; considérant que, dans les campagnes surtout, où la force publique est peu nombreuse, il importe de prévenir toute nouvelle tentative de désordre et de pillage ; qu’une récente expérience a prouvé qu’une seule compagnie de bons citoyens armés pour la défense de leurs foyers, suffit pour contenir ou mettre en fuite des bandes de malfaiteurs », le Président de la République décrète : « les gardes nationales sont dissoutes dans toute l’étendue du territoire de la République. Elles sont réorganisées … dans les localités où leur concours sera jugé nécessaire pour la défense de l’ordre public » (40). Elle n’attend plus que les hommes de 25 à 50 ans (41).
Une circulaire du Ministre de l’Intérieur informe les préfets qu’une séparation doit être bien marquée « entre ce qui a existé et ce qu’il pourra y avoir lieu de reconstituer ». « Il ne faut se laisser influencer ni par la force numérique, ni par le cadre que la garde nationale a eu jusqu’ici » (42). La garde nationale fut donc mise en sommeil, sauf de quelques communes.
Après Sadowa, la France inquiète dut cependant réarmer, et Napoléon III constitua une garde mobile « à l’effet de concourir comme auxiliaire de l’armée active à la défense des places fortes, des côtes et frontières de l’Empire et au maintien de l’ordre dans l’intérieur ». Elle ne pouvait cependant être appelée à l’activité que par une loi spéciale. Elle était composée des hommes de 20 à 25 ans n’ayant pas fait de service militaire. C’est pourquoi les recensements effectués en 1868 portèrent aussitôt sur les classes allant de 1864 à 1868 (voir 11R257 et suivants) (43).
g) La guerre de 1870. Les gardes nationaux au premier plan. Définitions : garde nationale sédentaire, garde nationale mobile, garde nationale mobilisée
La garde nationale sédentaire restera dans son lieu d’origine. La garde nationale mobile sera appelée à se déplacer tout en dépendant du ministre de l’intérieur. La garde nationale mobilisée sera appelée à faire partie de l’armée et dépendra du ministre de la guerre. Les mobiles ou mobiles de 1870 ne sont autres que les gardes nationaux mobiles ou mobilisés.
La guerre de 1870 va, comme l’invasion de 1814, mettre la garde nationale au premier plan et lui donner une place qu’elle n’avait jamais eue. La guerre éclate le 19 juillet 1870. Une armée capitule dans Sedan le 2 septembre et une deuxième est enfermée dès le 18 août dans Metz où Bazaine capitule le 27 octobre. La disparition de ces deux armées allait donner un rôle prépondérant à la garde nationale. Une loi du 17 juillet 1870 appelle la garde nationale mobile à l’activité (44). Ce seront les fameux mobiles de 70 ; un décret impérial du 7 août appelle tous les hommes de 30 à 40 ans à faire partie de la garde nationale sédentaire et « la garde nationale de Paris est affectée à la défense de la capitale et à la mise en état de défense des fortifications » (45). Le 12 août une loi établit la garde nationale dans tous les départements. « La distribution des armes sera faite d’abord aux gardes nationaux des départements envahis, des villes mises en état de défense et des communes des départements déclarés en état de siège. Les anciens militaires seront les premiers enrôlés et armés (46) ». Le 18 août, une loi incorpore dans la garde mobile les jeunes gens des classes de 1865 et 1866 (47), le 29 août, une loi déclare que : « les bataillons de la garde nationale mobile peuvent être appelés à faire partie de l’armée d’active pendant la guerre actuelle (48) ». Cette même loi étend le terme de garde nationale : « sont considérés comme faisant partie de la garde nationale les citoyens qui se portent spontanément à la défense du territoire avec l’armée dont ils peuvent disposer et en prenant un des signes distinctifs de cette garde, qui les couvre de la garantie reconnue aux corps militaires constitués (49) ». Un décret du 13 septembre fait procéder à la révision de toutes les dispenses accordées aux gardes nationaux mobiles à titre de soutien de famille (50). Le 18 septembre, un corps d’artillerie de la garde nationale est créé (51). Le 29 septembre la délégation du gouvernement de la défense nationale décrète que : « Les préfets organiseront immédiatement en compagnies de gardes nationaux mobilisés :
