Le vocabulaire gascon
- Aillet : ce condiment local est particulièrement indispensable à l'omelette pascale. C'est une jeune pousse d'ail très tendre et très parfumée dont la gousse n'est pas encore formée, d'environ trois mois. Ce dernier se récolte jusqu'à la fin du mois d'avril. L'aillet s'achète en paquet (botte) dès le mois de janvier sur le marché. L'aillet rehausse la cuisson d'une côte de veau ou d'une carbonade. L'aillet est à ajouter en fin de cuisson pour éviter de le cramer. On peut aussi le déguster cru, à la croque-au-sel, comme les fèves, les artichauts et les radis. « Ils coupaient du couteau une tranche de pain et sectionnaient un bout d'aillet qu'ils saupoudraient de sel... ».
- Ban (le) : en gascon, le ban, signifie bien un étal. « Étal des divers marchands installés sur les marchés de plein air ou couverts ». On signale à Bordeaux vers 1400 une rue Banquerie où précisément les bouchers avaient établi leurs bancs. Jean Bonnemason dans son ouvrage consacré aux noms gascons des rues (1997) mentionne à Saint-Macaire une plaque témoignant d'une rue « rue de bancs carnassiers » soit rue des Boucheries. Fermez le ban.
- Banastraire : en Médoc, le banastraïre était le vannier et chaque village avait son vannier qui clissait paneteyres, corbeilles et cantines. « Dans une charrette où s'entassaient les banastes pleines à craquer de tomates, prunes et pêches ».
- Barricot : voilà un terme qui est en rapport direct avec le chai. Un membre à part entière de vaisselle vinaire. C'est le fut modèle réduit. Pour Alexis Lichine dans son « Encyclopédie des vins et des alcools » (1982), « ce petit tonnelet n'a pas de capacité définie » et peut donc désigner le quart de barrique de 55 litres ou le demi-quart de 27,5 litres. En deçà, c'est un vinaigrier.
- Bessanier (le) : c'est le bout de règes où l'on peut tourner avec bêtes ou chevaux mécaniques.
- Biganon : c'est le poids plume de la famille canard, le favori des sauvaginiers. Le biganon c'est dame sarcelle. Mais attention, celle d'hiver qui fréquente les lieux humides et que traquent les chasseurs de gibier d'eau postés à l'affût dans les tonnes : « ces cabanes enfouies dans le littoral des marais qui sont de véritables studios confortables ».
- Bille (la) : désigne la barre de chocolat, celle qui se vend au détail, ou la section allongée d'une tablette de chocolat. Dans les années 50, les concierges des écoles communales vendaient, à la récréation, chouanes et billes de chocolat. La bille est mentionnée en 1823 par J.-B. L. dans ses Gasconismes particuliers du département de la Gironde. « Jean mangeait son chouane et sa bille de chocolat... ».
- Buffette (la) : la buffette était ce prélèvement, ce manque à gagner, cette taxe directement prélevée à la barrique. À ce jeu de la buffette, « les gabarriers de Saint-Estèphe passaient pour les plus rapides » (Bernard Ginestet, Saint-Estèphe, 1985). Pendant longtemps, c'est par le fleuve que les vins du Médoc arrivèrent à Bordeaux. Compte tenu du vent et des marées, les gabares mettaient un certain temps à rallier les Chartrons ou Palusdate. Ce temps était mis à profit par les mariniers qui parfois dégustaient joyeusement une partie de la cargaison.
- Cagouille : escargot.
- Cabaner : fermer partiellement ses volets afin de laisser passer un mince filet d'air et de lumière.
- Cabot : le cabot est une rège plus courte que les autres. Dans le Médoc, territoire du « roi des vins », les rangs de vigne plus courts que les autres sont des cabots.
- Capet : c'est bien évidemment le couvre-chef. Du béret béarnais au chapeau de paille d'Italie, le nom propre désigne parfois Louis XVI qui, après le 10 août 1792, n'est plus en Majesté ni en Sire mais un civil ordinaire, ainsi chaffré (surnommé) par les révolutionnaires en souvenir d'Hugues Capet, fondateur de la dynastie. En Gascogne, ce nom de famille trouve son origine chez les adeptes du capet (cap= tête). Il est conseillé de bien prononcer le t final.
- Châtellenie : nom bordelais pour indiquer une baronnie, c'est-à-dire une seigneurie justicière.
- Coudey : c’est un étui en corne de bœuf rempli d'eau, additionné de vinaigre qui contenait la pierre à aiguiser. Voilà aujourd'hui un objet obsolète à ranger dans un musée de la ruralité. Voilà quelques lunes que le faucheur ou le cantonnier, coudey à la ceinture n'aiguise plus dail, daillot et autres faux.
