Le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle.
Il était une fois Santiago.
An 44 : une barque de pierre flotte mystérieusement vers la plage d'El Padrón, à l'extrémité occidentale de la Galice espagnole. Elle porte les restes martyrisés de saint Jacques-le-Majeur, celui que l'on voit près du Christ sur les tableaux de la Cène. Saint Jacques sera enterré au champ des étoiles, « campus stellae » pour Compostelle. Bientôt les miracles se succèdent. Une basilique est construite à Santiago de Compostela. Saint Jacques apparaît en rêve à l'empereur Charlemagne et lui ordonne de reprendre les terres conquises par les musulmans. Légendes et récits des hauts faits de chevalerie, dont l'épopée de Roland à Roncevaux, ne manquent pas pour accompagner ceux de Jacques, lui-même apparaissant sur un cheval blanc lors de la bataille de Clavijo contre les Sarrasins. Il sera surnommé le « Matamoros », le tueur de Maures.
Au Moyen-âge, le pèlerinage prend une ampleur sans précédent. Les Jacquets se pressent sur les routes dangereuses, cherchant des gués, priant pour des grâces. Ils seront près d'un demi-million par an à arpenter les chemins où se glissent les voleurs, déguisés en « coquillards » donnant leur nom plus tard à la coquille ou faute d'imprimerie. En 1140, un petit moine poitevin, Aymeric Picaud, décrit le premier topo-guide des chemins, dans le Codex Calixtinus. Ce sera le début des grands itinéraires qui draineront tous les pèlerins des pays de l'Europe catholique. Pour le plus grand nombre, venus du Nord, de l'Oural, d'Écosse, de la Scandinavie, ils se rejoignent en France. Ceux d'Italie longent les Pyrénées. Ceux de la Méditerranée viennent du sud de l'Espagne et du Portugal. Le pèlerinage de Compostelle est classé premier au hit-parade des grands pèlerinages médiévaux.
Selon la tradition chrétienne, le tombeau de Saint Jacques le Majeur, disciple de Jésus, aurait été retrouvé dans la ville de Compostelle en Galice aux confins de l’Europe au cours du 9ème siècle. Le pèlerinage sur le tombeau de Saint Jacques se développa au Moyen-âge et très vite, les pèlerins affluèrent de l’Europe entière utilisant les voies ancestrales de communication et de commerce. Quatre grands axes de communication qui traversent la France ont été abusivement dénommés chemins de Saint Jacques et les villes de départ comme Paris, Le Puy en Velay, Vézelay ou Arles n’étaient que des villes étapes abritant des sanctuaires incontournables. Le pèlerin qui quittait sa contrée, animé par une foi sans faille, allait de sanctuaires en sanctuaires au gré des saisons et de leur célébrité de l’époque !
Depuis l'origine du pélerinage de Saint Jacques de Compostelle (Santiago de Compostela en espagnol), les pèlerins ont emprunté les voies de communication de tous les autres voyageurs. Sauf à proximité immédiate des sanctuaires, il n'y avait donc pas à proprement parler de chemins de pélerinage spécifiques.
C'est à partir de 1882, avec l'impression du dernier Livre du Codex Calixtinus, recueil composé au 12ème siècle, que s'est répandue la notion de chemins de pèlerinage. Ce livre commence en effet par ces mots : « Quatre chemins vont à Saint-Jacques ».
Très sommairement décrits, ces chemins sont désignés par les noms des villes qu'ils traversent. Comme l'ensemble du manuscrit, ils sont décrits et dénommés en latin. L'habitude a ensuite été prise de donner des noms à consonance latine aux chemins contemporains. Ceci peut être justifié quand ils suivent d'anciennes voies romaines. C'est plus folklorique quand il s'agit de créations contemporaines.
On va sur les chemins de Compostelle à pied, à vélo, à cheval, voire en bateau. En plusieurs courts séjours ou sur plusieurs semaines, à son rythme. Les touristes en voiture, malgré l'intérêt des visites culturelles, ne connaîtront pas la victoire sur la fatigue du corps, l'approche lente de la marche pour atteindre la superbe église ou la petite chapelle, le sentiment profond qui envahit le pèlerin pas après pas, les retrouvailles du soir à l'auberge ou à l'hospice, les rencontres qui font des amitiés durables
Le chemin de Saint-Jacques qui passe par Paris et Bordeaux, transite à travers le canton de Blanquefort en arrivant de Lamarque et d’Arsac. Il longe à l’ouest la commune de Ludon, passe par le Pian-Médoc, Blanquefort et Bruges, avant de traverser Bordeaux.
« D’une façon générale sans doute, le réseau routier tel que nous l’avons restitué servit-il à des pèlerins. À Blanquefort, c’est le chemin 3 (du château de Blanquefort à Macau) qui semble avoir été ainsi utilisé : la mention « à la rie de Pelegrin » (1516) doit être rapproché de « à la rieu d’Estappe » (1546) ; un nom de lieu « Pellegris » (1843) confronte ce chemin au sud du bourg… »
Anne Cavignac, Les noms de lieux du canton de Blanquefort, 1968.