1° Tous les volontaires qui n’appartiennent ni à l’armée régulière, ni à la garde nationale mobile,
2° Tous les français de 21 à 40 ans, non mariés ou veufs sans enfants. « Ceux qui seront appelés à faire partie de l’armée active appartiendront à la garde nationale mobilisée jusqu’au jour où le ministre de la guerre les réclamera pour le service de l’armée ». Si les armes manquent pour l’armement des gardes nationaux mobilisés, les préfets pourront réclamer les armes de la garde nationale sédentaire (52). Le 11 octobre, le gouvernement constate que le travail des conseils de révision est terminé et décide la formation des corps de gardes nationaux mobilisés. L’article 11 les met à la disposition du ministre de la guerre (53). Le 16 octobre, un décret décide de former dans chaque bataillon de la garde nationale sédentaire une compagnie de gardes nationaux mobilisés (54). Ce corps auxiliaire du génie est incorporé dans la garde nationale sous le nom « légion du génie de la garde nationale » (55) et des emplois de colonels sont créés (56). Le 22 novembre, un arrêté constitue l’artillerie de la garde nationale mobilisée faisant suite à un décret du 3 novembre qui avait prescrit aux départements de fournir des batteries d’artillerie (57). La garde nationale devenait une véritable armée.
Le 8 novembre, un décret paraît, relatif à la mobilisation des bataillons de la garde nationale (58). Chaque bataillon était composé de 8 à 10 compagnies. Les quatre premières, dites de guerre, comprenaient 100 hommes dans les bataillons de 1 200 hommes, et 120 hommes dans les bataillons de plus de 1 200 hommes.
Ces compagnies étaient formées :
1° Des volontaires de tout âge
2° Des célibataires ou veufs de 20 à 40 ans
3° Des hommes mariés ou père de famille de 20 à 40 ans.
Les autres compagnies comprenaient le reste du bataillon.
Le 13 novembre, un décret appelait à l’activité les jeunes gens de la Seine et ceux des autres départements pour lors en résidence à Paris appartenant au contingent de la garde nationale mobile de la classe 1870 (59).
Enfin, le 14 décembre, un décret autorisait le ministre de la guerre à prélever dans la garde nationale mobilisée les anciens militaires. Ils devaient être dirigés vers le dépôt des corps d’infanterie le plus proche du lieu de leur résidence. En étaient exemptés ceux qui étaient officiers ou adjudants dans la garde nationale mobilisée (60).
h) Dissolution de la garde nationale (1871). Paris investi le 19 septembre capitulait le 24 janvier 1871. La garde nationale de Paris, réduite à 24 000 hommes sous l’Empire, avait été portée à 90 000 hommes divisés en 60 bataillons, puis en septembre 1870 à 343 000 hommes répartis en 254 bataillons d’un effectif très inégal (de 350 à 2 000 hommes). La garde mobile de la Seine et des départements, surtout de Bretagne, avait fourni à la capitale 115 000 hommes peu exercés, commandés par des officiers improvisés.
Une telle masse d’hommes, écœurés par la défaire, désœuvrés par l’armistice, et mourant de faim, menaçait Paris. Le 3 février, un décret parut, portant la dissolution des régiments de la garde nationale mobilisée dits « régiments de Paris » (61). L’ordre ne fut pas exécuté, et le 18 mars ce fut la commune, qui dura jusqu’en avril. Le 29 mai, « considérant que les armes de guerre répandues dans Paris à profusion et sans contrôle sont tombées dans les mains de factieux et des malfaiteurs, et que le désarmement peut seul, en ce moment, garantir la sécurité publique », le gouvernement décidait la dissolution des gardes nationales de Paris et du département de la Seine (62).