- Cruchade : voilà un très vieux produit estampillé Sud-ouest : une bouillie épaisse de maïs qui se mangeait chaude ou froide, un élément basique faisant en quelque sorte fonction de pain et parfois même dans la lande de plat unique. D'aucuns ont voulu y voir une sorte de polenta. Froide, coupée en tranches et frite à la poêle, la cruchade saupoudrée de cassonade pouvait devenir une sucrerie. De même, la millade, cruchade faite de millet avant l'apparition du maïs sur les marchés (XVIème siècle).
- Drolle (dròlle) : garçon ou fille qui n'a pas encore atteint l'adolescence.
- Esbigner : s'éclipser sur la pointe des pieds, « je profite d'un moment favorable pour m'esbigner ». « On s'esbigne d'un peu partout dans le Sud. »
- Esclop : c'est le sabot. Chaussure traditionnelle d'une seule pièce façonnée dans le vergne (aulne). Les esclops sont rares et nous savons, grâce à ce bon La Fontaine, que les financiers sont plus nombreux aujourd'hui que les sabotiers. L'histoire locale signale une étrange fête de l'esclop du côté de Cours-les-Bains, village pas très loin de Grignols réputé pour ses sources ferrugineuses. Dès le milieu du XVIIIe siècle, nombre de curistes en puissance se rendaient au moulin de Rode pour soigner troubles gastriques ou anémie, et longtemps l'esclop fit fonction de verre. Ainsi, un certain temps, Cours célébra sa fête de l'esclop en souvenir de « ce premier ustensile utilisé par les buveurs d'eau ». Afin de dissiper tout folklore, il semble utile de préciser que l'affluence des curistes fut telle à Cours jusqu'à la seconde guerre mondiale que l'on édifia une mini-station thermale, avec hôtel, salle de concert, chapelle et casino...
- Esplingon : c’est un piège artisanal pour attraper les oiseaux. Une arme pour Raboliot expérimenté, braconnier romantique, chasseur de bordures. Le ressort est constitué par une baleine de parapluie. « Chacun avait sa méthode, du lacet à la glue, en passant par l'espinglon fabriqué à la veillée avec un morceau de bois, un bout de ficelle et une baleine de parapluie... ».
- Esquire : petite crevette blanche, est encore un terme particulièrement connu et usité. L'esquire est même conseillée à l'apéritif et, sur certains marchés, elle est encore en vente. Si vous la cuisez vous-même, surtout ne pas oublier d'y ajouter l'anis étoilé, la badiane, le second sens de l'esquire, clochette ou grelot.
- Faire la brise ou le brisot : ces expressions désignent le vin rouge sucré où l'on trempait les mouillettes. C'était le coup de fouet du moissonneur, la collation des dròlles, le quatre heures des papés.
- Giberne : aux 17-19es siècles, la giberne était la boite à cartouches des soldats. Nos anciens avaient repris le nom de giberne pour le sac qu'ils portaient en bandoulière.
- Gratouille : c’est de la graisse très fine, fondue très lentement qui vire couleur dorée, extra sur des tranches de pain rôties et aillées. Voilà surement un extra de circonstance lié, je suppose, à la tuaille ou à la pelère familiale (fête de famille).
- Gratton : on fait fondre la graisse, on ajoute des morceaux de maigre, on assaisonne, ça mijote, ça cuit... un certain temps... Le tout est égoutté dans des poches en forme de cône. Ainsi réalisait-on le gratton de porc que l'on débitait en mottes, semblables à celles d'un certain beurre.
- Gringue : c’est, ici, par excellence la mauvaise herbe des champs, des vignes et des jardins. C'est le chiendent. Ironie du sort, cette mauvaise plante, fait partie de la famille des graminées et est cousine donc avec les céréales, blé, riz, qui ont contribué à nourrir l'homme. Ce rhizome à nombreux rejets, la pharmacopée populaire lui attribue des vertus. C'est, dit-on, la gringue qui servit de diurétique à Néron et nous savons que les « cagnes » et les « gats » se purgent en mangeant de la gringue. Hachés et grillés, les rhizomes peuvent servir à faire un succédané de café et une décoction de gringue, selon les recettes dites de bonnes femmes, est valable pour la goutte, la jaunisse, les calculs rénaux et biliaires. Lorsqu’on trintine la gringue, on arrache le chiendent, ce végétal dont on fait des brosses.
- Joualle : ce type de plantation de vignes alternant avec des cultures intercalaires... patates, monjettes, chou-rave, etc. Les statistiques du département de la Gironde de 1837 rapportent que l'artichaut du côté de Macau et Ludon « se cultive en pleine terre ou dans les rangs des vignobles en joualles ». Ce type de culture, rare aujourd'hui, contribuait à créer un paysage de vignes différent de celui que nous connaissons aujourd'hui.