Le 25 août 1871 une loi dissolvait les gardes nationales dans toute la France « au fur et à mesure que les progrès de la réorganisation de l’armée sur les bases de 1868 le permettront » (63). Etaient exceptées les compagnies de sapeurs-pompiers, jusqu’à ce qu’un règlement d’administration publique pourvut à l’organisation générale de ces corps. Les armes des gardes nationaux devaient être déposées dans les arsenaux de l’Etat. La dissolution sera effectuée lentement. Les gardes nationales de l’Aube seront dissoutes avec celles de quinze autres départements, le 29 octobre 1871 (64).
i) Conclusion.
82 ans, avec quelques périodes de mise en sommeil ou de dissolution, la garde nationale avait été chargée d’assurer la défense intérieure de l’État ; elle avait su faire front aux invasions de 1814 et de 1870. Peu faite pour être mobilisée, elle a cependant, fait l’admiration de l’ennemi, tant à Fère-Champenoise, où l’empereur Alexandre s’écriait : « Ah, les braves gens ! », que sur les remparts de Paris et dans les plaines de la Loire. Son vrai rôle fut, en temps de paix, beaucoup plus prosaïque. Dans les campagnes, qui disait garde nationale disait pompier. Les listes de nos archives l’indiquent du reste nettement : il n’y en a qu’une et il n’a pas toujours été facile de séparer ce qui a trait aux pompiers et ce qui a trait aux gardes nationaux.
Le principe de l’élection des officiers
Le décret de 1791, relatif à l’organisation de la garde nationale prévoit l’élection des officiers : « les citoyens actifs, destinés à me former une compagnie se réuniront, tant pour eux que pour leurs enfants, et sans uniformes, avec les maires de leurs communes, dont le plus ancien présidera : ceux-ci et les citoyens ainsi réunis éliront ensemble, au scrutin individuel et à la pluralité absolue des suffrages, ceux qui devront remplir… les fonctions de capitaine, celles de lieutenant et celles de sous-lieutenant. Ensuite, ils procéderont par scrutin individuel, mais à la simple pluralité des voix, à l’élection pour les places de sergent et pour celles de caporaux » (65).
Si la garde sédentaire est mobilisée, elle conserve ses chefs : « Les gardes nationales marchant en corps ne seront point individuellement incorporées dans les troupes de ligne, mais elles marcheront toujours avec leur drapeau ayant à leur tête les officiers de leur choix sous le commandement du chef supérieur » (66).
Voilà déterminées les règles fondamentales qui demeureront celles du recrutement des officiers et des sous-officiers de cette arme pendant la Révolution et l’Empire. Un certain nombre d’officiers seront destitués par Napoléon 1er à son retour de l’île d’Elbe, et remis en place après Waterloo par Louis XVIII (67) ; mais Louis XVIII allait bientôt décider que les officiers seraient nommés par lui (68). Louis XVIII supprime peu après les emplois d’officiers supérieurs à celui de commandant des gardes nationaux, créés sous l’Empire par suite de la mobilisation des gardes nationaux (69). La Révolution de 1830 rétablit le principe de l’élection des officiers (70), sensiblement dans les mêmes termes que les décrets des 29 septembre et 14 octobre 1791, mais l’art. 10 de la loi du 11 janvier 1851 rétablit la nomination des officiers de tous grades par le Président de la République sur présentation du Ministre de l’Intérieur (71).
Il n’y aura plus d’élection jusqu’à la guerre de 1870. La loi du 12 août 1870 relative à la garde nationale, décide que, pendant la durée de la guerre, « les officiers élus seront choisis parmi les anciens militaires » (72). La loi du 29 août 1870 décide que « les anciens militaires, officiers, sous-officiers et caporaux peuvent être admis à servir activement, pendant la durée de la guerre, dans les grades dont ils étaient titulaires » (73). La loi du 2 septembre 1870 sur les gardes nationaux du département de la Seine décide « qu’il sera procédé à l’élection des officiers, sous-officiers et caporaux dans les bataillons déjà organisés de la garde Nationale de la Seine. Ils devront être choisis parmi les anciens militaires. Toutefois, les officiers, sous-officiers et caporaux actuellement en fonction sont rééligibles » (74), et, le 17 septembre, les bataillons de la garde mobile armés et réunis à Paris sont appelés à élire leur officiers (75). Dans le premier stade il y a toujours élection, mais les officiers sont choisis parmi les anciens officiers.
Un décret du 11 octobre 1870 décide que les colonels et lieutenant-colonel de la garde nationale mobilisée seraient nommés par le ministre de l’intérieur (76), et un décret du 29 octobre décide que des officiers de l’armée concourront aux emplois de colonel de la garde nationale mobile (77). Il devait être pourvu à ces commandements par décrets du gouvernement de la défense nationale sur la proposition du ministre de la guerre (78). Le décret du 8 novembre 1870 relatif à la mobilisation des bataillons de la garde nationale prévoit que chaque compagnie de guerre nommera ses cadres (79). Puis le 18 décembre, « le gouvernement de la défense nationale, considérant que l’élection aux divers grades et emplois de la garde nationale mobile présente devant l’ennemi des périls qu’ont fait ressortir les derniers événements militaires, qu’elle met le gouvernement de la défense de l’impossibilité d’appeler au commandement des hommes dont la capacité est démontrée et de récompenser les services du champ de bataille », décrète que « les officiers de tous grades de la garde nationale mobiles sont nommés par le gouvernement, sur la proposition du ministre de la guerre, pendant la durée des opérations militaires en cours » (80).
Dans un deuxième stade, le gouvernement désigne donc lui-même les cadres.
La garde nationale a donc tout d’abord élu ses officiers. La Restauration, de 1815 à 1830, Napoléon III, de 1852 à 1870, feront nommer les officiers par le ministre de l’intérieur ceci par crainte de subversion. La guerre de 1870 rétablit l’élection des cadres, mais rapidement ce principe sera abandonné, cette fois pour une raison d’ordre militaire : il fallait des chefs expérimentés (81).
Source : Bernard Gildas, répertoire de la série R, Archives de l’Aube.
Notes : 1) Législation relative à la garde nationale (de 1789 au 22 mars 1831) : recueil de lois, décrets, ordonnances et autres actes de l’autorité concernant le garde nationale… Paris, 1840, 8°, XXXI – 608 pages (Bibliothèque Nationale F38518) pages 1 - 2
(2) Ibidem page 2
(3) Ibidem page 6
(4) Décret du 22 décembre 1789 – Janvier 1790 relatif à la constitution des assemblées primaires et des assemblées administratives, ibidem, page 4
(5) Article premier du décret du 8 vendémiaire an XIV (30 septembre 1805), législation relative à la garde nationale, page 146
(6) Ibidem page 192
(7) Ordonnance du roi contenant de nouvelles dispositions relatives à la garde nationale du royaume, 17 juillet 1816, article 3, ouvrage cité, pages 210 – 216
(8) Loi sur la garde nationale, 22 mars 1831, Bulletin des lois, 9e série, t. II, pages 63 – 106, article 3, pages 63 et 65
(9) Même loi, article 11 à 13 et article 20 page 65
(10) Article 7 de la loi des 8 avril, 28 mai et 13 juin 1851 : « tous les français à partir de 20 ans ». Bulletin des lois, 10e série, t. VII, pages 707 – 134
(11) Législation relative à la garde nationale, 1840
(12) Ibidem, page 17, article 1
(13) Ibidem, page 17, article 3
(14) Ibidem, page 28, titre IV : de la force publique, article 3. La constitution de 1791 est du 14 septembre 1791
(15) Législation relative à la garde nationale, page 13
(16) Ibidem, page 97 – 99. Constitution du 5 fructidor an III (22 août 1795)
(17) Ibidem pages 104 – 106, (arrêté du 17 floréal an IV ou 6 mai 1796 portant établissement des colonnes mobiles dans la garde nationale sédentaire)
(18) Ibidem page 143 : article 3 du sénatus-consulte du 24 septembre 1805 : « Les gardes nationales seront employées au maintien de l’ordre dans l’intérieur, et à la défense des frontières et des côtes. Les places fortes seront confiées à leur honneur et à leur bravoure ».