- Lait ferré : Le lait ferré fait partie du placard de la pharmacopée populaire et, à ce titre, est un médicament encore usité. Le plus simple consiste à tremper, dans un bol ou un poêlon de lait, un tisonnier ou des pincettes, « rougis à blanc ». Pour le lait ferré le plus courant, on fait fondre entre les pincettes incandescentes un morceau de sucre au-dessus du récipient qui caramélise le lait. Le lait ferré le plus inattendu : le tisonnier brûlant dans le lait et quelques gouttes de teinture d'iode. Cette prescription de recettes de bonne femme est (était) très fréquente pour guérir maux de gorge, rhumes, toussiquètes.
- Lamproie : un de ces migrateurs qui rythme notre saison de pêche. « Les bourgnes doivent être remplies, mais il faut la consommer légèrement car, comme l'alcool ou le tabac, l'abus de lamproie est dangereux. Pour preuve, Henri 1er, mort d'une indigestion de lamproie. Il était anglais.»
- Mascare : c'est la suie, et par extension, c'est la tache, la salissure.
- Mascaret : ce flot montant qui pète lors des marées d'équinoxe semble assez connu des gens tant côté Garonne que Dordogne. Un mascaret redouté des marins du fleuve qui aux 17 et 18èmes siècles désignait un vent des plus dangereux qui « s'élève souvent vers le Becq d'Ambez dans le trajet de Bordeaux à Blaye ».
- Messe de huitaine : messe souvenir huit jours après l'enterrement d'une personne.
- Placet : lieu secret et privilégié où le chercheur de champignons trouve ses cèpes. Un synonyme : replat.
- Pain gousse : c'est la frottée à l'ail: une gousse frottée sur un quignon ou un croustet de pain. Un pet d'huile, un pet de sel. Et si, en plus, vous avez à proximité une grappe de raisin blanc, vous allez vous enversailler le palais !
- Paillon : au sens le plus large, c’est bien un fourreau de paille destiné à protéger les bouteilles de grand cru ou de champagne. Cette gaine de luxe pour bouteille était de paille de seigle cousue. Le paillon dans sa version tressée pouvait également servir de tamis en fond de cuve et jouer avec efficacité son rôle de filtre à l'heure du soutirage. Cet habillage qui n'est plus aujourd'hui de mise, semble avoir disparu il y a une trentaine d'années. Enfin, deux autres significations peuvent être prises elles-aussi en compte, « panier de paille évasé sans anse et légère couche de paille que les paysans glissaient dans les esclops », car ils ne portaient ni chaussettes ni basanes. Au début du 20ème siècle, il existait à Biganos une fabrique de paillons.
- Piquette : boisson assez moyenne, mais que les paysans utilisaient pour leur consommation personnelle. On fabrique la piquette avec du marc de raisin ou des fruits sucrés dans lequel on incorpore de l'eau et que l'on laisse fermenter.
- Rège : le sillon, le rang de vigne... « Elle accoucha seule par une nuit de pleine lune au mois de septembre entre deux règes de vigne lourdes de grappes noires... » (R.B. « Jeanne des Bernis », 1985).
- Replat : c'est le lieu, relativement précis, où l'on a l'habitude de ramasser ses champignons. C'est le jardin secret du chercheur, sa caverne d'Ali Baba, son gisement, son périmètre sauvegardé. Le replat est un secret. Car le chercheur patenté ou la chercheuse est du genre taiseux et cachotier : on ne communique pas ses adresses. On se les garde. Et l'on recouvre toujours son panier de fougères ou de gueille de sorte que l'on ne sait jamais si le panier est vide de cèpes ou plein de promesses. Ainsi, les as du replat entretiennent le mystère. Les réputations se bâtissent parfois plus sur les interrogations que sur les certitudes.
- Ronteau : petit chemin entre deux pièces permettant le passage. Chemin d'accès, hier pour les attelages, aujourd'hui pour les tracteurs.
- Rouillon : synonyme de rouille (petit ruisseau) celui qui fait les grandes rivières. Certains hommes de terrain avertis affirment que désormais les écrevisses font un discret retour dans les rouilles. Un rouillot est un filet d'eau, un ruisselet, pas obligatoirement d'eau douce d'ailleurs car, côté Bassin, le mot désigne un chenal, modèle très réduit, où l'on ramasse des lavagnons.
- Roupit : petit oiseau gracile et gourmand autrement appelé rouge-gorge. « Le roupit faisait partie des oiseaux que les dròlles décanillaient avé la pèpe ou le rouspic. Mais il fallait être mariol pour réaliser une brochette ». Manger comme un roupit est une expression pour traduire que l'on se contente de peu.