(19) Ibidem page 155 et suivantes
(20) Ibidem pages 155 – 163, décret impérial du 14 mars 1812 relatif à la levée et à l’organisation de 88 cohortes de gardes nationales
(21) Législation relative à la garde nationale, pages 163, 164, sénatus-consulte du 3 avril
(22) Ibidem pages 165 – 173, décret impérial du 5 avril 1813 portant règlement sur l’organisation de la garde nationale
(23) Ibidem pages 175 – 176
(24 Ibidem pages 181 – 182, ordonnance du roi concernant l’organisation des gardes nationales du royaume (16 juillet 1814), article 1 : « les gardes nationales du royaume sont toutes sédentaires et divisées en gardes urbaines et rurales, composées, les premières des cohortes formées dans les villes, les secondes, des cohortes formées dans les campagnes. Aucune garde nationale urbaine ne pourra être déplacée de la ville, et aucune garde rurale ne pourra être déplacée du canton, que pour les cas et dans les formes qui seront déterminées par une loi ».
(25) Ibidem pages 184 – 187
(26) Ibidem pages 192 – 196, décret impérial du 10 avril 1815 sur l’organisation de la garde nationale
(27) Ibidem pages 223 – 224, ordonnance du roi relative à la garde nationale (30 septembre 1818) : « Nous avons reconnu que, les circonstances qui avaient nécessité une composition spéciale de cette force publique ayant cessé d’exister, nous devions la faire rentrer sous le régime que les lois en vigueur prescrivent … En conséquence, nous avons résolu de ramener la garde nationale à son institution municipale … ».
Article 1 : la garde nationale passe sous l’autorité du ministre de l’intérieur
(28) Ibidem page 262 : ordonnance du roi contenant des dispositions relatives au service de la garde nationale de Paris (30 janvier 1825) : « Voulant profiter des circonstances favorables où nous nous trouvons pour alléger les charges que cause à la ville de Paris et à ses habitants le service de la garde nationale, mais sans priver ce corps, qui a tant de titres à notre bienveillance, des occasions de nous montrer le zèle et le dévouement dont il n’a cessé de nous donner des preuves ».
(29) Ibidem page 263 : ordonnance du roi du 29 avril 1827
(30) Ibidem page 265
(31) Ibidem pages 265, 266
(32) Ibidem page 269 (16 août 1830)
(33) Bulletin des lois, 9e série, t. II, pages 63 – 106
(34) Bulletin des lois, 9e série, t. II, B n° 26, loi n° 92, pages 63 – 106
(35) Arrêté du 5 mars 1848, ibidem 10e série, t. I, page 41
(36) Décret du 22 juillet 1848, Bulletin des lois, 10e série, t. II, page 59
(37) Loi du 7 juillet 1849, qui modifie les articles 64 et 67 de la loi du 22 mars 1831 sur la garde nationale, Bulletin des lois, 10e série, t. IV, page 1
(38) Décret du 12 décembre 1849. Bulletin des lois, 10e série, t. IV, page 586
(39) Lois des 8 avril, 28 mai et 13 juin 1851, Bulletins des lois, 10e série, t. VII, pages 707 – 734
(40) Décrets sur la garde nationale, 11 janvier 1852, Bulletin des lois, 10e série, t. 9 page 17
(41) Article 2, ibidem page 18
(42) Un exemplaire de la circulaire dans 11R6
(43) Bulletin des lois, 11e série, t XXXI pages 93 – 101
(44) Bulletin des lois, 11e série, t XXXVI, page 19, article unique : « la garde nationale mobile est appelée à l’activité ».