- Royans : les Bordelais appelaient royans, les sardines. L'histoire nous apprend que ce poisson de mer fut pendant très longtemps livré par des pêcheurs originaires de Royan et lorsque, pour raisons financières, ils cessèrent les livraisons charentaises, le nom resta. Pour les gens d'ici, de vieille souche, le royan désigne encore la sardine fraîche avec toutefois, une précision qui estampille la provenance. Ainsi sur clies et bancs, le royan d'Arcachon côtoie le royan de Collioure. Le terme de sardine étant réservé aux poissons conservés à l'huile. « Je me souviens des marchandes de quatre saisons derrière leurs charrettes à bras à l'angle de l'Intendance et du cours Clémenceau... mes beaux royans d'Arcachon. Oh qu'y sont frais... Oh qu'y sont bons ! » François Mauriac, Commencement d'une vie.
- Sanquette : sang de la volaille recueilli dans une calotte (assiette creuse) au moment où elle est tuée. Au fond d'une calotte, idéale pour le chabrot, hachis d'ail et persil, sel, poivre et filet de vinaigre, pour certains, oignons et lardons aussi. La sanquette, cette crêpe sombre, parfaite illustration qu'à la campagne rien ne se perd et que l'on peut faire délice de presque rien.
- Sécaillage : c'est l'action de supprimer les vieux carassons (on dit aussi carassones), pour les remplacer par des neufs. Un travail de la vigne qui se fait encore à la main. Ces vieux tuteurs ou échalas, généralement en acacia, sont brûlés mais peuvent également servir à griller une entrecôte persillée.
- Sécailler : c'est arracher un tuteur (carrasson), piquet de vigne en fin de vie, pour le remplacer par un nouvel échalas traditionnellement d'acacia ou d'eucalyptus. L'hiver, la feuille de route du viticulteur se joue à trois temps : taille, sécaille, acanage. « La meilleure sortie pour les secailles, c'est de s'évanouir en braises blanches comme douelles et sarments afin de griller aux trois couleurs nos persillées entrecôtes.»
- Sent-bon : c'est l'eau de Cologne, le parfum sans signature, le chanel des gens de peu, la fragrance qui habille en dimanche. Dire en argot local de quelqu'un qu'il pue le sent-bon, c'est exprimer de manière espiègle que notre client est allé au-delà de la touche qui flatte en s'aspergeant de sent-bon.
- Souillarde : petite pièce le plus souvent accolée à la cuisine. Les ménagères y font la cuisine et y lavent la vaisselle. La souillarde qui est sombre, le plus souvent, sert aussi de garde-manger.
- Tauvere : l'un des vingt et un mots qui, en Gironde, désignent la bande de terrain à l'extrémité de la vigne pour laisser tourner hier le bétail et aujourd'hui les machines. En 1900, selon les délibérations du Conseil Général du département, ce mot était particulièrement employé dans la région de la grande Gavacherie (autour de Monségur).
- Trahouquet : c'est un petit trou à la chaussette conséquence de l'usure, du frottement. Il peut également décorer pulls et lainages. C'est aussi le trou de la serrure, voire « une petite brèche dans une cloison ».
- Tionques : c'était une pratique d'été, particulièrement à l'heure du quatre-heures. Dans un bol de vin sucré, additionné d'eau fraîche, on trempait, on tionquait, des morceaux de pain. C'était un remontant, le requinquant de l'après-midi de labeur et aussi la collation des dròles. On peut assimiler les tionques aux mouillettes. Synonyme de tionque : tiounque, trempic, trempous, trempine, tionquet à Landiras et brisot à Saint-Laurent-de-Médoc. La tionque, voire la tiouque, est dans le Médoc, un petit canot en bois goudronné que l'on rencontre encore dans les chenaux de cette presqu'île du vin.
- Yole : Quelques vieux loups de rivière sont à même d'identifier cette embarcation légère à fond plat, faible tirant d'eau et étrave en arc-de-cercle évitant de pincer le courant, initialement manipulée à la godille pour pêcher créacs, aloses, gats... Une enquête socioprofessionnelle réalisée en 1985 par le musée d'Aquitaine révèle deux types de yoles : La Lormontaise fabriquée après 1914-1918, une pointe, tableau arrière progressivement équipé de moteur, et La Norvégienne, à deux pointes, fabriquée dans les années 1930 entre Gauriac et Bourg-sur-Gironde, à Reuille. À partir des années 70, les yoles sont en matière plastique moulée à dimension toujours invariable de 5,85 rn de long. Les plus vieilles mémoires de Langoiran parlent parfois de courses traditionnelles de yoles à deux ou quatre rameurs pour la fête locale. Pour un Girondin du Bassin, la yole n'a rien à voir avec une embarcation mais désigne la berle, c'est-à-dire cette petite boule d'argile coloré : la bille, jeu majoritaire des cours de récré jusqu'à la fin des années 50.
Extrait du livre : Une pensée de Macau, Marie-Christine Corbineau, Les Enrasigaïres, 2012, p.193.199.