(45) Ibidem, 11e série, t. XXXVI, pages 222 – 223, article 1 et 2
(46) Bulletin des lois, 11e série, t XXXVI, page 321, art. 1 à
(47) Bulletin des lois, 11e série, t XXXVI, page 344
(48) Lois relatives aux forces militaires de la France pendant la guerre, Bulletin des lois, 11e série, t XXXVI, page 363
(49) Même loi, art. 2, page 363
(50) Bulletin des lois, 12e série, t 1, page 32, 33
(51) Ibidem, 12e série, t 1, page 61
(52) Bulletin des lois, 12e série, Tours et Bordeaux, page 14, art. 1, 2 et 5
(53) Ibidem, pages 47 – 49
(54) Bulletin des lois, 12e série, t 1, pages 128 – 129
(55) Ibidem, 12e série, t 1, pages 170 – 171 (décret du 7 novembre 1870)
(56) Décret du 29 octobre 1870, Bulletin des lois, 12e série, t 1, page 143
(57) Bulletin des lois, 12e série, Tours et Bordeaux, 12e série, page 219
(58) Bulletin des lois, 12e série, t 1, pages 171 – 173
(59) Ibidem, 12e série, t 1, page 186
(60) Bulletin des lois, Tours et Bordeaux, 12e série, page 272
(61) Bulletin des lois, 12e série, t II, page 45 et J. O. du 4 février 1871
(62) Arrêté du 29 mai 1871. Bulletin des lois, 12e série, t III, page 513 et J. O. du 30 mai 1871
(63) Bulletin des lois, 12e série, t III, pages 90 – 91, art. 1
(64) Bulletin des lois, 12e série, t III, page 368
(65) Décret du 5 septembre, 14 octobre 1791, section II, art. 16, Bulletin des lois, 1791 – 792, page 36
(66) Idem, section III, art. 14, page 43
(67) Ordonnance royale rétablissant dans leur fonction les officiers des gardes nationales destitués par Napoléon 1er, 7 juillet 1815, Bulletin des lois, 1815, 2e semestre, page 5
(68) Bulletin des lois, 1815, 2e semestre, art. 1, page 554 : « les officiers des gardes nationales seront nommés par nous, en notre conseil, sur la présentation de notre bien-aimé frère Monsieur, colonel général, d’après les listes des candidats, arrêtés de concert avec notre ministre secrétaire d’état de l’intérieur »
(69) Ordonnance du 30 septembre 1818, Bulletin des lois, 1818, 7e série, t VII, art. 1, page 466
(70) Loi sur la garde nationale, 23 mars 1831, Bulletin des lois, 9e série, t II, art. 50, page 77
(71) Bulletin des lois, 10e série, t IX, page 19
(72) Ibidem, 11e série, t XXXVI, page 321
(73) Ibidem, 11e série, t XXXVI, page 363, art. 3
(74) Ibidem, 11e série, t XXXVI, page 373
(75) Décret du 17 septembre 1870, Bulletin des lois, 12e série, t I, pages 52, 53
(76) Bulletin des lois, 12e série, Tours et Bordeaux, pages 47 – 49
(77) Bulletin des lois, 12e série, t I, page 143, art. 2
(78) Bulletin des lois, 12e série, t I, page 143, art. 3
(79) Bulletin des lois, 12e série, t I, pages 171 – 173, art. 6
(80) J. O. du 19 décembre 1870 et Bulletin des lois, 12e série, t I, pages 239, 240
(81) On lira avec intérêt dans le Bulletin de la Société d’Histoire Moderne (supplément à la Revue d’Histoire Moderne et contemporaine), 68e année, 1969, n° 12, l’exposé de J. Defrasne intitulé de la garde nationale mobile du Second Empire à la Territoriale, de la IIIe République : une continuité observée à travers les papiers de famille. L’auteur voit dans la Territoriale l’héritière de la garde nationale.
pchgenweb.free.fr/La_Garde_Nationale_par_Gildas.doc